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Piñera dénoncé devant la CPI, à 15 jours d’une élection historique

le president chilien sebastian pinera donne un discoursle president chilien sebastian pinera donne un discours
Marcelo Segura - Presse présidentielle
Écrit par Naïla Derroisné
Publié le 7 mai 2021, mis à jour le 10 mai 2021

La semaine dernière, plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme ont envoyé un document à la Cour Pénale Internationale, accusant le président Sebastián Piñera ainsi que ses collaborateurs civiles, militaires et policiers, de "crimes contre l’humanité". Et ce, quelques jours avant que les Chiliens votent pour élire les membres qui formeront la Convention Constituante, chargée d’écrire la nouvelle constitution.

La Commission Chilienne des Droits de l’Homme (CHDH), l’Association Américaine des Juristes (AAJ), le Centre de Recherche et de Traitement pour la Démocratie (CRED), ainsi que la Fondation Baltasar Garzón, accusent, entre autres, le président chilien d’avoir commis des "crimes contre l’humanité", dans le contexte de la crise sociale d’octobre 2019.

Dans un article publié par le journal d’investigation CiperChile, le juge espagnol Baltasar Garzón estime que "les faits qui se sont déroulés pendant la crise sociale entrent dans la catégorie de crimes contre l’humanité. La plainte déposée devant la Cour Pénale Internationale a pour objectif de mettre en évidence l’impunité qui opère aujourd’hui au Chili."

Le 29 avril dernier, les quatre organisations de défense des droits de l’Homme ont, en effet, déposé une plainte auprès de la Cour Pénale Internationale. Le document de 141 pages détaille comment les plaintes pour atteintes aux droits de l’Homme déposées auprès de la justice chilienne sont "frauduleusement qualifiées en de simples délits communs. Et ce, dans le but de soustraire ces actions à la juridiction de la CPI, et également favoriser l’impunité en appliquant les règles de la prescription…"

les forces armees chiliennes en action dans la rue
Jorge Fernández Salas - Source : unsplash.com


Dans le contexte de la crise sociale d’octobre 2019, le parquet chilien a présenté plus de 5 550 plaintes de citoyens qui disent avoir été victimes de violations des droits de l’Homme de la part des forces armées – carabiniers ou militaires. Par ailleurs, selon les quatre ONG, entre octobre 2019 et février 2021, au moins 464 personnes ont souffert d’une blessure oculaire due à des tirs de chevrotine ou a des explosions de gaz lacrymogènes, lancés par les carabiniers. Dans leur rapport, les organisations parlent "d’attaques généralisées et systématiques contre la population civile."

Les tribunaux chiliens n’ont pas rempli leur devoir de rendre la justice. - Carlos Margotta, avocat et président de la CHDH.

Dans le document envoyé à la CPI, il est également pointé du doigt "une lenteur injustifiée des organismes d’État chargés d’enquêter et de juger ces affaires." Les quatre ONG dénoncent aussi "le manque d’indépendance et d’impartialité" de la part du Ministère publique et du Pouvoir Judiciaire. En effet, selon un rapport d’Amnistie Internationale, près de la moitié des enquêtes sur les violations aux droits de l’Homme lors de la crise sociale, "ont été fermées sans formalisation et sans avancées notables pour la majorité d’entre elles." Le président de la Commission Chilienne des Droits de l’Homme, l’avocat Carlos Margotta, s’exprimant dans l’article de CiperChile : "Les tribunaux chiliens n’ont pas rempli leur devoir de rendre la justice."

Pour les quatre organisations, Sebastián Piñera doit être jugé devant la Cour Pénale International, car lors de la crise sociale, il n’aurait pas respecté les traités internationaux des droits de l’Hommes – pourtant signés par le Chili – et au contraire, aurait soutenu les forces armées qui ont commis des violations de ces droits fondamentaux. Il n’est d’ailleurs pas le seul à être visé par cette plainte puisqu’elle exige également que soient mis en examen les collaborateurs du président ainsi que les dirigeants des forces armées – carabiniers et militaires.

Une cote de popularité qui peine à atteindre les 10 %

Cependant, dans le cas d’un recours auprès de la CPI, il peut s’écouler plusieurs années, voire une décennie, avant même que la juridiction internationale ne décide d’ouvrir le dossier et de mener des enquêtes sur les faits dénoncés. 

Ce dépôt de plainte intervient deux semaines avant un vote historique au Chili, celui pour élire les membres de la Convention Constituante. Cet organe sera chargé de rédiger la nouvelle constitution. Un timing dont se serait bien passé le parti présidentiel Renovación Nacional (RN) qui figure sur la liste Vamos por Chile pour cette élection. Et puis, le président Piñera se trouve au plus bas dans les sondages, avec une cote de popularité qui peine à atteindre les 10 %.

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