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SOCIETE - A chaque époque, ses figures tutélaires chinoises

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Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 2 décembre 2020, mis à jour le 2 décembre 2020

Dans la Chine actuelle, que sont devenues les figures tutélaires associées au maoïsme d’entre 1949 et la fin des années 70 : l’ouvrier, le paysan et le médecin aux pieds nus ?

Le premier, héritage commun du marxisme, a été mis très tôt sur un piédestal par le grand frère Russe avant d’être redessiné avec des traits chinois. Le second a été magnifié durant la Révolution culturelle, en accueillant sur ses terres les intellectuels dévoyés des grandes villes. Le troisième a longtemps fasciné les visiteurs occidentaux d’un jour qui s’émerveillaient du génie chinois capable d’apporter à sa population déshéritée les bienfaits d’une médecine nourrie de beaucoup de tradition et d’un peu de modernité.

Le ministère de la Propagande, qui porte toujours ce nom, ne produit plus aujourd’hui de telles représentations idéalisées, comme il l’a fait jusqu’aux années 80 à travers des affiches, des films ou des opéras, mettant en scène la femme et l’homme parfaits, le regard tourné vers un avenir meilleur. Pourtant, de nouvelles figures tutélaires sont apparues, omniprésentes sur tous les écrans et sur tous les réseaux : le scientifique, l’entrepreneur et l’influenceur.

 

Celles d’aujourd’hui…

La recherche est devenue le fer de lance de l’offensive chinoise qui affiche ouvertement son objectif d’appuyer sa puissance industrielle sans égale sur une capacité d’innovation de pointe. À titre d’exemple, rappelons simplement que selon l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), pour la première fois depuis la création du système de brevet international en 1978, la Chine vient de dépasser, en 2019, les États-Unis en nombre de dépôts: 58 990 brevets déposés pour la Chine contre 57 840 pour les États-Unis. Pour emporter l’adhésion collective et mobiliser les générations, la figure du chercheur est programmée en prime time, par exemple dans l’émission My Future qui a entamé sa troisième saisonDiffusée par l’une de grandes chaines de télévision, Hunan TV, ce show de vulgarisation à grand spectacle met en avant des scientifiques qui y présentent, avec des mots simples, des applications futuristes étonnantes soumises à l’approbation d’un jury de vedettes invitées.

L’ouverture à l’économie de marché de l’ère Deng Xiaoping des années quatre-vingt est à l’origine de la réhabilitation des entrepreneurs galvanisés par la devise « enrichissez-vous ». Ils furent autorisés à devenir représentants du peuple à l’Assemblée Nationale Populaire en 1979 et encouragés à rejoindre les écoles et universités qui rouvraient enfin leurs portes. Du tissu dense de près de 40 millions de TPE-PME aux grands groupes partis à la conquête du monde, l’entreprise a joué le rôle d’un formidable ascenseur social. Des self-made-women et men à succès aux très jeunes étudiants créateurs de startups, l’économie chinoise regorge d’exemples de femmes et d’hommes ayant acquis une reconnaissance sociale enviée. Le plus célèbre d’entre eux est probablement le fondateur d’Alibaba, Jack Ma. Son statut ne l’a pas pourtant pas empêché de se faire rappeler à l’ordre par un régime sourcilleux…

Mais, la figure la plus surprenante est sans doute celle de l’influenceur ou KOL (key opinion leader),qui détrône les acteurs et chanteurs célèbres. Ces jeunes femmes et hommes rassemblent des communautés de millions de fidèles qui suivent leurs vidéos sur les réseaux sociaux populaires comme Wechat, Weibo ou Douyin (TikTok). Pour eux, ils recommandent des produits qu’ils ont testés dans le cadre de partenariats assumés avec des marques tel le célèbre Li Jiaqi (Austin Li) aux40 millions de fans, surnommé le « roi du rouge à lèvres » après en avoir vendu pour120 millions d’euros en une seule journée, le jour de la « fête des célibataires », le 11/11. Ces nouveaux influenceurs sont beaucoup plus efficaces que n’importe quelle publicité traditionnelle, à l’heure où la génération Z chinoise passe 70% de ses commandes directement via les réseaux sociaux. En Chine, le chemin entre la recommandation, le clic de la commande et la livraison à domicile, est l’un des plus courts et des plus efficaces au monde.

 

Et celles de demain ?

Au bout de la route triomphale dessinée d’un seul trait par le nouveau Timonier, autant pour galvaniser que pour canaliser les forces du pays, trois nouvelles figures se profilent : celles de l’écologiste, du taïkonaute et du général.

La Chine de 2050 se rêve en effet en chef de file des pays ayant réussi leur transition verte. L’offensive a été lancée il y a une dizaine d’années, avec comme résultat de hisser la Chine au premier rang de la production de panneaux photovoltaïques ou des parcs installés d’énergies renouvelables, éolien et solaire compris.

La course aux étoiles, en sommeil depuis la chute de l’empire soviétique, a été relancée par la Chine qui en fait un symbole de sa maîtrise technologique. L’Empire du Milieu se voit déjà en super-puissance contrôlant le système solaire à partir de bases installées sur la Lune et sur Mars. Le lancement de la mission lunaire Chang’e-5 le 28 novembre, avec pour objectif de ramener des échantillons de sol et de roches, en témoigne. A plus long terme, la Chine espère bien envoyer ses taïkonautes sur la Lune, puis sur la planète Mars.

Enfin, la figure du militaire, garant de la révolution comme du maintien de la cohésion nationale, est omniprésente depuis les origines de la République populaire. Mais, le statut de première puissance mondiale que revendique de plus en plus ouvertement la Chine, demande un changement de nature de sa force militaire. L’objectif est clairement annoncé : disposer d’une armée « de classe mondiale » dès2027. Question de se préparer à assumer son rôle de gendarme du monde grâce à une armée augmentée par les nouvelles technologies de surveillance, de défense et d’offensive.

Ces figures tutélaires, mais changeantes, incarnent les valeurs cardinales d’une économie chinoise en perpétuelle évolution. Seule constante, celle d’être au service d’un pouvoir qui se pense lui, immuable.

Par Jean Dominique SEVAL, directeur fondateur du cabinet de conseil « Soon Consulting » et ancien directeur général adjoint du club de réflexions européen Idate DigiWorld spécialisé dans l’économie numérique, les médias, l’internet et les télécommunications.

Le Vent de la Chine
Publié le 2 décembre 2020, mis à jour le 2 décembre 2020

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