A force d’entendre que les négociations sino-américaines progressent, on pourrait commencer à en douter. Pourtant, le Wall Street Journal croit l’accord proche : deux rounds sépareraient encore les parties d’une signature fin mai ou début juin.
Tournant décisif, S. Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor affirme avoir trouvé avec le vice-premier ministre Liu He un terrain d’entente sur un mécanisme de vérifications des engagements. Un tel système deviendrait acceptable pour Pékin parce que réciproque, avec bureau de contrôle par la Chine aux Etats-Unis et vice-versa. L’idée fait grincer des dents les juristes américains, d’une Chine qui deviendrait à la fois « juge, jury et bourreau » pour épingler les USA sur toute violation de leurs promesses. Autre risque, ce nouvel arbitrage bilatéral va saper l’autorité de l’OMC, jusqu’alors l’ultime instance de règlement des contentieux commerciaux entre nations, tenant compte des tierces parties. Or sous le nouveau mécanisme, Chine et USA seront seuls à bord, sans avoir à entendre l’Union Européenne et les autres partenaires.
Hormis l’outil de contrôle mutuel, Washington et Pékin ont l’air d’avoir trouvé l’entente sur de nombreux points de réformes structurelles (« y compris certains jamais évoqués avant ») : marché chinois élargi aux firmes étrangères, propriété intellectuelle renforcée, limites aux subventions chinoises, fin des transferts forcés de technologies, et rééquilibrage de la balance commerciale.
Forte de tels engagements (quoi que ceux-ci restent impubliés), la Maison-Blanche se montre moins exigeante sur les subventions de Pékin à ses filières stratégiques. Pour la communauté d’affaires américaine en Chine, la pilule est amère. L’ AmCham espérait voir Trump forcer la Chine à renoncer à ses subventions. À terme, l’industrie chinoise devait être amenée à jouer à la loyale, sur le terrain du rapport qualité-prix. Pas question en tout cas de pardonner la grande muraille protectionniste, au nom d’achats conséquents de produits américains, qui ne toucheraient pas à l’intervention massive de l’Etat chinois sur son économie.
Est-ce utopique d’espérer une remise en cause des protections chinoises, monopoles et piliers stratégiques ? R. Lighthizer, le négociateur en chef, déclare qu’ « en Chine même, il y a des cadres de haut rang qui estiment que la réforme est une bonne idée ». Selon le New York Times, esprit anti-chinois mis à part, Trump jouirait d’une belle cote de popularité dans certaines hautes sphères, et ailleurs dans la société… Pour autant, un optimisme excessif n’est pas forcément de mise. La pression des premiers moments des sanctions américaines s’amenuise. Avec une croissance qui rebondit légèrement au premier trimestre (6.4%, soit + 0,1%), l’économie chinoise se stabilise, et le bras de fer aussi : pour forcer les concessions chinoises, la fenêtre de tir se referme.
Par Charles Pellegrin, Le Vent de la Chine