Vitrine du cinéma hispanophone, ce festival nous a permis d’accéder à un bel échantillon espagnol et sud-américain.
Maixabel de Iciar Bollain (Espagne)
Tiré de l’histoire vraie de Maixabel Lasa, la veuve de Juan María Jáuregui, un homme politique assassiné par l’organisation terroriste ETA en 2000. Onze ans plus tard, elle reçoit une demande inhabituelle : l'un des auteurs du crime a demandé à lui parler dans la prison de Nanclares de la Oca (Álava). Il y purge sa peine après avoir rompu ses liens avec le groupe terroriste. Malgré ses doutes et son immense douleur, Maixabel accepte de rencontrer en face à face la personne qui a assassiné son époux.
Dans un pays où le fantôme du terrorisme est encore très présent, ce film est un défi. Comprendre les meurtriers, accepter leur repentance, leur pardonner c’est encore surement beaucoup demander.
Maixabel s'engage dans une démarche éthique de haute voltige.
Le réalisateur met en évidence des détails surprenants : les assassins du mari de Maixabel n'avaient pratiquement aucune idée de qui il était, ce qui souligne à quel point ils n’étaient que des pions dans une machine bien rodée.
Malgré des moments rythmés comme l’assassinat de Juan María Jáuregui ou encore le procès pendant lequel les accusés contestent haut et fort l’autorité de la justice espagnole, le début du film souffre de quelques longueurs. Nombres de scènes sont un peu superflues. On en vient à se demander où cela va bien nous mener. Jusqu’à ce qu’un saut dans le temps nous fasse retrouver les détenus qui ont pris de la distance avec l’organisation et purgent calmement leur peine. Quand l’un d’eux demande à rencontrer la veuve de sa victime via une médiatrice, le film prend une tournure plus émotionnelle. A mon sens, le manque de développement du côté psychologique dessert l’importance et la complexité de la réconciliation. On retiendra malgré tout la justesse des acteurs lors des rencontres, particulièrement profondes et touchantes, de Maixabel avec les assassins de son mari.
Pour la petite histoire, lors de la dernière cérémonie sur la tombe de son mari, l’une des chanteuses est interprétée par la veuve de Juan María Jáuregui à la ville.
Beyond summit (La cima) de Ibon cormenzana (Espagne)
En manque de neige et de montagnes, ce film a tout de suite attiré mon attention. Même si, par expérience, les films sur la haute montagne peuvent être très vite décevant.
C’est l’histoire de Mateo qui se lance un défi de taille : gravir l'une des montagnes les plus dangereuses de la planète, l'Annapurna, afin de respecter une promesse qui lui tient à cœur. Lors de son ascension, il a un accident qui le laisse inconscient et blessé, il sera secouru quelques heures plus tard par Ione, une alpiniste chevronnée. Celle-ci, après avoir atteint son objectif (gravir les 14 sommets au monde qui dépassent 8000 mètres) passe l'hiver en ermite dans un refuge pour échapper à ses démons. Happés par leurs tourments intimes respectifs, ces deux personnages cohabitent tout d’abord par la force des choses et vont vivre une aventure qui va les amener à se confronter aux limites de l’être humain.
Les paysages sont impressionnants et sublimes. Le film se focalise sur le traumatisme de la perte d’un être cher qui partageait cette même passion et le désir d’honorer sa mémoire. En face du traumatisme de Mateo, Ione, elle, cherche un but pour continuer à vivre alors qu’elle a déjà gagné son combat.
Elle fait de Mateo son nouveau défi : s’assurer qu’il reste en vie.
Le film parvient à raconter ce qu'il y a de plus profond dans la vie et de plus douloureux. Il dit ses tristesses et ses joies, voilées par des silences, des attitudes toutes en retenues. Malheureusement par moments le ton devient un peu trop moralisateur et le sac à dos ridiculement petit (sensé contenir la tente, le duvet et tout le matériel de montagne) fait entache la crédibilité de l’histoire.
Parrallel mothers de Pedro Almodovar (Espagne)
Deux femmes, Janis (Penelope Cruz) et Ana (Milena Smit) sur le point d’accoucher, se retrouvent dans une chambre d'hôpital. Janis assume pleinement son choix de mère célibataire et se réjouit de la venue de son enfant. Ana, encore adolescente, ne le vit pas bien, elle s’en veut et est terrorisée.
Janis essaye tant bien que mal de rassurer Ana. Ces moments passés ensemble, dans un contexte si particulier, vont les lier pour la vie, une vie qui leur réserve encore des surprises…
Ce film explore les dilemmes des femmes d’aujourd’hui, attachées à leur liberté et indépendance mais qui veulent aussi être mère. Les mères ont toujours un rôle important dans les films d’Almodovar.
Le récit commence avec une référence au lourd passé franquiste, Janis est l’arrière-petite-fille de victimes de la guerre civile et se bat pour l’ouverture des tombes afin de découvrir si ses proches font partie des anonymes enterrés dans les fosses communes.
Préoccupation rapidement délaissée au profit de sa grossesse et la manière dont elle va devoir combiner vie privée et professionnelle.
On ne présente plus Penelope Cruz, une des actrices fétiches de Pedro Almodovar, toujours sublime mais la révélation, c’est bel et bien, Milena Smit, son interprétation de la fragilité de la vulnérabilité, de la résilience est extraordinaire.
Avec un esthétisme qui lui est cher et très personnel, Pedro Almodovar nous offre un film où sa fureur de vivre est toujours là, romanesque, excentrique, parfois un peu exagéré. Ce film est très visuel sans jamais faire d’ombre à un scenario tout en nuance et retenue. Il est aussi touchant que savoureux.