

Ubifrance fusionne avec l'Agence Française pour les Investissements Internationaux - AFII - et devient Business France. Lepetitjournal.com a interrogé Benoît Trivulce, le directeur de l'agence au Brésil depuis 2012. Il nous présente son parcours, fait le bilan de l'action d'Ubifrance et nous révèle les difficultés du business au Brésil. Première partie de notre entretien. Retrouvez la deuxième partie de l'interview "Au Brésil, il faut tropicaliser le produit"

Benoît Trivulce : Par hasard, comme beaucoup de gens. Mon histoire avec le Brésil a commencé en 1996, il y a presque 20 ans, et j’y ai vécu alors plus de 11 ans. J’ai été affecté au Brésil pour ma première coopération à 22 ans. Après, je suis entré chez France Telecom au Brésil, puis j’ai intégré le ministère de l’Economie en France. Je suis revenu il y a trois ans pour occuper le poste de directeur Brésil et Amérique latine d’UbiFrance.
Pouvez-vous nous présenter Business France qui a remplacé Ubifrance ?
Depuis le 1er janvier, nous ne nous appelons plus en effet Ubifrance, mais Business France, avec la fusion de deux agences publiques : Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii). Le métier d’Ubifrance reste l’aide aux entreprises françaises, particulièrement les PME et TPE, ainsi que les TI (entreprises de taille intermédiaire). L’objectif est de les aider dans le développement international, soit à l’import-export, en particularité sur le Brésil, car c’est un marché de taille très importante. L’intensité concurrentielle sur ce dernier fait que si vous n’êtes pas présent, votre concurrent est forcément meilleur que vous. Nous nous occupons également des procédures de VIE (Volontariat international en entreprise).
L’Afiii était moins connue qu’Ubifrance, quelle était sa fonction ?
L’Afii avait pour but de convaincre et d’accompagner les investisseurs étrangers, ici brésiliens, dans leur projet d’investissement en France. L’un de leurs slogans était : ‘’Pensez Europe, choisissez la France’’. Nous avons un marché de 70 millions d’habitants, des infrastructures, la qualité de nos professionnels, de nos cadres, de nos ingénieurs, cela reste extrêmement intéressant. La productivité française est très élevée, nous avons plein d’arguments.
En résumé, quelle est aujourd’hui l’activité de Business France ?
Aujourd’hui, Business France est une agence qui a trois métiers : le développement international des entreprises, l’attractivité du territoire français, la communication sur l’image économique de la France. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un déficit dans la communication économique et qu’il fallait peut-être une agence dont le métier serait de produire un certain nombre de documents et d’actions permettant d’améliorer l’image de la France et de nos entreprises.
Quel bilan faites-vous après trois ans chez Business France ?
On a énormément crû notre activité avec une croissance de l’ordre de 30% par an. On a développé notre gamme de produits, nous nous sommes éloignés du collectif des grands salons, pour s’orienter vers de l’individuel, en faisant des choses plus fines pour les entreprises, en s’adaptant à leurs besoins. Nous avons une équipe relativement jeune, franco-brésilienne. J’ai des cadres brésiliens, très compétents, et même les Français sont très brésiliens. Les VIE que l’on recrute ont souvent déjà un an et demi d’histoire avec le Brésil. On est un peu schizophrène car notre client est français, mais notre marché est brésilien. Il faut arriver à parler les deux langages. On est aussi un service public, nous aidons les entreprises, et ce qui est compliqué, c’est de faire comprendre aux gens que le Brésil est un pays compliqué, un peu confus.
Les VIEs fascinent beaucoup de jeunes, pouvez-vous nous en dire plus ?
Dans le pilier développement international des entreprises, il y a plusieurs éléments : accompagnement, études de marchés, mission de prospection et le métier des VIEs. Au Brésil, c’est intéressant parce que nous avons un accord avec les autorités brésiliennes qui nous permet d’avoir 240 VIEs. Aujourd’hui nous en avons presque 200. Quand je suis arrivé à ce poste en 2012, il y en avait 70. Les VIEs intéressent toutes sortes d’entreprises, de la start-up aux grands groupes comme Carrefour, Areva, le Crédit agricole, Servier etc. On a tous les secteurs et toutes les tailles, mais avec une très forte concentration géographique sur l’axe Rio-São Paulo. Le Brésil a des besoins dans toutes les dimensions industrielles.
Quels sont les différents secteurs de Business France ?
Nous sommes organisés autour de 5 filières menées par environ cinq personnes chacune. Nos filières portent sur l’industrie, le transport, les infrastructures, l’énergie ou encore l’environnement, mais aussi l’habitat et la santé, la consommation, l’agro-alimentaire et enfin les nouvelles technologies et les services
Quel est le poids de Business France à l’échelle de l’Amérique latine ?
Business France en Amérique latine, c’est un bureau de 13 personnes au Mexique, une personne à Cuba, un bureau de cinq personnes en Colombie, cinq personnes au Chili et un bureau Brésil-Argentine qui réunit 36 personnes (33 au Brésil et 3 en Argentine). On a deux métiers quand on aide une entreprise, le collectif (les grands salons) et l’individuel (faire une étude de marché pour une entreprise). En 2014, on a aidé 270 entreprises sur des opérations collectives et 210 sur l’individuel, donc pas loin de 500 entreprises pour une année qui était compliquée avec trois carnavals : le traditionnel, le carnaval sportif (Coupe du monde) et le carnaval politique (élection présidentielle). Le début d’année 2015 est pour nous beaucoup plus intense que 2014, même si les signaux qu’envoie le Brésil ne sont pas très bons aujourd’hui.
Justement, pensez-vous la crise actuelle préoccupante pour d’éventuels investisseurs français ?
Si vous prenez en compte un triple critère qui est la taille continentale, la population et le PIB, vous avez cinq pays avec ces caractéristiques : les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Brésil et l’Inde. Ce qui veut dire que le Brésil reste un marché incontournable. Avec 85% d’urbains, on peut se rendre compte qu’ils sont assez proches des standards comportementaux européens. On les comprend mieux, plus facilement, qu’un Russe, un Chinois ou un Indien. Les Argentins ont du soja, les Mexicains et les Vénézuéliens du pétrole, ici il y a du soja, du maïs, du fer, du jus d’orange, du poulet, du pétrole, du gaz, même si les prix peuvent osciller, nous sommes au Brésil assis sur une rente minérale et végétale. Le sujet n’est pas de calculer et de faire des prévisions sur la croissance du pays en 2015 et en 2016, quand on regarde le potentiel, le marché va continuer à se développer, il n’y aucun doute là-dessus. Venir au Brésil, c’est un projet de deux ou trois ans, la question n’est donc pas le taux de croissance cette année, mais plutôt est-ce que les perspectives 2017 ou 2020 seront importantes. Le Brésil est moins un marché de croissance comme peut l’être la Colombie ou le Chili qu’un marché de carence. C’est-à-dire qu’ici il y a encore énormément de choses qui n’existent pas, cela va des biens de consommation courante à des problématiques de modernisation des entreprises. Du coup, les entreprises françaises qui viennent avec leurs technologies sont chères, mais avec une vraie valeur ajoutée.
Retrouvez la deuxième partie de l'entretien: "Au Brésil, il faut tropicaliser le produit"
Propos recueillis par Damien LARDERET (www.lepetitjournal.com - Brésil) jeudi 4 juin 2015







