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Journée mondiale des donneurs de sang : les modèles entre San Francisco et la France

Dans les rues animées de San Francisco, entre les sièges sociaux des géants de la tech et les cafés artisanaux, se cache une réalité moins visible mais tout aussi cruciale : la quête permanente de sang pour sauver des vies. L’édition de San Francisco du petitjournal.com a voulu comprendre comment fonctionne le don du sang dans cette région, et quelles sont les spécificités pour les expatriés français.

Affiche 14 Juin - Journée mondiale des donneurs de sangAffiche 14 Juin - Journée mondiale des donneurs de sang
Écrit par Anne-Lorraine Bahi
Publié le 10 juin 2025, mis à jour le 11 juin 2025

 

Une infrastructure bien rodée dans la Silicon Valley

San Francisco dispose de plusieurs centres de collecte stratégiquement positionnés. Le centre de la Croix-Rouge américaine au 1663 Market Street, ouvert six jours par semaine, côtoie le centre Vitalant du quartier financier au 250 Bush Street. 

La technologie, ADN de la région, s'invite naturellement dans le processus. Stanford propose désormais des tests gratuits d'hémoglobine glyquée (HbA1c) avec chaque don, donnant aux donneurs un aperçu de leur santé métabolique. Une approche que l'on retrouve chez Vitalant, qui mise sur une application mobile permettant de gérer ses rendez-vous et de suivre son historique médical.

 

Offre de test HbA1c lors d'un don du sang à Stanford

 

Les défis américains : jeunesse en berne et disparités ethniques

Les statistiques nationales révèlent une crise inquiétante : les dons des 16-18 ans ont chuté de 60,7% et ceux des 19-24 ans de 31,9% entre 2019 et 2021, principalement à cause de l'annulation des collectes dans les écoles pendant la pandémie. D’après l’American Hospital Association seulement 3% de la population éligible donne son sang chaque année, alors que toutes les deux secondes, quelqu'un aux États-Unis a besoin de sang.

Plus troublant encore, les Afro-Américains ne donnent qu'à hauteur de 25-50% du taux des Blancs, malgré des besoins spécifiques pour traiter la drépanocytose. Cette disparité s'explique par des barrières culturelles, une méfiance historique envers le système de santé, et des taux d'exclusion plus élevés.

 

Comparaison avec nos voisins américains

La Californie se distingue par certaines spécificités réglementaires. L'État a assoupli ses restrictions sur les tatouages : plus d'exclusion pour les tatouages réalisés dans des établissements régulés californiens, contre encore trois mois d'attente pour ceux faits hors de l'État. Une approche plus libérale que dans certains États conservateurs.

D’après l'enquête nationale "National Blood Collection and Utilization Survey” de America's Blood Centers et ADRP (Association for Blood Donor Professionals), une augmentation de 40,7% de donneurs de plus de 65 ans a été relevée.

Paradoxalement, malgré sa richesse et son niveau d'éducation élevé, la Californie n'échappe pas à la tendance nationale, cette augmentation ne compense pas l'effondrement chez les jeunes, créant un défi démographique majeur.

 

La France : un modèle de générosité ?

Le contraste avec l'Hexagone est saisissant. La France collecte près de 3 millions de dons annuels grâce à environ 1,6 millions de donneurs, soit un taux de participation bien supérieur aux États-Unis. L'Hexagone figure parmi les pays européens les plus généreux en matière de don du sang, devancé uniquement par l'Autriche et Chypre.

L'Établissement français du sang (EFS) mise désormais sur le plasma, avec un objectif de 60 000 dons supplémentaires en 2025, soutenu par un meilleur financement de l'État. Une stratégie cohérente avec les besoins européens : l'Europe accuse un déficit de 38% en plasma, nécessitant 2 à 4 millions de donneurs supplémentaires pour réduire sa dépendance aux produits dérivés du plasma américain.

 

Tube de sang en laboratoire

 

Français en Californie : feu vert pour donner

Excellente nouvelle pour la communauté d'expatriés français : les restrictions liées à la maladie de la vache folle (vCJD) pour les personnes ayant vécu en France ont été définitivement levées par la FDA américaine. Depuis 2022, les Français peuvent donner leur sang aux États-Unis sans aucune restriction liée à leur pays d'origine.

Les critères standards s'appliquent : être âgé d'au moins 17 ans (16 avec accord parental), peser au minimum 50 kilos, ne pas avoir de fièvre et respecter les délais entre dons. Une procédure plus simple qu'en France, où la majorité est requise et un entretien médical systématique est imposé.

 

L'innovation au service de la vie

 

Affiche Red Cord Program de Stanfrod

 

Dans un pays comme les Etats-unis où le  civisme et le bénévolat font partie du quotidien de chacun , certains centres ont développé des approches originales pour fidéliser ses donneurs. Stanford a lancé son "Red Cord Program" pour réengager les lycéens post-COVID avec leur campagne: “Donnez votre sang une fois par an pendant le lycée et obtenez un cordon d'honneur rouge exclusif pour la remise de diplôme”,  tandis que la Croix-Rouge locale s'appuie sur un réseau de plus de 3 000 bénévoles pour organiser collectes mobiles et campagnes de sensibilisation.

Le Stanford Blood Center, fierté de l'université locale, organise régulièrement des campagnes incitatives comme des billets gratuits pour les Giants de San Francisco ou des expériences VIP avec les San Jose Earthquakes.

Des méthodes qui feraient sourire en France, où la gratification financière du don est taboue.

 

Enjeux d'avenir

Avec 31,5 dons pour 1000 habitants dans les pays riches contre seulement 5 dans les pays pauvres, les États-Unis et la France font partie des nations privilégiées. Mais cette position n'est pas acquise.

L'enjeu démographique est crucial des deux côtés de l'Atlantique. La France cherche à développer sa collecte de plasma pour répondre aux besoins thérapeutiques croissants, tandis que les États-Unis doivent reconquérir une génération Z échaudée par la pandémie.

 

Pour les français de la Bay Area, donner son sang représente un geste de citoyenneté universel. Dans cette région où l'innovation transforme le monde, rappeler que les gestes les plus simples restent parfois les plus précieux prend une résonance particulière. Entre algorithmes et biotechnologies, le don du sang nous ramène à une vérité intemporelle : la solidarité humaine demeure irremplaçable.

Pensons-y le 14 juin prochain, journée mondiale des donneurs de sang.

 

Une prise de sang dans un laboratoire

 


Pour donner votre sang à San Francisco :

  • Croix-Rouge américaine : 1663 Market Street
  • Vitalant : 250 Bush Street
  • Stanford Blood Center : plusieurs sites dans la Bay Area
  • Rendez-vous en ligne sur redcrossblood.org ou vitalant.org
annelorraine.bahi@lepetitjournal.com
Publié le 10 juin 2025, mis à jour le 11 juin 2025
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