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HISTOIRE - L’Edifício Mackenzie/Shopping Light dans le Centro de São Paulo

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 18 juillet 2016, mis à jour le 18 juillet 2016

Faisant face au Théâtre Municipal et au Viaduto do Chá, l'Edificio (Alexander) Mackenzie, plus connu actuellement sous le nom de Shopping Light, est situé au coeur de São Paulo et constitue l'un de ses bâtiments les plus emblématiques. Visite. 

Tout commence à l'orée du 19e siècle, en 1898, quand la compagnie canadienne d'énergie Light décide de s'implanter au Brésil, moyennant un contrat de 40 ans avec le gouvernement. Les premières installations du consortium São Paulo Railway Light and Power Company Ltda. (vulgo Light) occupent d'abord un bâtiment, rue São Bento, puis rue Direita et ensuite Praça Antônio Prado (1907), adresses toutes situées dans le vieux centre.

Les affaires vont bon train et déjà, en 1910, 30% de l'énergie de la ville proviennent de la compagnie Light. Dans les années 1920, sont construits l'usine de Paranapiacaba ainsi que le réservoir de Guarapiranga, qui permet notamment d'écluser le fleuve Tietê et d'améliorer le fonctionnement des turbines hydroélectriques.

Fiat Lux !


Enthousiasmée, la mairie éventre alors les rues pavées et installe des rails pour le passage des tramways qui permettent de se rendre à plus grande vitesse d'un point à l'autre de la ville, principalement dans les quartiers à pentes raides (São Paulo est tout en collines, comme Rome ou Lisbonne). Ce transport collectif rapide et à coût relativement bas, conquiert rapidement la population.

En revanche, si en Europe les fils sont tous enterrés par ordre des autorités, au Brésil, on opte immédiatement pour le système aérien (fils visibles), ce qui est incontestablement moins onéreux mais on ne peut plus hideux du point de vue esthétique. Il faut avouer que cette méthode aérienne est aussi adoptée en fonction des indices de pluviométrie qui ne sont pas ceux des villes du Vieux Monde, comme Paris, Düsseldorf, Budapest, Berlin ou Lisbonne... L'écoulement des eaux était déjà un problème à l'époque ! Peu à peu, les fiacres disparaissent pour faire place aux tramways électriques et les anciens lampions à gaz s'éteignent progressivement pour faire place aux réverbères. Fiat Lux !

L'entreprise florissant, il fallut bien trouver un espace plus imposant pour le siège de l'entreprise, qui décide alors d'acquérir le terrain du Théâtre São José (ravagé par un incendie en 1898) pour y installer notamment les fonctionnaires de la facturation. Le courrier était encore précaire au début du 20e siècle et ne parlons pas - bien entendu - d'Internet, et donc les usagers étaient bien obligés de se déplacer personnellement pour régler leur note. Le Théâtre fut démoli et à sa place fut élevé le bâtiment qui abrite depuis maintenant 17 ans le Shopping Light - grâce aux travaux de reconversion qui ont été confiés à l'architecte Carlos Faggin, en 1994.

Un projet ambitieux
Mais revenons en arrière ! Le projet initial de l'entreprise Light fut exécuté par deux architectes américains : Preston et Curtis. Mais la partie interne resta à la charge de Severo et Vilares, ingénieurs brésiliens du prestigieux cabinet Ramos de Azevedo - responsable du Théâtre Municipal (1911), de la Casa das Rosas (1935) et de dizaines d'autres édifices en ville. Comme tout projet ambitieux de l'époque, il était prévu au départ un total de 20 étages (fièvre des premiers gratte-ciels à l'image de New York), mais pour des raisons techniques et financières, seuls sept étages virent le jour, sans compter la terrasse.

