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Le Chapitô ou la démocratisation du spectacle vivant dans les Provinces Calédoniennes

Maquette du Chapitô salle de spectacle ambulant en Nouvelle-Calédonie Maquette du Chapitô salle de spectacle ambulant en Nouvelle-Calédonie
Écrit par Clotilde Richalet
Publié le 5 novembre 2021, mis à jour le 6 novembre 2021

Depuis son origine il y a 13 ans, le Chapitô : salle de spectacle et centre culturel itinérant est sur la route pour diffuser l’offre culturelle sur le Caillou et permettre aux artistes de se produire sur tout le territoire.

Une équipe de passionnés s'est donné cette mission de diffusion en allant là où il n'y a pas de salle de spectacle, dans des endroits reculés du territoire et au coeur des tribus pour aller à la rencontre du public. Le Chapitô c'est une mécanique bien huilée soutenue par les Provinces du Nord, du Sud et des Iles, et autres partenaires. Ces dernières années le Chapitô a environ 8 implantations par an comme par exemple à Sainte-Marie à Nouméa, à Yaté, à Voh ou encore Poidimié. Chaque fois Le "Chap", comme il est surnommé ici, plante sa tente pour environ 2 semaines et propose plus d'une dizaine de spectacles. Que ce soit de la danse, du théâtre, du cirque ou du cinéma, il y en a pour tous les goûts et toutes les sensibilités ; et surtout pour tous les âges.

 

Le Chapitô, salle de spectacle itinérante, en Nouvelle-Calédonie
Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

 

Mais qui se cache derrière le Chapitô et comment fonctionne cette salle de spectacle pas comme les autres? Partons à la rencontre de Quentin Retali, Océane Wagio et Cédric Languepin. 

 

 

Quentin Retali : Directeur Artistique du Chapito

Quentin Retali Directeur artistique du Chapitô
Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

 

LPJ NC : Quel est ton parcours jusqu’au Chapitô ?  

Quentin Retali : J’ai toujours travaillé dans le milieu culturel et associatif et mes études m’ont mené vers la gestion d’action culturelle. Pour mon mémoire de fin d’étude je devais faire un stage et j’ai décidé de venir le faire en Nouvelle-Calédonie, où j’avais de la famille, pour avoir une autre approche du pays et pour le découvrir en travaillant. Le Chapitô, qui n’avait que 2 ans, me prend alors en stage. Je débarque au milieu d'un projet qui était en construction, et justement à l’époque je travaillais beaucoup sur la co-construction de projet, et comment on arrive à associer le public, les acteurs culturels et les gens qui sont pilotes dans les mouvements associatifs.

 

A l'époque le Chapitô tournait deux ou trois fois plus aujourd’hui, j'ai rejoins l’équipe en juin et sur les 6 mois qui suivent le Chap sera monté 8 ou 10 fois. Mon stage devient un contrat de travail et je reste travailler pour Le Chap et aider à écrire un projet de développement sur 3 ans, comme une feuille de route de l'action culturelle pour 2011-2014.

 

Au bout de 3 ans j'ai décidé de faire autre chose. J'avais détecté un manque énorme au niveau du suivi administratif des compagnies, soit pour aller chercher des financements soit pour aller démarcher des dates… simplement sur l'accompagnement logistique derrière un spectacle. Donc quand j’ai quitté le Chap je me suis lancé et j’ai créé mon agence de diffusion. Je suis ensuite passé par le Rex où j’ai renoué avec le fait de créer un lien durable avec le public, chose qui me manquait dans les seules opérations de diffusion. Entre-temps Rémy Vachet qui avait repris la direction du Chapito, s’en va…

Et c’est là que je reprends le poste de Directeur du Chapitô.

 

LPJ NC : Quelle est la mission du Chapitô ?

Quentin Retali : Ça n'a pas changé depuis le début : la sensibilisation du public, le soutien au spectacle vivant en création et en diffusion, et les actions de médiation auprès du public scolaire et du public éloigné dans les quartiers.

 

Une des missions principales du Chapitô est d’aller auprès des populations qui sont très éloignées, isolées. Parfois rencontre des Vieux pour qui c'est la première fois dans une salle de spectacle. Rien que pour ça on sait que notre travail a du sens.

 

Le Chapitô, salle de spectacle itinérante, en Nouvelle-Calédonie
Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

 

Certaines missions se sont ajoutées ces dernières années, que l’on peut qualifier de missions d'insertion, notamment avec les jeunes du service civique. C’est bien d’avoir des jeunes qui sont déjà intéressés par le spectacle vivant pour les encourager à en apprendre plus. Et à travers ça les jeunes drainent avec eux tout un public qui ne vient pas forcément dans les salles de spectacle.

Sur une implantation comme à Sainte-Marie c'est très sympa de voir 30 ou 40 jeunes qui passent derrière le rideau pour venir nous dire bonjour. C'est une partie de la mission : accomplie.

