

Tania est historienne à l'Université de Sao Paulo. Passionnée par la Révolution Française, elle publie son premier livre, consacré aux femmes "virtuosas e perigosas" (vertueuses et dangereuses) de cette période. Lepetitjournal.com l'a rencontrée.
Lepetitjournal.com - Comment votre intérêt pour l'histoire française est-il né ?
Tania Machado Morin - Ma mère était Brésilienne, mais née en France. Plus jeune, j'ai suivi des cours de civilisation française à la Sorbonne. Je me suis mariée avec un franco-américain. Peu de temps après notre mariage, nous sommes partis vivre à Bruxelles pendant trois ans, au cours desquels j'ai étudié l'histoire française médiévale. L'histoire a toujours été une passion pour moi, et le Français est un fil rouge dans ma vie?
Avant de reprendre mes études, j'ai été traductrice pour des congrès pendant 16 ans, tout en gardant à l'esprit ce rêve de pouvoir un jour revenir à l'université pour me consacrer à ma passion. Lorsque j'ai rejoint les bancs de l'Université de Sao Paulo (USP), j'ai pu me spécialiser dans la période de la Révolution Française.
Pourquoi avez-vous une préférence pour cette période historique ?
Je pense que cela vient de mon admiration pour la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle a permis d'introduire les idées d'égalité, de mérite, de justice qui serait la même pour tous. Cela crée une vraie coupure d'avec l'Ancien Régime. Certes, l'on sait que cette déclaration n'a pas été franchement respectée durant la Révolution, mais tout de même elle reste le bon côté de cette époque !
Et puis la Révolution, c'est aussi une époque d'expérimentation sociale où tout était possible. C'était l'utopie de créer une nouvelle société avec des femmes vertueuses, des hommes généreux. C'est une époque où la France a effrayé en renversant un régime et en tuant son roi, tout en donnant un exemple au reste du monde.
Vous publiez un livre sur un thème assez peu connu de la Révolution : le rôle que les femmes y ont joué. Quand avez-vous commencé à vous y intéresser ?
C'est en effet un sujet que souvent même les historiens de la Révolution Française connaissent assez mal. Lorsque j'ai repris mes études à l'université, ma fille faisait également les siennes aux Etats-Unis. Un jour, elle m'a fait parvenir un travail qu'elle avait préparé sur Olympe de Gouges (une femme politique du XVIIIème siècle, qui est notamment l'auteur des Droits de la femme et de la citoyenne NDLR). Je me suis intéressée à ce personnage, puis ensuite de manière plus large aux femmes dans la Révolution. J'ai choisi de leur consacrer mon mémoire universitaire.
J'ai travaillé pendant trois ans et demi sur ce mémoire intitulé Práticas e Representações das mulheres na Revolução Francesa - 1789-1795 (Pratiques et Représentations des femmes durant la Révolution Française ? 1789-1795). Lors de ma soutenance, j'ai reçu les félicitations du jury qui m'a encouragée à le publier. Il a fallu retravailler le contenu parce que le livre, Virtuosas e perigosas ? As mulheres na Revoluçao Francesa (Vertueuses et dangereuses ? Les femmes de la Révolution Française) devait s'adresser à des gens intéressés par l'histoire, mais pas non plus forcément des spécialistes.
Où avez-vous principalement mené vos recherches ?
Je suis beaucoup allée à Paris. Pour toute la partie iconographique, qui est particulièrement développée, je suis allée à la Bibliothèque Nationale de France, ainsi qu'au Musée Carnavalet, dont le directeur, monsieur de Carbonnières, a été un soutien très précieux pour moi. J'ai recueilli des documents écrits à la Bibliothèque de la Sorbonne, aux Archives Nationales, à la New York Public Library et également à celle de la USP.
J'ai fait le choix de ne pas parler que des grandes héroïnes, mais avant tout de cette catégorie que formaient les femmes révolutionnaires du peuple. Que ce soit dans les textes ou les images, elles sont décrites tour à tour comme héroïques, malicieuses, sensuelles, ridicules, diaboliques, etc. L'action des femmes lors de la Révolution n'était pas attendue des hommes. Au début, celle-ci a été bien vue. Mais peu à peu, cela a commencé à effrayer les hommes qui craignaient que si les femmes changeaient de place dans la société, le chaos ne s'installe. En 1793, les clubs de militantes politiques sont fermés et on refuse aux femmes tout droit civique. La nature de la femme n'était en effet pas de parler de politique, la nature les ayant faites pour être mères. C'est alors l'image de la mère républicaine, restant chez elle pour avoir de nombreux enfants et les éduquer dans les règles révolutionnaires, qui est exaltée comme le prouvent de nombreux documents iconographiques.
Quel a été leur grand moment durant la Révolution ?
Sans aucun doute la Marche à Versailles. Le 5 octobre 1789, 7.000 femmes issues des couches les plus populaires décident de se rendre en cortège à Versailles pour se plaindre au Roi de la cherté du pain et du manque d'aliments basiques. L'absence de réaction royale ne fait pas faiblir l'insurrection. La foule scande le même refrain "A Paris, à Paris" incessamment. Leur persévérance poussera le Roi à quitter Versailles pour rejoindre Paris, changeant ainsi le cours de la Révolution. Comme le disait l'historien Jules Michelet : "Les hommes ont pris la Bastille et les femmes ont pris le roi".
Qu'ont laissé ces femmes aux générations suivantes ?
Même si elles ont globalement échoué à s'imposer sur la scène politique, il est important de reconnaître leur importance, leurs aspirations. Elles ont laissé l'idée qu'une femme pouvait avoir une conscience politique. Nous sommes les héritières de ces femmes courageuses, même si elles ont commis des erreurs. Elles ont finalement inventé un nouveau rôle pour la femme : celui d'un être libre pensant.
Propos recueillis par Amélie PERRAUD-BOULARD (www.lepetitjournal.com - Brésil) mercredi 26 février 2014
Lancement du livre : 11/03, à 18h30
Livraria Cultura Paulista
Avenida Paulista, 2073 ? Conjunto Nacional
VIRTUOSAS E PERIGOSAS - As mulheres na Revolução Francesa
?Tania Machado Morin ?
Alameda Editorial







