

Plus d'un an avant l'ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Rio, la France prépare déjà l'événement sur place dans la Cidade Maravilhosa. C'est ainsi que le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a nommé au poste d'attaché olympique auprès du consulat général de France à Rio Alexandre Bazire, en place depuis plus de trois mois. Lepetitjournal.com s'est entretenu avec cet expert du sport français qui officiera jusqu'à la fin des Jeux, en octobre 2016.
Lepetitjournal.com : Quel a été votre parcours avant d'arriver à Rio en tant qu'attaché olympique ?
Alexandre Bazire : Même si j'ai dix ans d'expérience dans le sport, mon parcours est un peu atypique. J'ai essentiellement travaillé dans le football, à la direction marketing et générale de clubs en Ligue 1 (Le Mans, PSG). J'ai également vécu aux Etats-Unis, en Chine et également à Rio, il y a 15 ans, où j'avais eu l'opportunité de faire un stage de trois mois à la mission économique (aujourd'hui Business France). Juste avant de prendre ce poste d'attaché olympique, j'ai eu l'opportunité de vivre une expérience d'entrepreneur en montant mon agence de marketing et d'activation de marques au carrefour du sport, de la musique et du cinéma. Finalement, ce poste à 360 degrés fait la synthèse de toutes mes différentes expériences traitant de différents enjeux événementiels, techniques (interface avec les fédérations, les délégations officielles, les médias), mais aussi de représentation, d'activation en local des différentes communautés liées de près ou de loin au monde sportif. Je dépends en fait d'une triple tutelle : ministère des Affaires étrangères et du développement international, ministère de la Ville, de la jeunesse et des sports et, sur certains aspects, le CNOSF et le CPSF (Comité paralympique et sportif français).
Parlez-nous justement de votre rôle, à quoi sert un attaché olympique ?
Ce rôle est défini dans la charte olympique qui prévoit qu'un attaché olympique peut être nommé par chaque Comité national olympique afin de pouvoir, entre autres missions, faire l'interface entre le comité d'organisation et le mouvement sportif du pays concerné. Le rôle de cet attaché olympique est plus ou moins important en fonction du lieu géographique dans lequel il se trouve, avec un spectre de compétences plus ou moins large. Ici, à 9.000 km de Paris, je traite un certain nombre de demandes provenant directement des fédérations françaises olympiques et paralympiques concernées par ces Jeux (44 test events sont également prévus entre ce mois-ci et mai 2016). Il s'agit de répondre à leurs besoins, majoritairement logistiques (hébergement, sites d'entraînement). Le rayonnement et la promotion du mouvement sportif français fait également partie de mes prérogatives pendant mais aussi avant les Jeux. C'est ainsi que l'on travaille avec le concours des équipes du consulat général (communication et culturelles) et de l'ambassade de France à Brasilia sur différents projets en s'appuyant sur la communauté française, francophone et francophile déjà active à Rio, et qui a une appétence forte pour le sport. Il y a enfin des sujets liés au Club France qui sera installé à la Lagoa, et qui, outre des aménagements nécessaires pour pouvoir accueillir un public très large (jusqu'à 5.000 personnes attendues par jour), devra proposer une expérience olympique unique à ses visiteurs à travers une programmation événementielle et sportive de qualité. A Londres, cela avait été une très belle réussite. Il faudra essayer de faire mieux encore ! Ce sera un vrai lieu de résidence et de rayonnement pour les athlètes, les médias et les supporters. Le Club France sera également un magnifique endroit pour promouvoir la candidature de Paris 2024 !
Concernant l'avancée des travaux des équipements olympiques, quelle est votre vision à l'heure actuelle ?
Une délégation officielle du CNOSF, emmenée par le chef de mission Rio 2016, Francis Luyce (également président de la Fédération française de natation), a été invitée par Rio 2016 en avril dernier ici à Rio, accompagné notamment des deux directeurs techniques nationaux du tir et de l'aviron. Nous nous sommes rendus sur différents sites olympiques dont la cité olympique de Barra et le complexe olympique de Deodoro. Nous avons pu constater in situ l'état d'avancée des travaux et il n'y a pas d'inquiétude particulière au moment où on se parle. Tout le monde est plutôt confiant par rapport à la livraison. S'il devait y avoir des inquiétudes, elles porteraient plutôt sur les transports. Rio est encore en travaux et il est encore difficile de se déplacer d'un site à un autre.
On peut croire de nouveau éventuellement à ce fameux "miracle brésilien" qui avait eu lieu lors de la Coupe du monde ?
Oui, je pense que tout le monde est dans cet état d'esprit-là. Les Cariocas démontrent depuis des années leur expertise énorme en matière d'organisation de grands événements. Je rappelle que Rio a accueilli le Mondial, mais aussi les Jeux Panaméricains en 2007, dont il reste quelques infrastructures (Complexe de Deodoro, stade olympique João Havelange, etc., ndr). C'est une ville qui a l'habitude d'accueillir chaque année de très grands événements (Carnaval, Réveillon, Rock in Rio, etc.) attirant des centaines de milliers de personnes. Le savoir-faire des Brésiliens en la matière est connu et reconnu. Avec les équipes de Rio 2016 associées à cette expertise locale, tous les ingrédients sont réunis pour qu'au final, la recette prenne et que les Jeux soient livrés dans de très bonnes conditions.
Qu'est-ce que Rio possède de spécifique dans l'organisation de ces JO ?
