Elodie et Guillaume sont deux Français qui vivent depuis plusieurs années en Australie. L'année dernière, au début de la crise du Covid-19, ils ont décidé de changer de vie et de troquer leur maison à Brisbane contre une caravane. Depuis, ils parcourent l'Australie avec leurs deux enfants. Lepetitjournal les a rencontré.
Pourriez-vous vous présenter ?
Nous sommes un couple de Français, on est arrivés à Brisbane il y a 10 ans. En 2011, Guillaume, mon époux, a décroché un emploi en Australie avec le Visa 457 et six ans plus tard, nous avons obtenu la nationalité australienne. On a toujours vécu à Brisbane avec nos deux enfants qui ont aujourd’hui six et neuf ans. Entre temps, nous sommes devenus entrepreneurs et nous nous sommes engagés dans l’écologie. Malheureusement, notre entreprise a été énormément impactée par la crise du Covid-19. Ça a été très dur pour nous car cette crise a détruit des années de travail. Au mois de mai, pour la fête des mères, nous avons acheté une vieille caravane. A l’origine, elle devait nous servir uniquement pour les vacances et les week-end. On a tout retapé de nos propres mains et quand elle a été prête à partir sur les routes en septembre, notre activité est repartie.
C’est ainsi qu’on a décidé de changer de vie, en restructurant nos entreprises et en vendant nos meubles. On a pris la route pour une durée indéterminée car nous travaillons à distance et que nous n’avons pas d’obligation de rentrer ou de travailler dans un endroit fixe.
Pourriez-vous décrire votre entreprise ?
Nous vendons des pneus à l’international entre grossistes et, en contrepartie, nous nous assurons que les pneus usagés partent bien en usine de recyclage.
En Australie à peine 20% des pneus usagés sont recyclés au contraire de l’Europe ou des Etats-Unis où on se situe aux alentours de 80%. Nous avons créé un système de tracking afin que le gouvernement puisse suivre le processus de recyclage. En 2019, nous avons même remporté un prix ainsi qu’une subvention gouvernementale pour lancer les premiers prototypes. Ça fonctionnait donc à merveille mais suite au Covid, le gouvernement australien n’a plus fait du recyclage de pneu sa priorité. Aujourd’hui, l’entreprise marche encore très bien mais nous travaillons avec beaucoup plus de distance afin de nous recentrer sur notre famille et nous-mêmes. L’équilibre est là et c’est génial.
Vous êtes partis avec vos deux enfants qui sont déscolarisés c’est bien ça ?
Oui, les enfants ont été déscolarisés au moment du Covid. Comme tous les enfants, ils ont dû quitter l’école en mars 2020, et après dix semaines à la maison on s’est rendu compte qu’on adorait être avec eux et finalement, ils ne sont jamais retournés à l’école. On les a déscolarisés au mois de mai, et maintenant ils font l’école à la maison avec nous sur la route.
Est-ce que tu peux parler un peu de votre voyage, votre itinéraire et votre organisation ?
En septembre, nous sommes montés dans le Nord du Queensland jusqu’à Gladstone et il a fait vite très chaud. Nous avons ensuite atteint le New South Wales et le Victoria aux alentours de noël. Mais très rapidement, nous avons été rattrapés par le Covid et après Noel, on a pris le ferry en direction de la Tasmanie où nous avons passé deux mois. En mars, nous étions en Australie du Sud où le temps était magnifique. On a pu profiter des différentes péninsules et maintenant nous sommes dans le Northen Territory à Alice Springs. Nous n’avons pas de planning défini car nous n’avons aucune date de retour. Nous suivons le flow, nos envies et la météo bien évidemment. Notre projet c’est de faire le tour de l’Australie mais plus on voyage, plus on se demande si on est prêts à revenir vivre dans une maison à Brisbane. On ne sait pas trop de quoi sera fait l’avenir.
Le projet initial c’était donc de partir quelque temps pour reprendre ensuite un mode de vie sédentaire classique ?
Oui. Cette période devait être une transition car nous avions vendu notre maison et nous devions acheter un terrain à Brisbane. Finalement, le vendeur s’est rétracté au dernier moment et nous sommes partis en caravane le temps de trouver quelque chose d’autre à acheter. On s’est rapidement accoutumés à ce mode de vie nomade qui nous plaisait tellement, alors pourquoi rentrer ? On sent au fond de nous que le mode de vie traditionnel ne nous convient plus. Il y a aussi une grande communauté de nomades sur la route, qui comme nous, voyage dans des camps gratuits, et à laquelle on se sent connectés. Cela nous conforte dans l’idée que le monde change, que les aspirations d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Pourtant, notre mode de vie interroge. Par exemple, notre famille qui est en France se demande souvent comment on a pu troquer notre belle maison de Brisbane contre une caravane de 11m2. Mais nous aimons la vie que nous menons et surtout, nous prenons conscience que le matériel n’est pas grand-chose.
