Dans tout Pékin, il n'y a probablement qu'un seul lieu lié à la fois à l'opéra de Pékin et au Kuomintang. La Guilde du Huguang est ce dénominateur commun, et offre l'occasion pour les non-initiés de s'adonner aux plaisirs de l'opéra de Pékin, à l'endroit même où Sun Yat-Sen créa le parti du Kuomintang en 1912.


La Guilde du Huguang tire son nom de l'ex-province du Huguang, qui a ensuite été démembrée entre Hunan et Hubei. Mais les immigrés venus de cette ex-province dans la capitale avaient gardé leurs liens, et ont créé, en 1807, ce lieu dans lequel ils pouvaient se retrouver pour manger ou regarder les pièces de l'opéra de Pékin. C'était aussi une auberge d'accueil pour les jeunes bacheliers descendus de la province pour tenter les concours d'entrée dans l'administration impériale. La maison est donc au tout début de son histoire le témoignage d'une solidarité provinciale qui a probablement disparu depuis.
Sur les pas de Sun Yat-Sen
Le lieu a ensuite périclité pendant qu'au même moment se délitait l'Etat Qing (1644-1911). La Guilde du Huguang est d'ailleurs directement lié à cette transition d'un empire à une république, puisque c'est en ses murs que Sun Yat-Sen, futur premier président de la République chinoise, a créé le parti du Kuomintang. Un article du défunt journal ???? shuntian shibao, en date du 27 août 1912, témoigne de cette création. Ensuite, la maison fut un temps occupée par des roturiers, puis transformée en une usine de cahiers. Mais en 1986, la municipalité de Beijing, aujourd'hui propriétaire, décida de préserver cet héritage et d'en faire à nouveau une scène pour l'opéra de Pékin.
En 1997, après rénovations, le bâtiment ouvrait de nouveau ses portes au public, avec un petit musée dont le visiteur fera vite le tour mais qui permet de voir des jolis costumes et des photos de Chen De Lin, maître qui a enseigné son art à Mei Lan Fang, seule des 4 plus grandes artistes féminines de l'opéra de Pékin à avoir chanté à la Guilde du Huguang.
Plonger deux siècles en arrière
L'intérêt réside surtout dans la salle de spectacle. Une belle grande salle carrée dont la structure en bois date de 1830. Plongé dans ce lieu, on se laisse alors aisément aller à imaginer une scène d'antan : le public, venu en nombre, est là, en petits groupes, assis autour de nombreuses tables où leur sont servi thé, guazi (graines de tournesol) cacahuètes et pâtisseries. Aux deux étages se trouve la belle gent, qui avec cette position élevée, a une meilleure vue, un meilleur son et aussi plus d'intimité.
Multiples codes de couleurs
Enfin, ça c'était l'ambiance qui existait avant. Maintenant, l'esprit est plus proche d'une salle de spectacle européenne, avec sous-titres en anglais, même si thé et gourmandises sont encore de mise. Si vous êtes chanceux, vous aurez peut-être à vos côtés un fin connaisseur, comme Ghaffar Pourazar, anglais d'origine iranienne, responsable des relations internationales du musée. Vingt ans qu'il étudie et pratique l'art de l'opéra de Pékin, c'est donc un formidable décodeur pour le spectateur néophyte. En commençant par l'entrée des artistes, qui se fait selon un pas spécial "pour donner l'impression de flotter, car ils représentent des esprits, ou des personnages de haut rang".
Orchestre traditionnel
Le décor est minimaliste. Les objets, peu nombreux, sont symboliques : ici, une table et là, un bâton pour représenter un cheval. "Ce sont les acteurs qui concentrent tout l'intérêt et peignent la scène avec leurs gestes". Les histoires sont aussi assez simples. La première parle d'un seigneur de guerre qui pour se venger d'un ennemi, lui vole le cheval impérial dont il a la garde pour que la fureur de l'empereur lui tombe dessus. Le deuxième tableau raconte l'histoire d'une fille à la recherche d'une herbe marine pour soigner sa mère malade. Le dernier est plus martial. Une sirène s'est mariée avec un humain, bafouant la loi du ciel. S'ensuit une bataille entre soldats célestes et peuple de l'eau, l'occasion de beaucoup d'acrobaties et de jonglages.
Il faut par contre bien choisir son jour pour venir à la Guilde du Huguang. Pour peu qu'il n'y ait pas grand monde, et un public surtout étranger, la salle aura alors un air déprimant. Il vaut donc mieux, pour une fois, venir en période de vacances. Le lieu reste en effet un théâtre touristique, cher (180 Y min), non destiné aux spécialistes, sachant que ces derniers sont de moins en moins nombreux, y compris parmi les Chinois, dont les jeunes générations délaissent cet art difficile d'accès. Mais pour les néophytes, il serait dommage de se priver de cette jolie introduction à l'opéra de Pékin, dans un bel écrin chargé d'histoire.
Joseph Chun Bancaud
Informations pratiques :
adresse : 3, Hufang Lu, district de Xuanwu
tarifs : 180 Y, 280 Y, 380 Y, 680 Y
de 18h30 à 19h30 tous les jours
accès en bus : 14, 15, 66, 70, 113, 603
métro : station Caishikou ligne 4, sortie sud-est, puis descendre l'avenue Luomashi Dajie vers l'est jusqu'au croisement avec Hufang Lu
tél : 8355 1680







