

De Gaëlle Déchelette
« La femme porte la moitié du ciel ». C'est cette injonction qui a inspiré plusieurs générations de femmes et leur a permis d'accéder à des postes jusque-là "réservés" aux hommes. Chauffeur de taxi, chef d'entreprise, gérantes de restaurants et autre? La Chine serait-elle très en avance sur l'égalité hommes - femmes ? Nous avons enquêté.
La libération de la femme en 1950
Un peu d'histoire d'abord : c'est avec la loi sur le mariage du 30 août 1950 que La République Populaire de Chine, qui a besoin que les femmes participent activement à l'activité économique, les incite à devenir "la moitié du ciel" et ainsi à contribuer autant que l'homme à l'édification politique et économique du pays. On est loin des???? sancongside, les 3 obéissances et 4 vertus des femmes de la philosophie confucéenne qui vouaient les femmes à un statut de soumission à leurs pères, maris et fils.
A partir de 1950 également, les opéras révolutionnaires ont pour habitude de sublimer les exemples de femmes extraordinaires pour stimuler les vocations. Les femmes travaillant autant que les hommes, une autre tradition a contribué à ce que les femmes puissent se consacrer à un travail : le rôle prépondérant des grands-parents dans l'éducation des enfants, ce qui laisse aux femmes plus de temps pour leur activité professionnelle. Ces années ont transformé la place de la femme. De nos jours, la société chinoise est ainsi habituée au fait que les femmes travaillent, et même qu'elles occupent des postes tenus "traditionnellement par des hommes".
Mais la parité est-elle pour autant exemplaire ? Pas sûr : il faut aussi penser à la famille, comme le dit JI Weiling, 41 ans, Directeur ventes Chine pour la société Glamox. « Une femme doit penser à son travail ET à sa famille. Un homme aura une femme pour s'occuper des enfants. Je travaille, mais je dois aussi m'occuper de mon mari et de mes deux enfants, c'est beaucoup de choses à penser. »
Merci la politique de l'enfant unique !
Un autre élément de politique familial qui a favorisé l'accès des femmes à l'éducation, c'est la politique de l'enfant unique. Si les couples ne pouvaient jusqu'à présent avoir qu'un enfant, autant lui donner toutes les chances, même si c'est une fille ! DU Jihuan, Chinoise de 35 ans, a ainsi pu étudier en France, et revenir en Chine pour obtenir un poste de manager dans une entreprise. "Je remercie mes parents d'avoir pu m'offrir des études supérieures à l'étranger."
Justement, l'ouverture de la Chine à l'étranger dès les années 1980 a permis à toute une génération de femmes de se mettre à apprendre les langues étrangères comme l'anglais, une section toujours jugée très « féminine ». Beaucoup de femmes ont ainsi pu accéder à des postes clés dans des entreprises effectuant du commerce avec l'étranger. "C'est une vraie chance pour moi, commente ainsi JI Weiling, car mes capacités en langues m'ont permis d'obtenir des postes plus élevés grâce à l'ouverture du marché."
Enfin tout n'est pas rose, comme elle le rappelle, le monde des affaires reste très macho : dîners arrosés et fumage de cigarettes à la chaîne, fermés aux femmes. "Il y a encore du travail pour obtenir l'égalité partout". Et pour tout le monde, cela implique de longues heures de travail, au détriment parfois de la famille. Mais avec l'explosion des divorces ces dernières années et la relative insécurité du monde du travail, les femmes se trouvent obligées de travailler sans compter pour assurer les revenus du foyer.
Faire vivre sa famille
Comme Zhu Jieying, qui s'est mise au travail pour que sa famille soit plus confortable : "mon mari était chauffeur de taxi puis il a trouvé un emploi similaire pour une entreprise. Comme mon fils était assez grand, mon mari m'a poussée à passer mon permis et à devenir chauffeur de taxi, comme lui ! On partage nos expériences, et nos points de vue." Et quel est le regard des autres vis-à-vis de son métier ? "Les clients apprécient les femmes car elles sont moins nerveuses que les hommes, même si mes collègues mâles considèrent qu'ils conduisent mieux que nous les femmes."
Interrogée également sur sa vision vis-à-vis de son travail, DU Jihuan, manager, répond : "Je suis une personne très douce et je trouve qu'on obtient plus en étant proche de ses collaborateurs". La douceur, une faiblesse ? "Ça peut être vu comme une faiblesse de la part des collègues masculins, et comme je prends les choses à c?ur, je me sens blessée par les attaques personnelles. Tandis que les hommes semblent n'avoir aucun scrupule."
La gérante du Sichuan Citizen, sur la Donghulu à Shanghai, manage elle son affaire comme une affaire familiale. A tel point qu'on pourrait s'y laisser prendre. "Mes enfants ne travaillent pas au restaurant ! Mais je traite mes employés comme tels. On discute, on plaisante, il y a une meilleure connivence."
Nul doute que les femmes chinoises, a qui ont a sommé de « gagner aussi bien leur vie » que les hommes, ne vont pas pour autant laisser ces acquis partir en fumée. On est loin du modèle de la concubine reléguée dans le quartier des femmes.Une matrone très proche des clients et toujours présente dans la salle, veillant au grain et faisant les comptes en fin de soirée.
Gaëlle Déchelette lepetitjournal.com/shanghai Mardi 8 Mars 2016