Tu parlais des familles que vous aviez rencontré sur la route, selon toi, est-ce un mode de vie qui s’est développé suite au Covid ?
Oui. Il y a des gens qui sont sur la route depuis deux ou trois ans et qui ne veulent pas rentrer. Mais il y a aussi énormément de gens qui ont pris la décision de partir depuis le Covid. Aujourd’hui si on veut acheter une caravane neuve, certains constructeurs ont entre un et deux ans d’attente. Ce mode de vie nomade et sans attache a explosé depuis le Covid.
Comment avez-vous réussi à trouver votre équilibre ?
L’adaptation a mis trois mois environ. Quand on est partis, on était en mode vacances. Après on a eu une période un peu lune de miel où on était extrêmement heureux d’être avec nos enfants puis, finalement, à partir du troisième mois on a trouvé ça très difficile. La météo était très mauvaise à Melbourne et vivre à quatre dans une petite caravane quand il pleut, ce n’est vraiment pas une partie de plaisir. Quand on est arrivés en Tasmanie, on s’est mis à faire des travaux dans la caravane, à acheter du matériel pour se faciliter la vie et à se débarrasser de beaucoup de choses inutiles. Maintenant, on a vraiment le sentiment qu’on a notre maison et une vie plus en accord avec nos principes. Moins on en a, mieux on se sent. Pour ce qui est de vivre les uns sur les autres, nous avons surtout décidé de coopérer et d’établir des règles pour que la vie de famille se déroule le plus calmement possible. Enfin, nous avons le plus beau des jardins et ça, ça n’a pas de prix !
Quels sont les plus gros avantages et inconvénients de ce mode de vie ?
L’avantage premier c’est la liberté. La liberté d’être en famille et de faire ce que l’on veut quand on le veut. On a aussi cette chance de visiter l’Australie. Ça faisait dix ans qu’on vivait à Brisbane et on s’est rendu compte qu’on ne connaissait que très peu l’Australie. C’est une chance inestimable de pouvoir découvrir notre pays avec nos enfants. Nous avons aussi une routine bien établie qui nous permet d’avoir un bel équilibre. Cependant, à Brisbane, nous pratiquions beaucoup de sport en club et ce côté social nous manque. Les enfants par exemple faisaient partie d’un club de foot et c’est une activité à laquelle ils ont dû renoncer.
N’est-ce pas trop dur de rencontrer des gens et de devoir les quitter aussi rapidement ? Est-ce que vous avez réussi à tisser des liens solides sur la route ?
On ne ressent pas ce manque pour deux raisons. Tout d’abord, quand nous vivions à Brisbane, nous avions un groupe d’amis très solide mais on s’est toujours sentis « out of the boxe » du fait de nos idéaux et de nos projets. Or, depuis qu’on est sur la route, les gens que nous avons rencontrés ont les mêmes valeurs que nous. Ce sont pour la plupart des indépendants, qui aiment passer du temps avec leurs enfants. On a fait de superbes rencontres et eu de magnifiques discussions que l’on n’aurait pas forcément eu en tant que sédentaires à Brisbane.
Le deuxième point, c’est le pouvoir d’Instagram. On essaie de ne pas suivre trop de monde mais on est entrés en contact avec des familles qui, elles aussi, voyagent en Australie. Durant nos deux mois en Tasmanie, nous avons fait de superbes rencontres et nous avons eu la bonne surprise de découvrir que certaines familles suivaient le même itinéraire que nous. Il nous arrive de nous retrouver sur le chemin, de passer certaines fêtes ensemble et, grâce à Instagram, nous gardons contact. Alors évidemment, il y a des gens à qui il a fallu dire au revoir mais il y en a aussi beaucoup qu’on retrouve avec plaisir. Il y a une vraie communauté sur la route et aujourd’hui on se reconnaît en eux donc c’est génial.
Quels sont vos projets futurs ?
Nous souhaitons acheter un terrain pour avoir une base quelque part. Acheter une maison, ça ne nous tente plus du tout, on est bien avec cette caravane ou avec une autre. Dès que les frontières rouvriront, on voudrait partir voir nos familles en France. En attendant, le projet c’est de continuer à voyager, à découvrir d’autres paysages, à apprendre aux enfants l’histoire de leur pays et à être libres de vivre tout un tas d’expériences. On voudrait aussi poursuivre notre engagement écologique. Quand on vit dans une maison de 300M2 avec eau et électricité en illimité c’est compliqué de véritablement s’engager. Notre consommation passée n’était pas du tout en accord avec notre mode de vie. Aujourd’hui, on va au bout du projet, on s’éclaire grâce à des panneaux solaires, notre consommation d’eau se limite à 100 litres par semaine et surtout on apprend à nos enfants à se détacher du matériel. On ne vit pas mal car on a toujours de bons salaires mais on vit différemment, plus simplement, on privilégie les expériences sur le matériel et on adore ça.
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