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ELAINE LE FLOCH - "Le Brésil est un pays passionnant avec plein de territoires et problématiques différents"

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 7 septembre 2016, mis à jour le 8 septembre 2016

Sous la houlette de Corentin de Chatelperron, Elaine Le Floch et Pierre-Alain Lévêque, la mission autour du monde "Nomade des Mers", dont le but est de trouver des réponses low-tech à 50 challenges qui répondent à des besoins de vie courante, est arrivée en juillet au Brésil avec une première escale à Recife avant de rejoindre Rio en août où elle restera jusqu'à la fin du mois. Lepetitjournal.com est monté à bord du "Gold of Bengal", ancré dans la baie de Guanabara, à Niteroi, à la rencontre d'Elaine Le Floch.

Lepetitjournal.com : Avant d'arriver au Brésil, vous étiez au Cap-Vert. Comment s'est déroulée la traversée de l'Atlantique ?
Elaine Le Floch :
Elle devait au départ durer douze jours et elle en a duré 23 ! On n'a pas connu de grosse tempête ou danger particulier, mais on est tombé sur cette fameuse zone autour de l'Equateur que l'on appelle le pot au noir. Cette zone est plus ou moins large, on pensait la passer rapidement et en réalité, elle n'a pas arrêté de s'agrandir devant nous. On s'est retrouvé avec une alternance de pétole et de gros grains, c'était une sacrée expérience psychologique et humaine ! A cinq dans un petit espace, on a appris la patience?

Depuis votre départ de Concarneau en février dernier, vous êtes passés par le Maroc, le Sénégal et donc le Cap-Vert. Pourquoi avoir choisi le Brésil comme étape ?
L'idée est donc de faire un tour du monde et de rencontrer des inventeurs de low-tech dans des contextes différents afin de montrer qu'on peut vivre au quotidien avec ces solutions. On a sur le bateau un laboratoire pour expérimenter ces technologies, les améliorer et collecter des données. Quand on en a une qui marche bien et qu'on maîtrise, on la divulgue sur Internet en open source et via un tutoriel vidéo. La destination initiale est l'Indonésie via l'Afrique, mais on s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas contourner l'Afrique le long des côtes. Côté navigation, c'est trop compliqué, sans oublier les problèmes de sécurité. Quitte à contourner largement, on a décidé de faire escale au Brésil puisqu'on n'aurait pas eu l'occasion de le faire au retour. En plus, c'est un pays passionnant avec plein de territoires et problématiques différents.

Quelles sont ces problématiques ?
Au Brésil, on a prévu ces deux escales qui sont très différentes. La première à Recife, où l'on est en réalité rentré dans

l'intérieur des terres, dans le sertão, qui est une région aride. Là, les problématiques concernaient l'agriculture et l'accès à l'eau. On a ainsi passé un moment dans un centre de formation à la permaculture et l'agro-écologie. Les cours y sont gratuits pour les personnes voulant se former à ces méthodes. Il y a une réflexion globale sur les régimes d'autonomie : comment rendre son écosystème intelligent et plus respectueux de l'environnement ? On a appris pas mal de choses que l'on a pu transposer sur le bateau en termes de permaculture et de technologie (biogaz). A Rio, on se dirige vers des projets plus urbains, d'habitat, d'assainissement de l'eau et de recyclage.

Chaque escale est un véritable moment d'échange où vous apportez également votre expérience et vos trouvailles ?
On y va plutôt pour apprendre. Mais parfois, c'est ce qu'il se passe, ces inventeurs que l'on rencontre sont des passionnées et apprennent de nos technologies. De plus en plus d'ailleurs parce que l'on commence à amasser des choses intéressantes sur le bateau. Quand on est parti, c'était une coquille vide et en six mois, on a installé beaucoup d'éléments.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les échanges qui auront lieu à Rio ?
D'abord, il y a une équipe de jeunes Français qui a gagné un concours low-tech en France il y a quelques mois et vient installer sa cuisine low-tech à Rio. Elle permet notamment de conserver les aliments sans énergie. Sur place, on va construire le prototype dans le fab lab Olabi de Rio. Ensuite, on va faire un workshop avec des jeunes du Complexo da Maré, en partenariat avec l'Observatorio de favelas. On va leur demander quelles sont leurs problématiques et on va animer le projet avec eux. On va également organiser un workshop avec les designers du Goma, un espace de coworking de Rio, l'un d'entre eux ayant inventé une machine à recycler le plastique et travaillant avec l'association Anfitriões do Cosme Velho.  

