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J’AI EPOUSE UN CHINOIS – Quand amour et différences culturelles se conjuguent

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 25 février 2016, mis à jour le 25 février 2016

 Par Delphine Gourgues

Après avoir publié quelques témoignages passionnants dans notre article "J'ai épousé une Chinoise" (pour le relire, cliquez ici), nous tenions à entendre aussi la voix de femmes françaises ayant épousé un homme chinois. On ne vous cache pas que ce sujet est encore plus délicat et a engendré de nombreuses réticences, par pudeur, par crainte des clichés, par souci de discrétion vis-à-vis des familles, des enfants? Nous avons pu cependant recueillir le témoignage de trois femmes, qui vivent à Shanghai et qui nous ont ouvert quelques pages du livre de leur famille  franco-chinoise. Voyage au c?ur du biculturalisme?

 

 

Marie et Jin Cheng, "on profite du meilleur des deux cultures !"

Commençons donc par Marie et Jin Cheng, la quarantaine, 17 ans de mariage, deux enfants d'environ 14 et 10 ans. Dès son adolescence, Marie a été attirée par l'étude du mandarin qu'elle a commencé à apprendre en 3ème langue. Après des études en Angleterre, elle part en 1997 enseigner l'anglais dans une ville industrielle du Hubei. Immersion totale ! C'est là qu'elle rencontre Jin Cheng, lui aussi professeur d'anglais. Un an plus tard, ils se marient  puis partent en France, à la fin du contrat de Marie. Jin Cheng n'était alors jamais sorti de Chine, belle preuve d'amour ! Le couple s'installe alors dans le Nord où Marie a trouvé un emploi. Evidemment, les débuts furent difficiles avec de nombreuses tracasseries administratives à gérer, la barrière de la langue? Mais courageusement, Jin Cheng apprend le français, puis trouve du travail. Deux enfants viennent agrandir le foyer, l'intégration en France est totale, à tel point qu'ils trouvent qu'il manque à leurs enfants leur identité chinoise?

Jusqu'à ce qu'en 2008 s'annonce une expatriation?en Chine ! Cette fois, c'est Jin Cheng, qui, pour le compte d'une entreprise belge, doit faire le choix de ?s'expatrier" et pour cela de renoncer à sa nationalité chinoise? Les enfants ont alors 7 et 3 ans, ils entrent au LFS (Lycée Français de Shanghai) et se mettent à apprendre le mandarin. Si la langue de la famille reste le français, l'aîné parle maintenant souvent chinois avec son papa. Aujourd'hui, la famille vit en mixant les deux modes de vie, en essayant de profiter du meilleur de chacune des deux cultures (les spécialités culinaires, les fêtes traditionnelles etc.) ! Si Marie avoue n'être parfois "pas assez tolérante et encore souvent choquée par des différences culturelles", elle a cependant suivi un Master2 de FLE (Français Langue Etrangère) sur le multiculturel et les questions identitaires. L'avenir ? Le couple se voit bien à terme rentrer en France ou en Europe, selon les opportunités professionnelles de Jin Cheng. Et ce sera surtout pour la qualité de vie (notamment environnementale) qui commence à leur manquer en Chine?

Hélène et Leiming, "des différences qui poussent à être beaucoup plus dans l'échange"

Partons maintenant à la rencontre d'Hélène et de Leiming, 17 ans de mariage eux aussi et quatre enfants, allant du lycée au primaire. Le profil de ce couple est un peu différent puisque Leiming, né en Chine, avait quitté son pays à l'âge de 12 ans, pour arriver en France avec sa famille en 1981. En France, il a grandi dans un environnement très chinois, mais fut le pivot d'intégration de la famille, notamment parce qu'il était l'aîné et qu'il a très vite appris le français. La vie quotidienne, notamment matérielle, ne fut pas toujours facile, les petits boulots étaient fréquents pour soutenir la famille. Après son baccalauréat, il entre en classes préparatoires et prend son indépendance. A 19 ans, il se fait même baptiser et choisit le prénom de Pierre ! Il se considère donc aujourd'hui comme totalement "biculturel", au sens où il connaît très bien les deux cultures. Mais vu de l'extérieur, il sera toujours "moitié français, moitié chinois"? La rencontre avec Hélène se fait plus tard, vers la trentaine, et autour de la foi, véritable "ciment de la relation". Les parents de Leiming ont vu cela d'un bon ?il, cette intégration est un signe de réussite, même si quelque part, il y avait un renoncement à leur culture d'origine? Le retour en Chine était un projet du couple dès leur mariage, ce fut chose faite en 2001, puis en 2012, à l'occasion de deux expatriations.

Les principales différences dans le fonctionnement du couple ? Elles sont variées mais gérables. Elles peuvent être tout simplement alimentaires (le rice cooker toujours plein, versus un stock de yaourts et de fromage au réfrigérateur?), mais aussi relatives aux valeurs : le rapport à l'argent n'est pas le même, l'utilité des vacances n'est pas perçue de la même façon? Avec le temps, chacun apprend à lisser son point de vue. Et si la langue parlée en famille est le français, Leiming a à c?ur de transmettre aux enfants les traditions, la culture. Un sujet reste encore délicat au sein du foyer, c'est celui du rapport au travail, et plus précisément concernant les attentes scolaires avec les enfants. Leiming travaille "comme un fou, il met la barre très haut", confie Hélène, "et il en attend de même de nos enfants ! Moi, je suis aussi exigeante, même si je suis plus dans l'accompagnement".  Mais toutes ces différences ont du bon, "elles obligent à parler plus, à s'exprimer son ressenti, à être dans l'échange".