 

Une autre mission du Chapitô est le soutien à la création. Cette année à Voh nous avons accueilli 4 résidences, et ici à Yaté on en fait 1. Petit à petit on essaie de remettre ça en route, c’est de la mise à disposition pour les artistes. La force que nous avons avec le Chapitô c'est que la résidence est un vrai temps de création, tu crées une bulle. Déjà par le passé nous avions travaillé sur des projets de résidence in situ, on avait fait une résidence à Maré avec des chanteurs polyphoniques mélangé avec des gens du conservatoire, à Ouvéa et à Lifou aussi…

 

Le Chapitô, salle de spectacle itinérante, en Nouvelle-Calédonie
Résidence du Collectif Nyian pour Popinées de Richard Digoué - Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

 

Notre salle de spectacle est ouverte : on rentre et on sort comme on veut. Tu es à moitié dans les conditions du spectacle de rue. Il y a des artistes que ça rend fou que je laisse la porte ouverte, mais en même temps tu ne peux pas arriver en tribu et dire aux gens :  pardon mais c'est fermé alors qu'ils ont roulé trois quart d'heure pour arriver. Donc on ne limite pas les entrées, et on ne limite pas les sorties non plus. C’est pour ça qu’il faut bien choisir ses spectacles et savoir ce qui va captiver du public.

 

LPJ NC : Qui sont les partenaires et quels sont les budgets du Chapitô ?

Quentin Retali : Les tendances se sont un peu inversées avec le temps. Au début on avait des gros soutiens de la Province Nord et de la Province des Iles qui étaient les partenaires majoritaires. La province nord était à 24 millions ; la province des îles étaient autour de 18 ou 21 millions et la Province Sud était entre 8 et 12 millions. Le Gouvernement aidait pour le fonctionnement et mettait une enveloppe d'environ 12 millions. La MAC aidait sur des aides ponctuels sur certains projets. Ça c’était au début, on était sur un financement à 80 % sur des fonds publics.

 

Les communes participaient aussi mais plus faiblement : environ 250.000 francs pour une implantation de 15 jours ; ce qui est peu pour nous mais c'était important puisque ça les mettait dans une participation active et symbolique.

Le dialogue avec les communes est très important. A l’époque on faisait un catalogue des offres et on allait voir les communes pour construire la programmation avec eux. On disait aux communes : avec les subventions du Gouvernement vous avez une enveloppe de X Francs et on construisait la programmation ensemble. C'était une façon pour les communes d'apprivoiser ce qu'est le spectacle, d'avoir une idée des coûts et d’installer une forme de transparence entre nous.

 

Pour les chiffres d'aujourd'hui tu divises tout par 2. Avec un coût de la vie qui a été multiplié par 2, donc en gros tu divises par 4 les possibilités d’actions que nous avons. À l'époque on était à un taux d'autofinancement de 20 % aujourd'hui on est plutôt autour de 40%. Cette année on doit faire rentrer 25 millions environ en autofinancement, pas négligeable.

 

* Aujourd’hui les partenaires sont : le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, la MAC (Mission Action Culturel), la Province Sud, la Province Nord, la Ville de Nouméa, Koniambo et la Scet.

 

Océane WAGIO : Chargée d'action et médiation culturelle, communication et diffusion

 

Océane Wagio chargée d'action culturelle au Chapitô
Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

LPJ NC : Quelle est selon toi la mission du Chapitô ?

Océane Wagio : Le but depuis le début est d'avoir un centre culturel itinérant qui puisse prendre la route pour diffuser l'offre culturelle en dehors de Nouméa. C'est poursuivre ces missions de diffusion en allant là où il n'y a pas de salles, en plein cœur des tribus et d'aller à la rencontre du public. 

 

LPJ NC : Comment choisissez-vous les spectacles ?

Océane Wagio : On participe aux comités d'audition qui sont organisés par la Province Sud qui se déroule en fin d'année. Cela nous donne une vision de ce qui va sortir l'année d'après et d'avoir un aperçu de ce que les compagnies préparent.

C'est aussi beaucoup de bouche à oreille parce qu'on accueille de nombreuses compagnies sous le Chap et on en croise d’autres au Centre d'Art : c'est un petit réseau et tout le monde nous parle de ce sur quoi il travaille.

 

LPJ NC : Combien d'implantations faites-vous par an en moyenne ?

Océane Wagio : L'année dernière nous avons fait 6 implantations alors qu'il y a eu les confinements dû à la Covid :  Nouméa - Sainte-Marie, Voh, Koné, Touho, Yaté, Dumbéa... On se déplace sur tout le territoire.

 

LPJ NC : Combien de temps vous restez sur place à chaque implantation ?

Océane Wagio : La durée dépend de la programmation et du budget de la commune, par exemple à Voh on est resté pendant 3 semaines. Mais le format était un peu différent, on a déjà des liens là-bas, on travaille ensemble depuis plusieurs années. Et il y avait cette volonté après le premier confinement de pouvoir offrir des temps de travail et de résidence aux compagnies qui ont vu leurs sessions de résidence raccourcies. 

