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Shanghai des Lilongs : autour du quartier Verdun...

Dans l'allée de lilongs avec des jardinets sur le devant de porte, le soleil d'automne brille à travers les gingko biloba. Je vous propose de partir à la découverte d'un coin étonnant de l'ancienne Concession Française ....

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Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 9 mars 2025, mis à jour le 27 mars 2025

Le quartier de Verdun, un charmant mélange des genres

Du côté de la rue Jinxian, règne  une ambiance à la fois populaire et paisible, un petit peu "bobo", dans l'air du temps... . Les cafés et boutiques branchés côtoient les allées de lilongs qui constituent à elles seules un village : on y trouve de tout pour satisfaire la vie quotidienne,  marchands, serrurier, coiffeur, et surtout restaurants locaux.... J'ai testé une gargote familiale à l'ambiance bistro où l'on s'est régalé de plats typiquement shanghaiens : crevettes sautées craquantes et sucrées, porc mariné à la sauce rouge, oseille rafraichissante, tripes à la sauce soja...

Ici, la vie de voisinage est intense et tout le monde se connait, il est vrai que la plupart des habitants sont des descendants de fonctionnaires de l'époque de Mao. Le siège régional du Parti était installé à côté et les lilongs étaient des logements publics. Sur l'arrière, dans les parties de service, les logements ont été ensuite redistribués par le district.

Intérieur Art Déco du Club sportif Français (photo MER)

Des notables, plus ou moins fréquentables


De là, nous partons à la découverte d'un quartier plus cossu et commerçant, autour de la Huaihai Lu, cette artère de 12 km qui traverse tout Shanghai et qui sur cette portion était le coeur névralgique du Shanghai des années folles. C'est ici, Avenue Joffre, que la vie mondaine et nocturne shanghaienne battait son plein dans les années 20 : le cinéma Cathay encore en activité, la salle de pelote basque, un sport très en vogue en ce début du siècle, aujourd'hui reconvertie en grand magasin Le Printemps et à deux pas le célèbre Club Sportif Français, une sorte de country club, où se trouvait la plus grande piscine de Shanghai (54 m couverte !) et surtout la salle de bal la plus courue de Shanghai. Comme le dit le dicton populaire "Le monde est en guerre", rappelons nous qu'on est dans la période d'entre deux-guerres mondiales, et aussi de la guerre sino-japonaise, "mais Shanghai danse toujours...", c'est ici que s'empressaient les mondains de l'époque, pour acheter les plus chers jetons de danse et s'attacher les charmes des hôtesses de bal.

Les notables, comme le comte du Pac de Marsoulies qui vivait route Delattre (actuelle rue Tayuan),  fréquentaient les gangsters de la Bande Verte comme "Du les grandes oreilles" dans sa villa de la rue Wagner (actuelle Ninghai Lu)... En ce temps là, "il faisait bon être gangster à Shanghai...". Certains aujourd'hui encore entretiennent ce paradoxe : à Shanghai, les plus belles affaires se conclueraient dans la société Haipai, comme les plus belles arnaques...

Affiche dans les "cités ouvrières" (photo MER)

La Concession d'Est en Ouest

Mais nous sommes allés un peu vite... Si tout ce "beau" monde, quelques 1.300 Français, peut se divertir et se loger dans cette Concession Française, si protégée des aléas de la guerre (on raconte même que des toits des hôtels, à la lisière nord de la Concession, on allait "admirer" les feux qui tombaient sur le quartier japonais de Chapei (l'actuel Zhabei), c'est grâce à 400.000 Chinois qui pour certains ont construit ces immeubles et ces villas. La Concession Française, elle, s'est donc bâtie à partir de l'Est. C'est là, près du Parc Fuxing, que l'on trouve des lilongs plus modestes, sortes de cités ouvrières où la vie sociale est très organisée, si ce n'est policée : de grandes affiches prônent des consignes de sécurité en cas d'incendie, mais aussi des règles de vie sociale : respecter les vieux, les veuves et les orphelins.... La vie collective est encouragée : distributeurs d'eau et machines de sport en pleine rue, journal affiché sur des panneaux...

Reconversion d'une "mansion" (photo MER)

Un peu à l'Ouest, sur la Sinan Road, Didier nous emmène voir de plus près de belles demeures, les premières construites par ces mêmes ouvriers. Certaines ont été reconverties en hôtel, mais d'autres, à l'époque de Mao ont été compartimentées pour plusieurs familles qui y ont été affectées. On ne pourrait être mieux loti.... Le jardin est bucolique, la bâtisse a une allure de manoir, mais là encore, le principe de communautarisme est de mise : cuisines communes au rez-de-chaussée ou dans la cour avec un coin legumes pour chacun,  parfois aussi des sanitaires communs, les vélos sont entassés dans le couloir, et aux étages, chaque famille a son espace. Les compteurs électriques sont là pour nous rappeler combien de familles vivent sous le même toit, généralement 10/15. Tout le monde se côtoie et vit sous l'oeil du voisin, pour le meilleur et pour le pire... La vie privée n'a pas beaucoup de place ici.

Marie-Eve Richet (www.lepetitjournal.com/shanghai)

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