

A l'occasion de l'ouverture de la première boutique Première Pression Provence à Hong Kong en mai 2011, Olivier Baussan nous a raconté son incroyable parcours, depuis la création de l'Occitane, en passant par Oliviers & Co, tout en partageant avec nous son enthousiasme pour les petits producteurs d'huile d'olive de sa Provence natale, les étonnantes palettes aromatiques des oliviers de ce terroir
L'Olivier ne cessera d'accompagner Olivier Baussan, de son enfance à la création de Première Pression Provence
Lepetitjournal.com Hong Kong : Il y a 35 ans, vous avez créé la marque l'Occitane, un succès mondial. Côtée à la bourse de Hong Kong en 2010, un musée lui est dédié en Provence. Comment a démarré cette formidable aventure ?
Olivier Baussan : Après mon bac, je me suis inscrit en fac de lettres. Mais ma passion, c'était la nature, Jean Giono et son hymne à la Provence. Mes parents possédaient une ferme, j'ai été nourri au lait des chèvres que nous appelions chacune par leur prénom. Enfant, ramasser des plantes et les distiller étaient pour moi des gestes familiers. Avec ma s?ur et mon frère, nous baignions dans la joie des récoltes de lavande ou d'olives. Aujourd'hui encore, c'est un grand bonheur de participer à une récolte. En 1956, il y a eu un grand gel en Méditerranée, mes parents ont tout perdu, de nombreux producteurs ont disparu mais les oliviers sont restés car c'est est un sacrilège de les déraciner en Provence. En Espagne ou en Italie, on a arraché et replanté massivement en développant une autre culture de l'olive. En 1976, j'ai racheté un vieil alambic à un paysan ? qui a trouvé sa place aujourd'hui au Musée de l'Occitane - et je me suis tourné vers le commerce des huiles essentielles, que je distillais moi-même, pour fabriquer une base neutre en suivant les préceptes du Dr Jean Valnay, qui exposait le B-A BA de l'aromathérapie dans son livre. C'est sur le marché de Forcalquier que j'ai vendu mes premières huiles essentielles de romarin puis de lavande, sans aucune expérience du commerce mais avec tout de suite un grand succès, notamment auprès des soixante-huitards venus s'installer dans la région.
Comment êtes-vous passé de l'artisanat à l'entreprise ?
Pour élaborer des produits plus sophistiqués, je me suis associé à un ami chimiste, Yves Millou, et en 1976, j'ai créé une véritable entreprise, l'Occitane, axée au départ sur les huiles essentielles. C'était pile poil dans l'air du temps. En 1977, l'Occitane a trouvé ses premiers clients au salon Marjolaine : sans un sou je m'y suis rendu avec des bonbonnes Pasteur de dix litres d'huiles essentielles et des bocaux avec des étiquettes à coller directement par les acheteurs. Enorme succès ! Et quelques mois après ouvrait le premier magasin à Manosque « Le Relais Occitane ».
Deuxième étape clé, ma rencontre avec un vieux savonnier installé à Pantin, Jacques Remy. Il avait été « lessivé » par tous les Procter & Gamble et autres grands groupes et sa savonnerie était fermée. Cet homme merveilleux m'a transmis sa passion pour les savons en trois heures et m'a légué la totalité de ses moules et machines. Puis est venue l'idée du packaging, avec la présentation des petits savons de Marseille pur végétal avec huiles essentielles, dans des bourriches à huîtres présentées sur des caillebotis. J'ai d'ailleurs créé peu de temps après le Petit marseillais avec un ami journaliste. C'est ma femme qui a dessiné le fameux mousse encore présent sur les produits. Mais j'ai revendu la société au groupe Vendôme par besoin de trésorerie. Savons, huiles essentielles, découverte du beurre de karité au cours d'un voyage au Burkina Faso, packaging naturel, l'Occitane était née. Nos produits ont eu dès le départ beaucoup de succès. Dix ans après la création de L'Occitane, nous employions une centaine de personnes. Nous avons ouvert la première boutique de l'Occitane à Hong Kong en 1995.
Pourquoi avez-vous décidé de faire rentrer des investisseurs extérieurs ? Quelle est votre place aujourd'hui dans l'entreprise ?
Passer de l'artisanat à la grande entreprise n'est pas si facile. L'essor a été exponentiel sous forme de franchise jusqu'en 1992, mais j'ai ensuite dû céder la majorité parce que je rencontrais des problèmes de cash-flows. C'est Reinold Geiger, un Autrichien qui a fait fortune dans le packaging cosmétique, qui est aujourd'hui l'actionnaire principal de l'Occitane. Il a développé l'activité à l'international avec des magasins en propre, tout en lui conservant son identité. Il a également emmené dans l'aventure André Hoffmann, aujourd'hui directeur Asie Pacifique de l'Occitane et qui a permis un développement extraordinaire dans la région avec, notamment, 18 boutiques et 2 spas à Hong Kong ! L'entrée en bourse de l'Occitane en 2010 à Hong Kong a ensuite permis d'assurer l'indépendance de la société. J'ai pour ma part conservé 5 % du capital et suis désormais directeur artistique : je gère avec mon équipe la création des packagings et le design des magasins. D'ailleurs la famille tient toujours un grand rôle dans l'aventure puisque mon frère est au développement des boutiques, ma s?ur aux packagings et ma mère continue à réaliser parfois des croquis dont nous nous inspirons pour certains produits.