 

Le Chapitô, salle de spectacle itinérante, en Nouvelle-Calédonie
Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

 

LPJ NC : Quelle est la fréquence des résidences ?

Océane Wagio : Les résidences font partie des missions du Chapitô mais c'est trop rare. A Yaté en ce moment on accueille Richard Digoué et son Collectif Nyian pour une résidence de 3 jours.  

 

LPJ NC : Quels spectacles sont proposés sous le Chap? 

Océane Wagio : Théâtre, danse, cirque, cinéma …  On accueille toutes les formes d’art dans la salle !

 

LPJ NC : Quel est le spectacle qui t’a le plus marqué sous le Chapitô ?  

Océane Wagio : Il y a eu plusieurs créa Chapitô. La dernière s'appelle Caillasse et est une adaptation d'un spectacle qui s'appelle à la base :  « Expédition Paddock » qui date de 2011 du Groupe TangoSumo (compagnie d'art de rue en France). Ils ont réadapté ce spectacle en 2017 pour une version à 2 qu’ils ont joué sur la tournée des 10 ans. Cette créa là a été mon plus beau souvenir : la créa en elle-même et d'avoir pu y participer. 

 

Cédric LANGUEPIN, Directeur Technique du Chapito

 

Cédric Languepin directeur technique du Chapitô

LPJ NC : Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?

Cédric Languepin :  Je suis arrivé en NC en 2011, technicien dans l'audiovisuel donc plutôt orienté télévision, captation, mais avec un goût pour le spectacle vivant. J'ai commencé à travailler très tôt, vers mes 15 ans je bossais déjà dans une salle de concert à côté de chez mes parents et au fur et à mesure je suis parti en tournée avec des groupes. J’ai fait un BTS Audiovisuel, formation relativement complète autour de la technique autant dans le son, la lumière que la vidéo. 

De là j’ai travaillé 7 ans en tant que responsable de maintenance chez Cognacq-Jay Images et ensuite en tant que chef d'équipement vidéo chez AMP Visual TV, boite de prestation télé. 

 

LPJ NC : Comment es-tu arrivé en Nouvelle-Calédonie ?

Cédric Languepin :  Pour bosser sur les Jeux du Pacifique… et je ne suis jamais vraiment reparti !

Mais il n'y avait pas tant de travail que ça dans l'audiovisuel et je suis revenu à mes premiers amours : le spectacle vivant, d’abord via les boites de sono. J'ai commencé par faire beaucoup de concert, et petit à petit je suis devenu régisseur sur différents spectacles. 

Et puis j'ai découvert le Chapitô : j'ai adoré le concept de balader partout la culture et d'emmener avec nous une structure conséquente en termes de moyens et de possibilités. 

J'ai intégré l'équipe assez vite, et ça va faire maintenant 3 ans que je suis avec le Chapitô et 6 mois que je suis Directeur Technique. 

 

LPJ NC : Quels sont les challenges techniques du Chapitô?

Cédric Languepin :  En terme d'accueil de spectacle c’est plus ou moins la même chose que pour n'importe quel autre régisseur dans une autre salle. Le but est d'accueillir un spectacle et de faire son maximum pour que le rendu soit au top ; faire en sorte que la salle s'adapte au maximum aux besoins du spectacle.

C'est un peu bizarre à dire puisque le Chapitô en lui-même demande souvent à ce que le spectacle s'adapte à la salle. C’est le challenge de travailler sous le Chap et c'est justement ce qui est intéressant : trouver des solutions.

 

Le Chapitô, salle de spectacle itinérante, en Nouvelle-Calédonie
Photo : Clotilde Richalet Szuch / LPJ NC 

 

Mais au delà de ce travail purement technique, c'est aussi l'entretien d'une structure qui bouge. C'est de la toile, c'est des points d'ancrage, faut maintenir tout ça. Le Chapitô c'est un convoi de 5 camions avec remorques à entretenir et ici les routes ne sont pas forcément faciles donc ça demande beaucoup d’entretien.

Et puis pour vivre il nous faut de l'eau, de l'électricité. On fait des repérages avec les communes avant l'implantation, et on décide où on récupère des points d'eau et d'électricité. Parce qu’il faut s'occuper de tout le petit monde-là sur place, organiser la base vie : pour nous et pour les spectateurs. 

 

Le Chapitô, salle de spectacle itinérante, en Nouvelle-Calédonie

 

Merci à toute l'équipe du Chapitô de m'avoir accueillit comme l'un des leurs lors de la résidence de Richard Digoué à Yaté: une salle de spectacle itinérante mais bien plus : des missions et des engagements auprès des communautés, des jeunes, des artistes, des institutions... RDV très bientôt sous le Chapitô : "dès que les conditions sanitaires nous le permettront"! 

 

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