Aujourd'hui, l'équilibre est trouvé, "les enfants sont français, leur famille est en France (même la belle-famille), mais nous sommes un couple franco-chinois", affirme Hélène. Un couple profondément attaché à ces deux pays, au point qu' "en France, la Chine me manque", conclue Hélène.

Sandrine et Simon, deux personnalités atypiques en osmose

L'histoire de Sandrine et Simon est assez improbable. Mariés depuis 15 ans, sans enfant, ils cumulent les particularités. Tout d'abord Sandrine : issue d'une famille peu conventionnelle, cette femme, au caractère bien trempé, a toujours manifesté sa volonté de rester indépendante ! Elle vit depuis 22 ans en Chine, et y était arrivée pour monter, avec succès, la filiale chinoise d'une grosse société d'équipement sportif. La rencontre avec Simon s'est faite totalement par hasard, au détour d'un événement professionnel à Pékin. Simon a dix ans de moins que Sandrine, il était à l'époque marié, avait un enfant, et exerçait la profession d'avocat. Issu d'une famille chinoise traditionnelle, son univers est alors relativement peu ouvert sur l'international. S'il parlait un peu l'anglais, il n'avait quitté la Chine qu'une seule fois, pour New-York, dans un cadre professionnel. Le changement de vie est donc pour Simon radical : il divorce, de sa femme, mais aussi un peu de sa famille, pour vivre avec Sandrine.

Leurs différences sont multiples : la nationalité et la culture bien sûr, mais aussi l'écart d'âge, le caractère (lui est patient et doux, elle se qualifie de dynamique voire "speed"), et la langue parlée au sein du couple, l'anglais. C'est d'ailleurs un regret : "on n'a pas assez fait l'effort d'apprendre la langue de l'autre au point d'en faire notre langue d'échange", avoue Sandrine. Par ailleurs, l'âge relativement tardif de leur union a permis au couple de trouver un équilibre dès le début. "A 38/39 ans, j'avais déjà beaucoup appris sur la relation et je savais les efforts à faire", nous confie Sandrine. Plus il y a de différences, plus on sait qu'une relation, "ça se gère, ça ne coule pas de source". Cette sagesse leur permet de trouver le bon tempo, de savoir comment l'autre va réagir, de se comprendre à demi-mots. Bien sûr, chacun a traversé de grands moments de doute, mais sans forcément avoir besoin de le partager avec l'autre. Mais pas d'inquiétude, "on n'a pas besoin d'être fusionnel, [?], si je veux parler politique, je le fais avec mes amis français ! L'essentiel, c'est qu'au quotidien, on est vraiment bien tous les deux !".

Côté familles respectives, c'est aussi particulier. La famille de Sandrine est une famille atypique, très chaleureuse, voire "envahissante", lors de leurs séjours en France. La famille de Simon en revanche est très traditionnelle, au point que Sandrine n'a jamais pu rencontrer ses beaux-parents ! Simon reste attaché aux siens, il leur rend visite de temps en temps, en parle souvent, mais c'est tout. Côté professionnel, Sandrine est aujourd'hui à la tête d'une société de conseil en management et marketing. Simon, lui, à son arrivée à Shanghai, n'a pas réellement trouvé de cabinet d'avocats à sa convenance. Il travaille donc occasionnellement avec Sandrine, notamment lors des négociations avec des Chinois, comme un "facilitateur". Il décode pour elle le non-dit, le langage corporel, sa perception est différente et très utile ! Leurs amis en couple mixte (occidental-chinois) sont ceux avec qui les relations sont les plus fluides, "tout le monde est à l'aise, on est en plein biculturalisme". Et si Simon voit souvent ses amis chinois de son côté, c'est ensemble qu'ils fréquentent les amis de Sandrine.

Et où vivront-ils plus tard ? C'est une question récurrente pour le couple. Simon adore la France, ses régions, son air pur, sa gastronomie, "à condition qu'il ait un bol de nouilles pas trop loin quand même !". Mais "la Chine reste une évidence tant que nous travaillerons. La retraite se fera sans doute un pied en Chine, un pied en France". En conclusion, Sandrine affirme que si c'était à refaire, elle le referait sans aucune hésitation. "Les différences sont finalement les mêmes pour tous les couples qui ne sortent pas du même moule, ça se gère et c'est parfois très drôle !"

Nous remercions chaleureusement Marie, Hélène et Sandrine pour leurs témoignages et leurs photos !

Propos recueillis par Marie-Eve Richet et Delphine Gourgues

Delphine Gourgues lepetitjournal.com/shanghai  Vendredi 26 février 2016

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 25 février 2016, mis à jour le 25 février 2016

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