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CAROLINE DE RIEDMATTEN, SHANG XIA – "La chance arrive masquée parfois !"

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 2 mars 2016, mis à jour le 3 mars 2016

 Par Delphine Gourgues

Le mois dernier, dans le cadre d'une soirée conférence de l'association La Ruche, nous avons rencontré une femme passionnante, Caroline de RIEDMATTEN, et pénétré au c?ur d'une marque atypique SHANG XIA. Caroline est arrivée à Shanghai en juillet 2013 en tant que directrice générale adjointe de la marque chinoise du groupe Hermès. Elle nous raconte avec énergie et humour son parcours, ses passions, son histoire avec la marque et son apprentissage du management en Chine. Avec une belle leçon à retenir : "La chance avance masquée parfois !"?

 

 

L'univers du luxe, une envie depuis toujours

Si Caroline a toujours voulu travailler dans le luxe, cela ne fut pas le cas à ses débuts. En effet, à son entrée sur le monde du travail, au début des années 80, le secteur n'était encore pas très développé, du moins en France. C'est donc vers les "produits bruns" (électroménager de loisir) qu'elle fait ses armes. Puis au gré des opportunités, elle parvient à intégrer la société Givenchy, le groupe LVMH avec les marques Fendi, Vuitton, et enfin la société Hermès. En 33 ans de carrière, son fil rouge a toujours été la passion des développements de projets : "J'adore partir du chaos puis organiser les choses. Après, cela m'amuse beaucoup moins !".

Lorsqu'en 2013, Hermès propose à Caroline, pour la deuxième fois, de tenter l'aventure chinoise, la décision est difficile à prendre, notamment sur un plan personnel et familial. Mais l'appel de la nouveauté, la séduction du projet en devenir, l'envie de l'étranger aussi, tout la pousse à partir. Si cette expatriation est sa première en tant qu'adulte, Caroline a déjà vécu dans plusieurs pays dans son enfance puisqu'à 17 ans, elle avait passé 14 ans hors de France. "Cela vaut le coup d'emmener vos enfants en expatriation, n'hésitez pas", assure-t-elle, "cela les habitue à la différence !".

Shang Xia, à la recherche de l'artisanat d'exception au c?ur de la Chine

Shang Xia est née d'un désir de Qiong Er Jiang, sa créatrice et directrice générale, et des responsables d'Hermès. Qiong Er, est avant tout une artiste qui créait alors les vitrines de la marque Hermès, mais aussi des bijoux, des meubles et surtout, qui avait un rêve : retrouver cet artisanat chinois, qui a 5.000 ans d'histoire, et qui est en train de se perdre dans les méandres de l'histoire de la Chine. Cette vision du savoir-faire chinois est en totale opposition avec la mauvaise image des produits "made in China"?  Et ce désir de retrouver son passé et de le porter vers le futur, en remettant à l'honneur cet artisanat d'exception, était tout à fait cohérent avec les valeurs de la marque Hermès. "Ce groupe a la particularité d'être encore sous une gestion très familiale, qui se veut pérenne, qui cherche à construire du vrai, de l'authentique", nous explique Caroline. Il se trouve qu'à cette période s'était engagée chez Hermès, une véritable réflexion sur la culture chinoise, très différente du monde équestre des XVII/XVIIIème siècles. Mais Hermès n'était pas forcément légitime sur ce territoire de marque. C'est ainsi que naquit Shang Xia !

Shang Xia, c'est aujourd'hui une équipe encore assez réduite de 80 personnes, qui construisent l'histoire de la marque, en partenariat avec ces fameux artisans d'exception. Ceux-ci sont choisis pour leur savoir-faire unique, la marque leur demande alors de créer vêtements, bijoux, accessoires, vaisselle, mobilier, avec un design bien spécifique, à la fois modernisé et en ligne avec son histoire. Et les plus passionnés d'entre eux se lancent dans l'aventure. C'est un pari pour tous à chaque fois. La clientèle visée de la marque est bel et bien chinoise. Et pour celle de Shanghai, cette image de raffinement et de qualité artisanale a beaucoup de valeur, la Chine n'est vraiment plus "l'usine du monde" qu'elle a été. Si le groupe Hermès a pour ambition, à long terme, de faire de Shang Xia une marque globale, le développement en Chine est prioritaire. Viendront ensuite l'Europe, les Etats-Unis, le Japon? Et comme toute marque de luxe qui se respecte, une boutique a été ouverte à Paris (rue de Sèvres), comme gage de son sérieux, et pour la clientèle internationale.  On y voit entre autre des clients chinois de passage, qui viennent "valider" leurs choix futurs?

