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TÉMOIGNAGE - "Mon père a été emprisonné au Brésil"

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 10 novembre 2016, mis à jour le 10 novembre 2016

A la fin du mois de mai dernier, Camille, 27 ans, qui vit dans le sud de la France, a appris que son père avait été interpellé en possession de plusieurs dizaines de kilos de drogue à l'aéroport international de São Paulo alors qu'il s'apprêtait à quitter le Brésil. Des difficultés de communication avec le consulat de France en passant par la gestion d'une relation familiale douloureuse, elle a accepté de témoigner pour Lepetitjournal.com.

Lepetitjournal.com : Quelle relation avez-vous avec votre père ?
Camille :
Avec mon frère, qui a appris la nouvelle en même temps que moi, cela faisait plusieurs années que nous ne l'avions pas vu, nous avons eu une enfance assez compliquée. Cela a toujours été un personnage haut en couleurs.

Comment avez-vous appris qu'il avait été arrêté au Brésil ?
Le consulat général de France à São Paulo a appelé un vendredi mes grands-parents maternels pour les prévenir, et en leur demandant un courriel car ils ne pouvaient pas donner de détails au téléphone. Au départ, on a cru à des bêtises, on est loin de cette vie que menait mon père et on ne s'y attendait pas du tout. Le consulat ne voulait avoir affaire qu'avec une seule personne et nous a laissés le week-end entier sans précisions, on savait seulement que mon père avait été arrêté à l'aéroport.

Quand est-ce qu'il vous a recontacté ?
C'est moi qui ai été leur seule interlocutrice ensuite, uniquement par courriel. Au début de la semaine suivante, le consulat m'a contacté en m'expliquant un peu plus ce qu'il s'était passé, mais il ne pouvait pas tout dire, cela dépendait aussi du choix de mon père. Le consulat nous a alors donnés une liste d'avocats et de numéros à contacter pour effectuer des transferts d'argent.

Comment s'est passée la suite de vos contacts ?
Mon père a commencé à nous écrire en juillet puis plusieurs fois en août, pour nous raconter sa vie en détention, mais le consulat nous a dits qu'il ne pouvait transmettre qu'un seul courriel par mois. C'est très frustrant quand on est loin, d'autant plus que mon père a eu des problèmes de santé. Avant cela, il avait souffert de deux AVC donc nous avions quelques inquiétudes. On ne demande rien d'important, juste quelques informations sur son état de santé. On sait que mon père nous a écrits en septembre et octobre, mais les courriers ont l'air d'avoir disparu. La seule réponse du consulat a été : "Ne vous inquiétez pas, s'il est mort, on vous le dira".

Depuis quand n'avez-vous plus de nouvelles de votre père ?
Le dernier courriel date d'il y a deux semaines. Il ne s'adresse pas à nous, mais au consulat qu'il informe qu'il était passé en jugement et que sa peine était tombée : huit ans et deux mois de prison. On sait aussi qu'il souffre d'hypertension, mais il est traité pour cela. Sa dernière lettre qui nous est adressée directement date donc de la fin du mois d'août. Ma mère a ainsi écrit une lettre à plusieurs personnes du consulat et du gouvernement pour alerter tout le monde que nous n'avions plus de nouvelles depuis deux mois.

Cette épreuve peut-elle permettre de retrouver des liens avec lui ?
Non, je suis très loin du monde dans lequel il est tombé, je pense qu'il est en prison pour de bonnes raisons, je ne remets pas cela en cause, mais je veux juste qu'il ait de quoi vivre décemment, je fais cela pour avoir bonne conscience. Même s'il s'était mis tout le monde à dos, beaucoup de gens se mobilisent et j'espère que son emprisonnement le fera réfléchir sur tout ce qu'il a fait car cela a été vraiment très dur à gérer pour ma mère, mon frère et moi quand on a appris son arrestation, cela a été une vraie claque. Je ne voulais plus avoir de contact avec lui, ne plus lui parler, mais je ne peux pas le laisser comme cela.

Quelles sont vos demandes vis-à-vis du consulat de France ?
Je lui demande juste d'être plus indulgent. Aujourd'hui, je suis obligée d'attendre le 20 du mois, lors de l'envoi du courrier pour mon père, pour poser mes questions au consulat qu'il ne faut pas déranger, alors que je souhaite simplement avoir plus d'informations et que le courrier puisse bien suivre. Je comprends bien sa position, mais même si les détenus comme mon père ont fait des erreurs, ils les assument et ce sont des êtres humains. Alors que des consulats d'autres pays envoient chaque mois des colis à leurs ressortissants en prison, le nôtre passe les voir rarement et ne fait pas assez de choses avec l'association qui maintient le contact avec les détenus français de São Paulo.

Votre père pourrait-il purger sa peine en France ?
Nous nous renseignons sur les procédures pour un transfèrement. Je me sentirais plus rassurée quant à son état de santé s'il pouvait terminer sa peine en France.

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) vendredi 11 novembre 2016

*Illustration : Jeso Carneiro / Flickr

- Lire notre article sur la détention de ressortissants français au Brésil

lepetitjournal.com sao paulo
Publié le 10 novembre 2016, mis à jour le 10 novembre 2016

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