On se rend de plus en plus compte que l’expatriation génère souvent des problèmes dans le couple qui vont d’une simple rupture passagère de communication à des situations plus lourdes qui peuvent mener à une séparation voire un divorce.
L’expatriation, révélateur de couple !
Déjà avant l’expatriation l’équilibre de certains couples peut être fragile et beaucoup pensent qu’en brisant la routine quotidienne, le couple va se retrouver, se renforcer, et que cette expatriation va régler les problèmes sous-jacents, surtout quand l’on part vers des lieux au climat clément, plage et cocotiers, tous les clichés de l’expatriation.
Dès le début du projet, chacun a des attentes personnelles et professionnelles qui sont parfois inavouées, pas clarifiées, pas communiquées au sein du couple. On verra sur place….
Le conjoint doit quitter un job, s’inquiète pour son avenir, se focalise sur son couple et a des attentes très fortes de ce côté. La réalité sur place est tout autre, car on le sait, les collaborateurs en expatriation ne sont pas aux 35 heures et voyagent beaucoup, d’où une très forte désillusion en rapport avec les attentes.
Le couple va vivre des moments difficiles, des moments de joie et surtout des situations qui sont nouvelles pour les deux. Tout est remis en cause, les rôles vont être bouleversés, les rapports de force vont changer, tout peut prendre des proportions bien plus fortes qu’en France car l’un comme l’autre n’a plus l’appui du cercle familial et amical, donc chacun compte l’un sur l’autre.
Comment l’expatriation renforce le couple
Avant de partir, c’est le moment de rebattre les cartes et exposer clairement un projet commun d’expatriation et se dire les attentes de l’un et de l’autre. Reparler de l’engagement que l’on a pris l’un envers l’autre, et se demander ce que l’un peut faire pour l’autre pour que le projet réussisse. C’est la base d’un bon départ.
Arrivés sur place, et pendant le séjour donnez-vous des libertés nouvelles ensemble, découvrez de nouvelles régions, de nouveaux paysages, de nouvelles sensations. Sortez et trouvez des activités en commun ou avec des amis, amusez-vous, et fuyez le train-train quotidien. Parlez, échangez, communiquez…
Soyez pro actif si vous avez une envie, une idée ! N’attendez pas que ce soit l’autre qui propose, soyez moteur dans votre couple … Etonnez l’autre et il le fera en retour. Ne vivez pas dans un état de frustration permanente parce l’autre ne fait pas ceci ou cela.
Qui est l’accompagnant, qui est le partant ?
La femme ou l'homme qui suit son conjoint expatrié doit mettre entre parenthèses son projet professionnel ou autre. Si les premiers mois du séjour dissipent les craintes par rapport à la carrière, le questionnement réapparaît rapidement. Il est donc important de ne pas sous-estimer le besoin pour le conjoint d'expatrier (l’accompagnant) de penser avant le départ à la façon dont il peut maintenir ses compétences à l'expatriation et dans un deuxième temps transformer l'aventure en une nouvelle compétence.
Les décisions d’expatriation relèvent le plus souvent de trois types de motivation. L’amélioration du niveau de vie de la famille, la progression de carrière de Monsieur (et parfois de Madame) et/ou l’envie de vivre en famille, d’offrir à ses enfants, une expérience enrichissante car ouvrant sur de nouveaux horizons culturels, linguistiques…
L’entreprise, de son côté, se contente la plupart du temps de vérifier l’adéquation des compétences de son collaborateur avec la description du poste à prendre à l’étranger, sans trop de soucier de l’impact potentiel de cette aventure sur l’équilibre psychique et affectif des individus, du couple et de la famille concernés. Et déploie ses plus beaux chants de sirènes pour amener son employé à signer au plus vite son contrat d’expatriation, avant qu’il se pose trop de questions existentielles…
ll est normal de se poser des questions
Et pourtant, il est primordial que le couple examine avec le plus grand soin la cohérence (sur le fond) et l’opportunité (côté timing) de cette éventualité d’expatriation au regard du projet de vie de chacun des partenaires (comme de la situation de chaque enfant, mais c’est une autre histoire !). Une réflexion préalable dont l’évitement s’avère souvent révélatrice d’une crainte profonde de découvrir des différences, voire des incompatibilités d’aspirations, de priorités et de valeurs… Qui, si elles existent mais sont ignorées dans une prise de décision favorisant en silence l’un (ou l’autre) des époux, rejailliront pourtant rapidement et avec violence, une fois sur place ! Alors que leur prise en compte en amont peut parfaitement déboucher sur un compromis, privilégiant transitoirement et en conscience l’un (ou l’autre), mais dans un climat de confiance réciproque au regard de l’équilibre et l’équité, sur le long terme, de ce qui aura été donné et reçu de part et d’autre, dans ce couple. Avec, dans le meilleur des cas, le ressenti et l’expression durables par l’époux favorisé d’une authentique reconnaissance pour celui qui, par amour et générosité, aura accepté de mettre temporairement en veilleuse une partie de ses propres besoins et désirs. A moins que cette mise à plat effectuée avant la prise de décision de partir se solde par un renoncement extrêmement salutaire (même en temps de crise !) à un projet perçu en fin de compte comme potentiellement toxique pour ce couple.
