Juin 2010. Tandis que le Festival Varilux de Cinema Francês bat son plein dans l'obscurité des salles cariocas, Anna Mouglalis, venue y présenter Coco Chanel & Igor Stravinsky, reçoit LePetitJournal.com de Rio sous le soleil de Copacabana. Portrait
Qui découvre Anna Mouglalis dans Coco Chanel & Igor Stravinsky pourra esquisser un mouvement de recul : cette froideur !? La faute à un physique d'une ténébreuse et grande beauté, presque irréelle. À un timbre de voix grave et sentencieux. Mais aussi à la volonté de Jan Kounen de faire de la haute-couturière un tel bloc de marbre. Son interprète, elle, aurait été partisante de plus d'humour. "Ce n'est pas quelque chose que l'on voit beaucoup, mais ce n'était pas de mon fait. Le metteur en scène ne voulait pas aller dans cette direction, et c'est sans doute dommage parce que cette grande dureté ne tient que parce qu'il y a de l'humour." Et à la voir nous recevoir en ce matin de grand soleil, sourire éclatant et les pieds dans le sable de Copacabana, on n'a aucune peine à la croire. Déjà la veille, après la projection du film en ouverture carioca du Festival Varilux de Cinema Francês, celle qui avait accepté de répondre aux questions du public n'avait plus rien de la femme presque fatale que l'on venait de voir sur grand écran : disponible, chaleureuse, presque timide? Il faut d'ailleurs l'entendre parler de la Chanel : "Une méchante ! Elle pourrait être une méchante dans un film".
Malgré l'amalgame tentant, Anna Mouglalis n'est donc pas Coco Chanel. Pas plus que Simone de Beauvoir ou Juliette Gréco, icônes féminines qu'elle a pourtant revivifiées (respectivement dans le téléfilm Les Amants du Flore en 2007 et Gainsbourg, vie héroïque cette année). Non, Anna Mouglalis est? Anna Mouglalis. Une adolescente nantaise montée à la capitale, où elle suit les cours du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique. Où elle se fait remarquer par Claude Chabrol qui la révèle dans le formidable Merci pour le Chocolat (2000). Où elle devient en 2002 l'égérie de la maison Chanel, sous la férule de Karl Lagerfeld. Aussi, ce nouveau film est-il "une pirouette très jolie de ma vie". Mais qui risque de rendre la vie plus dure à certains amalgames?
"Tourner au Brésil ? Avec plaisir !"
Il faut pourtant la voir s'enflammer sur fond de Pain de Sucre pour un certain cinéma, celui "de Fellini, de Vittorio De Sica? Les Mastroianni, tous ces acteurs italiens ? et les actrices italiennes, extraordinaires aussi". Désigner sans rire Michel Simon comme son modèle. Et parler du Brésil avec des étoiles plein les yeux. "C'est un pays qui a un attrait fou. Fou ! Il y a vraiment quelque chose de très particulier à Rio. Ces pierres, cette lumière? il y a quelque chose de festif !" On ne la contredira pas. Au contraire, on se laisse gagner par cette verve et cet émerveillement presque enfantin. On l'écoute, enchanté à notre tour.
Mais qu'on lui demande si elle serait prête à une carrière brésilienne, et elle se rétracte. "Moi, les telenovelas? Je sais que tous les acteurs doivent passer par là, et ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de faire. Ce qui me fait rêver dans le métier tel que je peux le pratiquer aujourd'hui en France, c'est justement de ne pas aller au bureau. Tourner en studios ? Non. Et puis ce n'est pas ma culture." Anna Mouglalis continuera donc à faire carrière dans l'Hexagone. À faire des films sans concession pour des auteurs exigeants, comme elle l'a toujours fait ? pour Chabrol donc, mais également Chantal Akerman (La Captive), Arnaud Desplechin (Léo, en jouant "Dans la compagnie des hommes"), Jean-Pierre Limosin (Novo), Damien Odoul (En attendant le déluge)? Et pour Samuel Benchetrit, son compagnon, qui, non content de lui offrir un bien beau rôle dans J'ai toujours rêvé d'être un gangster (2008), lui a donné presque simultanément une fille.
Le travail en famille semble lui réussir, puisqu'elle achève actuellement Chez Gino, sous la caméra de Benchetrit. Ce n'est donc pas demain qu'on la verra dans un film brésilien. Quoique? "Tourner au Brésil ? Avec plaisir !" Un plaisir que l'on partagerait volontiers. Ne serait-ce que pour pouvoir replonger en sa compagnie les pieds dans le sable de Copacabana?
Propos recueillis par Germain SCLAFER (http://www.lepetitjournal.com ? Rio de Janeiro) mercredi 11 août 2010
Coco Chanel & Igor Stravinsky (France - 2009) de Jan Kounen, avec Anna Mouglalis, Mads Mikkelsen, Elena Morozova, Grigori Manukov? Sorti à Rio de Janeiro prévue le 20 août 2010
Retrouvez la critique du film dès la semaine prochaine
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