Vous avez ensuite lancé une seconde marque, Oliviers & Co...
Dans la même veine que l'Occitane, je souhaitais défendre la tradition, le savoir-faire, les vraies valeurs. J'ai eu envie de promouvoir les différentes huiles produites par les pays méditerranéens et j'ai commencé à les présenter en 1996 dans ma librairie de poésie dans l'île de la Cité à Paris. En 10 ans, après avoir ouvert une soixantaine de boutiques à travers le monde, j'ai malheureusement dû tout vendre en 2006 à la suite d'un différent familial avec mon oncle, entré dans l'affaire entre temps.
...Suivie de la création de Première Pression Provence
J'ai créé en juillet 2006 un musée de l'Olivier en Provence, à côté de Manosque et je proposais dans la boutique du musée des huiles d'olive provençales commercialisées dans de petits bidons métalliques, étiquetés avec le lieu, le nom du producteur? J'avais sélectionné 50 producteurs d'huile d'olive, représentatifs de la Provence et pour la plupart des amis qui m'avaient interpellé en me demandant de pouvoir exposer leur savoir-faire. Puis m'est venue l'idée de décliner la boutique du musée en une enseigne de magasin. En 2008, j'ai donc créé Première Pression Provence (PPP), en commercialisant les huiles provençales, moins répandues que les huiles italiennes ou espagnoles. PPP possède six boutiques à Paris, dont la dernière née a ouvert il y a quinze jours dans le 14ème.
Au menu, une gamme d'une trentaine d'huiles différentes, réparties en trois gammes correspondant à trois différentes traditions : « Fruité vert », où l'olive est récoltée encore verte avant la mi-novembre et tout de suite pressée, « Fruité mûr », où l'olive est récoltée noire en décembre et tout de suite pressée comme on peut le voir chez certains producteurs de Nice ou Nyons, et le désormais fameux « Fruité noir » dont les olives sont cueillies noires sur l'arbre et fermentées pendant quelques jours avant d'être pressées à la meule. L'un de nos oléiculteurs, Olivier Péne, installé aux Baux-de-Provence, préfère ainsi renoncer au label AOC - qui impose notamment de récolter les olives entre le 15 octobre et le 5 novembre - pour fabriquer sa propre huile d'olive « Fruité noir ». C'est une huile douce, sans amertume, mais qui nécessite un véritable savoir faire pour contrôler la fermentation de l'olive et qui comporte plus de risques au gel. Mais Première Pression Provence commercialise aussi de nombreuses autres spécialités provençales, des sardines délicieuses, des terrines à tomber par terre, toutes réalisées amoureusement par des artisans de la région.
Q'est-ce qui vous a amené à choisir Hong Kong comme première implantation de Première Pression Provence à l'étranger?
C'est Marc Cudennec qui, fort de sa longue expérience professionnelle en Asie et passionné par l'huile d'olive, m'a contacté, relancé en bon breton têtu, et convaincu de sauter le pas, alors que je n'avais pas a priori envisagé de lancer aussi rapidement la marque à l'international.
Je suis moi-même passionné par Hong Kong. Une photo de votre almanach « Un An en Asie 2010 » me fait d'ailleurs penser aux « Rubans de Bruges » que j'avais créés pour l'Occitane à partir de spirales d'encens et qui avaient eu un succès fou il y a 25 ans. A Hong Kong, nous considérons la clientèle européenne comme acquise à cette culture et notre cible prioritaire est la clientèle chinoise. Nous avons ainsi invité hier quelques chefs chinois et français à venir goûter nos produits et à créer leur propre huile. A Paris, lors de l'inauguration de notre dernière boutique parisienne, Jean-Michel Duriez, nez de Jean Patou, a d'ailleurs créé un mélange tout à fait inattendu et délicieux en rajoutant à la note de c?ur et la note de tête, de l'huile d'olive au citron pour sublimer toutes les huiles se rajoutant les unes aux autres. Tous les grands chefs présents, de Pierre Hermé à Alain Passard, ont ensuite fait de même pour créer leur propre huile.
Il faut faire preuve de pédagogie, raconter l'histoire de ces produits, pour espérer les vendre aux asiatiques. Il faut également jouer avec la rareté, avec des produits artisanaux parfois disponibles en très faible quantité comme le « sel à la truffe fraîche », à la saveur incomparable pour sublimer une simple pomme de terre au four.
Olivier Baussan et Marc Cudennec, directeur général de Première Pression Provence pour Hong Kong et les futurs développement à Taïwan et en Chine
Est-il trop tôt pour parler de la suite ?
En France, j'aimerais ouvrir une belle boutique à Nice et continuer à m'implanter à Paris (déjà 6 boutiques). Nous allons bien-sûr regarder attentivement les résultats de ce premier magasin à Hong Kong. Pourquoi pas ensuite en ouvrir d'autres ici. Un site internet marchand est également prévu à Hong Kong pour la fin de l'été, un développement à Taïwan et en grande Chine envisageable, pour ce qui concerne la région. Avec Marc Cudennec, nous travaillons également avec les restaurateurs et souhaitons nous implanter dans l'aéroport et créer des partenariats avec les compagnies aériennes. Et, sait-on jamais un concept alliant boutique et restaurant, mais nous avons le temps !
Propos recueillis par Laurence Huret et Eric Ollivier, (www.lepetitjournal.com/pekin.html), lundi 30 mai 2011