C’est décidé, on fixe les règles
En cas de vote commun favorable à l’expatriation, il est ensuite fondamental que les partenaires rendent explicites, dans l‘échange et la négociation, les clauses implicites (et donc souvent floues) de leur « contrat de couple » : terme par lequel je désigne dans mon travail l’ensemble des valeurs honorées d’un commun accord et, en conséquence, les règles définissant les comportements acceptables et non acceptables dans les situations les plus concrètes susceptibles de poser problème. Ce qui oblige, comme dans la mise en place d’un contrat d’assurance, à évoquer des tas de choses désagréables, voire les pires des occurrences (et du coup, la plupart du temps, c’est là encore « courage, fuyons ! »). Dans le cas d’un projet d’expatriation, il s’agit essentiellement pour le couple de recenser, afin de pouvoir les prévenir, les comportements de l’un ou de l’autre qui engendreraient malaise, souffrance, conflits et rupture éventuelle. Cela peut (doit ?) aller jusqu’à un certain niveau de détails : nombre de jours passés pour l’un (voyage d’affaires) comme pour l’autre (vacances en France) en dehors du foyer, l’organisation familiale des week-ends, les moments réservés à la vie de couple.
Sur place, l’installation du couple
Une fois sur place, je conseillerais évidemment au couple de se rappeler mutuellement, avec tendresse, les engagements ainsi pris. Tout de suite après l’installation, partir à la découverte des ressources disponibles sur son nouveau lieu de vie en matière de loisirs et divertissement communs (avec ou sans les enfants) permet de poser les premières pierres. Cela étant, la démarche essentielle de prévention des dangers de l’expatriation pour le couple me paraît demeurer dans le fait que les femmes mettent rapidement en place dans leur vie des activités ayant du sens pour elles et favorisant leur croissance personnelle, quelle que soit la direction choisie. L’idée est qu’elles se placent elles aussi dans une dynamique d’effort, d’accomplissement, d’enrichissement de leurs compétences, talents et personnalité, qu’elles puissent évoquer avec fierté et enthousiasme auprès de leur chère moitié.
Cela revient à faire de son couple un lieu de croissance et de reconnaissance mutuelle, de partage, de soutien réciproque et d’intimité bienfaisante. Cette dernière s’étendant naturellement au domaine de la sexualité, où là aussi (disons-le tout net au risque d’aborder un domaine parfois tabou !), Madame gagne évidemment à entretenir son potentiel d’attraction (son « sex appeal », quoi !) avec le même soin que ses autres atouts…
Enfin et surtout, à la moindre alerte, sensation de malaise, de doute, d’éloignement, je conseillerais au couple de ne pas fuir (au sens propre comme figuré) ce qui se passe et au contraire d’aborder le sujet dès que possible. D’abord à deux et si cela ne suffit pas en sollicitant l’aide d’un thérapeute, quand cette ressource est disponible dans leur ville d’expatriation. Quelques séances suffisent alors généralement à analyser la situation, mettre à jour ses dysfonctionnements et définir les rectificatifs qui s’imposent, de part et d’autre. Afin d’éviter que les choses s’aggravent, faute de s’en occuper avec courage et que le couple se trouve véritablement menacé…
Une expatriation réussie c'est un couple qui a évolué ensemble, partagé des moments forts au sein desquels chacun a trouvé sa place et son identité. Transformez vos attentes en projets concrets et réjouissez-vous des pas que vous aurez faits ensemble.
Par Bérénice Boursier, psychanalyste, sexologue et hypnothérapeute.