Ce sont déjà les premiers Jeux en Amérique du Sud, ce qui constitue en soi une particularité forte, et un gros test dont la portée va au-delà du Brésil. On est par ailleurs à Rio qui est LA ville sportive du Brésil avec une esthétique et une histoire propres connues dans le monde entier, sans oublier l'esprit carioca, cette identité très forte à la renommée internationale. Ce sont aussi des Jeux responsables avec des infrastructures pérennes et d'autres temporaires qui tiennent compte des enjeux d'héritage très importants lorsque l'on évoque les Jeux Olympiques et Paralympiques. Tout cela fait que nous aurons sans aucun doute des Jeux uniques, à dimension humaine aussi. Les sites n'ont rien de démesuré, ce qui correspond bien à l'image carioca d'accessibilité, de proximité et de convivialité.
La sécurité est un thème malheureusement inhérent à la ville de Rio, comment vous le gérez auprès des différentes autorités ?
C'est un sujet de préoccupation, mais les services consulaires seront en contact direct avec les forces de police pendant la durée des deux Olympiades d'août et septembre. La Coupe du monde s'était très bien passée de ce côté-là. Les autorités consulaires ont d'ailleurs déjà préparé le terrain à l'occasion de la Coupe du monde en diffusant un petit manuel à destination des supporters français qui venaient au Brésil. On envisage de faire la même chose pour les Jeux. Tout ce qui peut être fait en amont en termes de pédagogie pour informer et faciliter les démarches des supporters français à Rio sera fait.
Comment se passe la mobilisation de la communauté française à Rio ?
Il y a 7.000 Français inscrits au consulat général de France à Rio. L'objectif est de mobiliser cette communauté, ainsi que tous les francophones et les francophiles. Cette communauté constituera le c?ur des supporters de l'équipe de France durant ces Jeux Olympiques et Paralympiques. C'est ainsi que depuis quelques semaines, avec Sarah Ben Hadj (chargée de mission Grands événements sportifs au sein du consulat général de France à Rio), nous faisons le tour de toute la communauté française, notamment les plus actifs au niveau sportif comme Les Sportifs de Rio, et les interlocuteurs plus spécifiques comme le Guanabara Rugby, le So 5, etc. Nous voulons nous appuyer sur eux pour créer un véritable engouement autour de l'équipe de France olympique et paralympique. Cela commencera dès les test events avec des rencontres, quand cela sera possible, avec des athlètes français. On réfléchit également à d'autres actions conjointes importantes (le 14 Juillet sera d'ailleurs le premier événement).
La candidature officielle de Paris à l'organisation des Jeux Olympiques de 2024 a eu lieu il y a quelques jours, cela va vous faire assumer une casquette supplémentaire ?
Oui, cela aura probablement un impact sur ma mission ici. Je devrais être amené interagir avec l'équipe qui est en charge de la candidature. Il y a aura très certainement des opérations spécifiques qui seront menées à Rio pendant les Jeux, et peut-être même avant selon le plan d'action qui sera mis en place par les responsables en France de la candidature. Cela sera d'autant plus important que les JO de Rio seront les derniers avant le vote de septembre 2017. En tout cas, même ici à distance, on sent un engouement extrêmement important, à tous les niveaux, autour de cette candidature. On voit que Paris veut les Jeux et c'est excitant de travailler sur un projet comme celui-ci.
Est-ce que vous sentez que la réussite de votre mission à Rio sera liée d'une certaine manière aux résultats de l'équipe de France olympique et paralympique ?
Dans le sport, on est toujours lié aux résultats ! Mais on ne les maîtrise pas ! C'est à la fois la beauté et la grande frustration du sport. J'ai eu cette expérience dans le football : vous pouvez avoir les meilleures idées du monde, le meilleur staff au monde, les meilleurs dirigeants au monde, si derrière vous avez une équipe qui n'a aucun résultat, c'est très compliqué. On vient en anticipation et en accompagnement, et si l'équipe de France olympique et paralympique rayonne à Rio, ce sera clairement un élément contributif à la fête, la promotion du sport français et de Paris 2024. Mais l'objectif principal est pour le moment de placer les athlètes dans les meilleures conditions possibles de performance. Il y aura forcément de belles histoires, il y en a toujours.
Pour terminer, qu'est-ce que cela vous fait, personnellement, de revenir à Rio 15 ans après ?
C'est un grand plaisir ! Une des belles surprises de ma vie, parce que cela ne faisait pas forcément partie de mes projets. Revenir ici dans le contexte des Jeux, c'est très particulier, on sent une effervescence, une ville dynamique, avec une énergie extraordinaire. Par contre, je n'ai pas trouvé une très grande évolution par rapport à mon dernier séjour il y a 15 ans... Comparé par exemple à Pékin où j'ai vécu deux ans. Là-bas, lorsque je rentrais de mission de quelques jours voire semaines, il m'arrivait de ne pas reconnaître la rue dans laquelle j'habitais ! Ici, j'ai l'impression que le temps s'est un peu arrêté et que la ville s'est réveillée et qu'elle a entamé sa "mue olympique" ! Rio est une ville parfaite pour les Jeux. Il y règne une atmosphère unique et les gens qui vont venir vivre les JO ici ne seront pas déçus. Le mariage des Jeux et de Rio sera une expérience et un souvenir inoubliables.
Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) mardi 7 juillet 2015
*Photo : Alex Bensimon / Consulat général de France à Rio
