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WECHAT - La "destruction créatrice" venue de Chine

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Écrit par Lepetitjournal Pékin
Publié le 16 avril 2014, mis à jour le 1 juin 2014

Dix millions de messages par minute. C'est le pic d'activité de WeChat cette année au moment du Nouvel an chinois. Créée par Tencent en 2011, cette application mobile de messagerie instantanée, aussi connue sous le nom de Weixin en chinois, s'est rapidement imposée dans le monde entier, surtout via la diaspora chinoise, au point d'avoir maintenant plus d'utilisateurs actifs que Twitter (355 millions pour WeChat contre 241 millions pour Twitter) et de bouleverser un certain nombre d'habitudes sur le marché, et même au sein des entreprises.

Alors qu'en Occident, le consensus général tourne plutôt autour de produits spécialisés qui font une seule chose et le font bien, en Chine, la tendance est au contraire à la diversification à outrance. Lorsque chez Google par exemple, le PDG Larry Page décide de mettre fin à plusieurs produits pour recentrer l'entreprise sur son cœur de métier, les groupes Internet chinois préfèrent eux, multiplier les offres dans des métiers complètement différents afin d'être sûrs de ne manquer aucune opportunité.

"We love, we share, WeChat" le slogan publicitaire d'une compagnie qui séduit à tout va (photo AH)

Timing et diversification

WeChat en est un bon exemple; c'est ainsi qu'au fil des mises à jour, cette application mobile est devenue un véritable couteau suisse numérique, à la fois un outil de rencontre, un portail de jeux, un moyen de paiement, un hypermarché mobile... On peut utiliser WeChat pour réserver un taxi, acheter une paire de chaussures, investir, contracter une assurance contre le cancer, ou encore envoyer de l'argent avec des “hongbao” (rien qu'entre le 30 et le 31 Janvier, 20 millions de ces enveloppes virtuelles ont été envoyées).

Ce qui est tout aussi remarquable, c'est la vitesse à laquelle WeChat s'est imposée. C'est un phénomène qui s'est propagé de façon virale, partant de l'Asie avant de s'étendre rapidement au reste du monde. Trois ans après, on parle de plus de 500 millions de personnes atteintes. On peut en observer les symptômes partout: des jeunes gens dans la rue qui tiennent leur téléphone non pas plaqué contre leur oreille, mais plutôt devant leur bouche, comme un talkie-walkie. Le succès initial de cette petite application mobile est dû au fait qu'elle est arrivée au bon moment, lorsque le marché des smartphones a commencé à décoller en 2010, permettant enfin à la jeunesse chinoise de s'affranchir du coût des SMS, qui comme partout ailleurs est exorbitant. Rien qu'en 2013, le nombre de smartphones en Chine est passé de 380 à 700 millions d'unités, selon Umeng, société spécialisée dans l'analyse des données mobiles.

Capture d'écran de l'interface de WeChat

Un impact immédiat

Certaines entreprises comme MacDonalds, Starbucks ou Xiaomi ont bien compris le potentiel de la plateforme et ont enregistré des comptes publics via lesquels ils échangent avec leurs clients, proposent un service personnalisé voire même des ventes flash. L'ambassade de France en Chine vient elle-même de s'y mettre. C'est aussi devenu un outil important dans les entreprises; de nombreux managers avouent diriger leurs équipes en utilisant WeChat en remplacement de l'e-mail. Grâce aux fonctionnalités telles que les groupes de discussion, le partage rapide de photo, de localisation, ils trouvent cela plus simple et plus rapide, en particulier pour communiquer avec des collaborateurs nomades, telles que les équipes de vente par exemple.

Rarement un produit n'aura eu un tel impact en si peu de temps, et ce sont plusieurs industries qui ont été bouleversées déjà, alors que d'autres se mettent à trembler devant ce nouveau révolutionnaire chinois. WeChat est un très bon exemple de la "destruction créatrice" chère à Joseph Schumpeter, selon qui l'ouragan perpétuel de l'innovation affecte invariablement tout type d'organisation, y compris celles bénéficiant d'un monopole, et provoque à terme leur remplacement par de nouveaux arrivants. Les opérateurs télécom voient leurs revenus SMS refluer: ils passeront de 25,4 millions de dollars en 2013 à 19,6 millions en 2018. Les utilisateurs se désintéressent des réseaux sociaux plus anciens que sont Weibo, le Twitter chinois, qui totalise 129 millions d'utilisateurs actifs contre 355 millions pour WeChat, et Renren, le Facebook chinois avec 50 millions d'entre eux.

Les quelque 70 plateformes offrant de télécharger des applications mobiles tremblent du fait que WeChat permet maintenant aux utilisateurs d'ajouter directement de nouvelles applications sans passer par eux, et les géants du e-commerce tels Alibaba redoutent aussi l'offensive sur leurs plates-bandes, en marche déjà, de ce trublion au logo vert. C'est une révolution qui ébranle jusqu'au système bancaire chinois. Tencent a récemment créé un établissement bancaire, et est allé jusqu'à proposer une carte de crédit dématérialisée à ses utilisateurs, avant que la très puissante Banque de Chine ne décide de s'y opposer fermement.

Une entreprise qui pèse 60 milliards de dollars

En attendant, WeChat fait les affaires de Tencent, et de son charismatique fondateur Pony Ma. La valorisation de l'entreprise à la bourse de Hong-Kong a récemment atteint les 100 milliards de dollars et les analystes s'accordent à dire que WeChat représente à lui seul 60 milliards. Cela ferait presque paraitre bon marché le similaire Whatsapp, que Facebook a récemment acquis pour la somme de 19 milliards de dollars.

Tableau représentant la fidélité de l'utilisateur selon le type d'application, avec deux critères : la fréquence d'utilisation par semaine, et la durée d'installation (Flurry)

Voilà peut-être de quoi donner des idées aux compétiteurs, dans un marché en pleine croissance et qui semble voué à la concentration dans un avenir proche. En effet, les applications de communication sont les plus utilisées, et le plus régulièrement (voir ci-dessus le graphique de Flurry): les utilisateurs ouvrent l'application tous les jours, plusieurs fois par jour et ils ne la désinstallent que très rarement car tous leurs amis l'utilisent. En conséquence, un utilisateur de WeChat représente une valeur beaucoup plus élevée qu'un utilisateur de Pandora ou CandyCrush, car il y a plus d'opportunités de le "monétiser". C'est donc un avenir radieux qui s'annonce suivant l'exemple de WeChat pour les Line, Viber, Kakao et autres applications de communication, et l'on verra probablement d'autres grosses acquisitions sur ce marché.

 

 

 

Rémy Trichard pour lepetitjournal.com/pekin Jeudi 17 avril 2014

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Publié le 16 avril 2014, mis à jour le 1 juin 2014

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