Le bâtiment fut inauguré en grande pompe en 1929, en l'absence malheureusement de Ramos de Azevedo, décédé l'année précédente. A l'époque, les tramways étaient encore le transport privilégié des Paulistanos. Selon un rapport de la mairie datant de mai 1926, 34 % des usagers en grand déplacement utilisaient le tramway contre 20 % l'automobile et 6 % le bus. Les 40 % restants étaient réservés aux trains de banlieue. Cependant, suite à la crise énergétique de 1924 et au gel des tarifs, ainsi qu'à une succession de divergences dans les années 1930 et 1940 - entre le gouvernement de l'époque (Plan Radial des Grandes Avenues de Prestes Maia) et les ingénieurs de Light (qui présentèrent eux, un projet de métro - en majeure partie, de superficie), la préférence des autorités se tourne alors vers les autobus et les voitures particulières. Le Brésil suivait, malheureusement une fois de plus, le modèle américain, favorable au développement automobile et à la consommation de pétrole. Business oblige ! On sait aujourd'hui comment ces décisions ont pu nuire au plan urbanistique de São Paulo, à l'environnement et à la qualité de vie des habitants, bref, inutile d'épiloguer : le mal est fait !


A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Light perd définitivement le monopole du transport public qui passe aux mains de la compagnie de bus CTPM. La dernière ligne de tramways opérée par Light ferme en 1960. En 1970, Light est rachetée par le gouvernement et devient Eletropaulo. Pour la petite histoire, il faut également savoir qu'à l'époque, il n'existait pas de loi obligeant l'Etat à indemniser les employés de l'entreprise et certains d'entre eux, se retrouvant à la rue après 40 ans de service - sans un sou, se suicidèrent en se jetant par le trou béant de la cage des ascenseurs. Tout ceci montre bien à quel point déjà la politique gouvernementale de la ville de São Paulo, non seulement prenait des mesures désastreuses pour l'avenir (aucun plan urbain, aucune prévision à long terme), mais aussi ne se souciait point du bien-être social des travailleurs.

L'Edifice Mackenzie
Le bâtiment est aujourd'hui classé monument historique et ne peut être modifié sous aucune forme que ce soit. La façade en granit est donc d'origine, ainsi que les portes et fenêtres en fer forgé, les lustres en laiton et vasque en verre opalescent (pesant 50 kilos), les azulejos revêtant certains murs et les mosaïques au sol, sans oublier la salle des machines et les ascenseurs peints en vert et ocre (tant celui réservé exclusivement au président de la compagnie que celui des simples employés).

Tous ces éléments de décoration ont été fabriqués au Brésil (et non importés d'Europe, comme c'est le cas d'immeubles plus anciens à São Paulo) grâce à Ramos de Azevedo (encore lui...) qui assume la direction du Lycée des Arts et des Offices dès 1890, pour justement y former la main-d'oeuvre nationale. A noter que la technique de soude n'existant pas à l'époque, toutes les grilles des fenêtres et les balustrades de la cage d'escalier sont vissées entre elles par un système de rivets.

Le rez-de-chaussée actuel du Shopping Light correspond au lobby du Théâtre São José. L'annexe à côté (rue Xavier de Toledo) se situe à l'emplacement de l'Hôtel qui avait été érigé à l'époque pour recevoir le riche public qui venait de loin pour voir les pièces de théâtre et désirait passer la nuit dans la grande ville. La majorité du bois employé à l'intérieur est du magnolia, comme c'est le cas d'ailleurs de plusieurs comptoirs, dont celui de la réception (conservé religieusement).

Des visites organisées par Habitat Natural Turismo
Organisé par l'agence Habitat Natural Turismo, le regroupement se fait en face du comptoir d'information du Shopping Light, au numéro 23 de la rua Xavier de Toledo, deux dimanches par mois - la prochaine le 31 juillet, à 14h30. Les inscriptions se font par téléphone (groupes de 15 personnes maximum - 3154-2299). La visite, gratuite, dure une heure environ. Trois guides se relaient au besoin, entre le portugais, l'anglais et l'espagnol.

Le pompier de service accompagne le groupe, puisque l'on a le privilège de pouvoir monter à la terrasse et contempler une vue imprenable de la Vale de Anhagabaú. Vous y verrez donc les réservoirs géants destinés à refroidir l'eau pour la climatisation du Shopping ainsi que la salle des machines pour les ascenseurs. A la fin de la visite, les moniteurs passent une petite corbeille et chacun contribue à sa guise. Bonne visite ! 

Marie-Gabrielle BARDET (www.lepetitjournal.com - Brésil) Rediffusion actualisée

lepetitjournal.com sao paulo
Publié le 18 juillet 2016, mis à jour le 18 juillet 2016

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