Vous êtes ancrés dans la baie de Guanabara, vous êtes confrontés à sa pollution ?
En arrivant, la baie est tout de même impressionnante et magnifique, mais c'est vrai qu'elle est polluée, on nous prévenus de ne pas mettre un pied dans l'eau ! On a déjà été confronté à ce type de pollution au Sénégal notamment et c'est très triste car, normalement, quand on est en mouillage comme cela, il est possible de faire sa vaisselle, prendre sa douche ou encore se baigner dans  l'eau. Là, on ne peut rien faire, c'est comme si on était dans l'espace ! On est obligé de ramener de l'eau de la terre tout le temps, cela nous complique la vie.

C'est à Niteroi que vous êtes basés, accueillis par le projet Grael, parlez-nous de ce partenariat ?
C'est un super lieu qui nous accueille gracieusement. On fait des échanges avec leurs 250 élèves de 9 à 19 ans qui viennent visiter notre bateau, parce qu'ils ont toute une problématique d'éducation et d'ouverture aux métiers de la mer. On réfléchit également à réaliser des workshops avec eux. Le projet Grael a également des projets pour nettoyer la baie, via un bateau notamment, donc on va voir cela avec eux.

Au fur et à mesure, votre catamaran a donc accueilli des technologies low-tech glanées au fil des escales, qu'avez-vous à bord à l'heure actuelle ?
L'objectif est donc de tendre vers l'autonomie donc on cherche toujours de nouveaux systèmes. Pour avoir de l'eau en toute circonstance, on a par exemple un dessalinisateur solaire qu'on a recueilli au Maroc, mais il a une trop petite capacité. Pour l'alimentation, on a des poules qui nous pondent des ?ufs tous les jours, des plantes cultivées en hydroponie low-tech - principalement des légumes-feuilles (épinards, bettes?) correspondant aux climats subtropicaux, des plantes aromatiques, du

chou, de l'oignon, de la spiruline qu'on alimente notamment via notre urine. On a aussi du poisson qu'on pêche en navigation, des insectes (grillons, larves de ténébrions meuniers). Pour conserver les aliments, on a un réfrigérateur traditionnel à évaporation. Du côté de l'énergie, on fonctionne au photovoltaïque et à l'éolien via des éoliennes fabriquées uniquement en matériaux recyclés à Dakar. Une éolienne de ce type, d'un coût de moins de 10 euros, recharge un téléphone portable et une lampe en une journée.     

Quelle sera votre prochaine escale ?
L'Afrique du Sud ! Avec plus d'un mois de navigation en prévision pour y arriver. Mais on n'y restera pas longtemps, juste le temps d'un workshop avant de poursuivre vers Madagascar où l'on a plus de projets. Ensuite, il y aura les Comores, les Maldives, deux escales en Inde via le Sri Lanka avant d'aboutir à la fin de l'expédition en Indonésie. On compte s'installer sur une île déserte, tester toutes les technologies que l'on a accumulées et voir si on arrive à être autonomes. Sur le seul bateau, on sait que c'est compliqué, notamment en termes d'alimentation et d'eau. 

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) jeudi 8 septembre 2016

- Lire notre article de présentation du projet "Nomade des mers"

- Voir le site de "Nomade des mers"

- Voir la page Facebook de "Nomade des mers"

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Publié le 7 septembre 2016, mis à jour le 8 septembre 2016

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