Dans la nouvelle tour CCTV, temple de la télévision chinoise à l'architecture si particulière que les Chinois l'ont surnommée ??? (dà kùch?, le grand pantalon), se tenait pour la première fois un concours télé sur la maîtrise du français, du jeudi 5 au dimanche 8 décembre, sur CCTV-F, la chaîne en français de la télévision d'Etat. Le dernier jour, Lepetitjournal.com a pu assister à la grande finale des "As du français", pendant laquelle 6 candidats chinois au niveau remarquable se sont affrontés avec talent entre larmes, surprises mais aussi contraintes d'une émission de télévision. Premier épisode d'un reportage en deux volets.
La nouvelle tour CCTV est un bâtiment austère et imposant, où la sécurité ne laisse même pas passer les sacs, donnant au visiteur le sentiment de pénétrer au coeur des services de renseignements (photo JCB).
Un plateau aux couleurs tricolores, le profil de la Tour Eiffel en arrière-plan et pas moins de 14 rangées de projecteurs alignés au plafond, prêts à faire briller les candidats? tout est en place pour que le spectacle commence. A droite de la scène, hors du champ des caméras, un petit orchestre répète en sourdine. L'oreille attentive perçoit des accords de Céline Dion et de Joe Dassin. C'est ce même orchestre qui, bien rôdé, décuplera la dramaturgie de l'émission, alternant pendant près de trois heures les roulements de tambours à chaque verdict avec la douce petite musique qui accompagne toute élimination.
Filmer le public quand il est encore frais
Un chauffeur de salle remplit son rôle avec vigueur, gesticulant tant et si bien qu'il en perd son boitier de micro. Qu'importe, le public bon enfant se prête au jeu, filmé par les nombreuses caméras bien que l'émission n'ait pas commencé. Et oui, c'est que cet enthousiasme est précieux et volatile. Quand trois heures plus tard, l'émission se termine, la fatigue est passée par là et les rangs sont beaucoup plus disparates. L'un des nombreuses avantages d'un programme enregistré. La scène tricolore (photo JCB)
Huppert, Raffarin et Lepers !
14h30, une vidéo de présentation lance finalement le concours. Surprise, plusieurs visages familiers se succèdent pour quelques mots amicaux : l'actrice Isabelle Huppert, l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et même le présentateur Julien Lepers, qui reprend ses intonations de voix du célèbre Questions pour un champion.
Les candidats entrent sur la piste et poussent la chansonnette, l'occasion plutôt rare d'entendre en Chine Santiano (Hugues Aufray), Poupée de cire, poupée de son (France Gall) ou le fameux Champs-Elysées (Joe Dassin). Ils sont vite rejoints par une présentatrice chinoise et un présentateur français. L'ensemble de l'émission se déroulera ainsi uniquement dans la langue de Molière, donnant corps aux premiers propos de la candidate Pan Wang, née à Chengdu, qui avec humour déclare : "impossible n'est pas le français".
Les candidats entrent en piste (photo JCB)
Venus directement de France
Les six finalistes, cinq filles et un garçon, enchaînent ensuite les épreuves, en commençant par une courte présentation de deux minutes. L'occasion de faire de la publicité pour l'Alliance Française, où la candidate Guan Shan "a eu des cours excellents", en témoigne son probant niveau de français. Une autre candidate se permet même un jeu de mots, à propos du métro parisien : "ce n'est plus métropolitain, c'est cosmopolitain". Le seul garçon, Wu Di, vient lui avec un basson, dont il suit des cours au conservatoire de Lille. Et oui, comme plusieurs autres candidats, il a fait le déplacement depuis la France (payé par la production), uniquement pour l'émission.
Se rapprocher des étoiles pour le/la gagnant(e) (photo JCB)
"Nous avons reçu plus de 400 candidatures et 30 ont été sélectionnées pour venir à Pékin, explique Wang Botao, le producteur de l'émission. L'idée était de faire une émission du type un incroyable talent, mais en français, avec des épreuves de sélection dans 5 grandes villes, ou par internet. Je me suis en fait inspiré de mon parcours, car après avoir commencé à apprendre le français en 2000, j'ai plusieurs fois pu me produire sur scène à l'université, chantant même Tomber la chemise du groupe toulousain Zebda. C'était un très bon souvenir."
Les Chinois francophones de Chine aussi visés
Wang Botao est à l'origine du projet. "Depuis l'année dernière, il y a beaucoup de remue-méninges à CCTV, car on se sent un peu en danger avec la montée des nouveaux médias et réseaux sociaux." C'est à cette occasion qu'il a proposé ce concours qui permettait en plus de répondre à une grande frustration des équipes de la chaîne francophone : "Même si nous sommes visibles sur internet, la chaîne n'est pas diffusée en Chine, il n'y a pas d'opérateur intéressé. Nous sommes diffusés bien sûr à l'étranger mais nous n'avons pas vraiment encore de chiffres sur l'audience, et peu de retours. Du coup, même si ça fait bientôt 10 ans que CCTV-F existe, on se sent très souvent invisible. On a l'impression qu'on travaille pour rien. Une émission, c'est pour être regardée, sinon, elle ne sert à rien. C'est très frustrant."
Mais les finalistes de l'émission sont bien loin de ces considérations. Déjà la deuxième épreuve approche. Quel candidat, quelle candidate remportera le trophée ? Pourquoi la présentatrice versera-t-elle quelques larmes ? Quelle chanteuse française était la marraine de l'émission ? Vous le saurez dans le second volet, dès la semaine prochaine.
Joseph Chun Bancaud (lepetitjournal.com/pekin) Vendredi 13 décembre 2013
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