Le management de Caroline : organisation, bienveillance et une bonne dose d'énergie !

En 2013, à l'arrivée de Caroline, c'est l'heure du premier bilan : le lancement de la marque s'est bien passé, il y a beaucoup d'attentes, mais les équipes ne suivent pas au bon rythme, des problèmes d'approvisionnement engendrent un vrai décalage entre les saisons et la présentation des collections?Il est urgent d'agir ! Caroline met donc tout de suite "les mains dans le cambouis", pour comprendre les rouages de l'entreprise. Et elle entame son travail de "rangement de la cuisine"  (mettre de l'ordre), selon son expression consacrée. Bien sûr, la barrière de la langue est importante, cela n'aide pas à comprendre comment les Chinois fonctionnent et travaillent. "J'ai très vite compris que les Chinois n'aiment pas vraiment travailler en équipe, qu'ils peuvent paniquer quand ils ne comprennent pas, et qu'ils ont un rapport au temps complètement différent du nôtre. Ils ne sont pas organisés comme nous, mais ils travaillent énormément !".

"Privée de parole, il a fallu que je regarde", confie-t-elle. Elle a aussi pris le temps de faire le point avec chacun, en face à face, pour tenter de savoir ce que chacun voulait vraiment, et pour former de nouvelles équipes (des "agrégats") selon les personnalités et les besoins. Puis Caroline a rapidement appliqué ses règles d'or : la bienveillance et la valorisation de l'autre. "Etre bienveillant est parfois perçu comme une faiblesse, cela peut être vrai pour certains? mais pas pour moi !". De plus, les Chinois qui intègrent une société européenne attendent un style de management différent du modèle chinois. Quant à la valorisation, elle passe, selon elle, par les compliments puis par l'exigence, et cela repose essentiellement sur l'écoute active de l'autre. Ainsi, Caroline a pu mettre à profit ses talents d'organisatrice et de créatrice d'énergie positive : travailler avec les gens, tirer le meilleur parti des équipes et? s'amuser en même temps, car c'est essentiel !

"La chance avance parfois masquée !"

En faisant le bilan de ces deux années et demi passées à Shanghai, Caroline assure avoir adoré être repartie de zéro, devant une feuille blanche, tant au niveau personnel que professionnel !  Les rencontres sont multiples et extraordinaires, on élargit son cercle, on découvre l'Asie, "et ce n'est pas fini !", affirme-t-elle.

Si cette aventure professionnelle est certes épuisante au quotidien, les résultats sont déjà là, les délais de livraison se sont nettement améliorés, les ventes décollent dans ce magnifique flagship store de Xintiandi (233 Middle Huai Hai Road), adossé au magasin Hermès. Prochaine étape : après Shanghai et Pékin, ouvrir plus de boutiques en Chine continentale et en Grande Chine. 

"Et si j'ai eu de la chance ? Certainement !", reconnaît-elle. La chance, tout le monde peut en avoir, à chacun de la reconnaître et de la saisir. "La chance avance parfois masquée !", affirme Caroline. Ainsi, elle nous avoue qu'après avoir lancé la marque Fendi en France, elle s'est vue proposer un poste au service après-vente de Vuitton? A priori pas très "glamour", cette expérience s'est révélée extraordinaire ! Et pour parvenir à attirer cette chance à soi, Caroline nous livre sa recette : ?Il faut tout prendre, tirer les bonnes ficelles et surtout se faire confiance !".

Pour conclure, Caroline nous dévoile les enseignements de cette aventure chinoise : "il faut s'amuser pour être bon, aimer le changement permanent et avoir une attitude d'ouverture, c'est-à-dire accepter que ce qui était vrai hier, ne sera pas vrai demain, et c'est très bien ainsi !".

Crédits photo : Shang Xia

Pour en savoir plus sur la marque Shang Xia : http://www.shang-xia.com/

Retrouver Qiong Er dans notre article Shanghaiennes d'aujourd'hui.

Et pour relire nos derniers portraits de Français de Shanghai, voir notre rubrique Communauté/Portraits.

Delphine Gourgues lepetitjournal.com/shanghai Jeudi 3 mars 2016

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 2 mars 2016, mis à jour le 3 mars 2016

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