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Le véritable Camembert AOC va-t-il céder à la pression américaine ?

Camembert AOC USACamembert AOC USA
Véritable Camembert au lait cru
Écrit par Eric Gardner de Béville
Publié le 2 août 2019, mis à jour le 3 août 2019

Le Camembert est une icône et un symbole de la France aux yeux du monde entier au même titre que la baguette, le vin rouge et le béret gascon. Toutefois, ce fromage frais de lait caillé écrémé et égoutté avec sa boite ronde si typique, affectueusement appelé « camemboss » dans le pays d’Auge où il est né ou « calendos » dans tous les bistrots de France, risque de voir sa méthode de fabrication altérée pour céder à la pression des exigences américaines en matière de pasteurisation.

 

Le Camembert fait de bon goût et de légendes

Le Camembert bien français tient sa renommée à ses caractéristiques propres mais aussi à la légende. En effet, sa saveur inimitable, son coulant onctueux et sa croûte fleurie en font un délice tout de suite reconnaissable sur n’importe quel plateau de fromages. S’il a été parfaitement affiné en cave et est servi à la température idéale, il « coulera » tout seul jusque dans votre assiette. Mais il y a aussi les légendes du Camembert, celle qui attribue au prêtre alençonnais, Charles-Jean Bonvous, d’avoir donné le secret de fabrication en échange de protection contre la guillotine, celle de l’engouement des « touristes » des stations balnéaires normandes à la mode au 19ème siècle, et celle de l’enchantement de l’Empereur Napoléon III qui servi le Camembert au Palais des Tuileries avant sa destruction en 1871.

Il n’y aurait toutefois pas de relation - et donc point de légende - entre le fromage Camembert et le sapeur Camember, haut personnage de la bande dessinée française de cette même fin du 19ème, dont l’écriture est légèrement différente. Il n’est cependant pas exclu de penser que le nom du sapeur Camember crée par Christophe, Marie-Louis-Georges Colomb (1856-1945) de son vrai nom et précurseur de la BD française, ait un lien avec celui du fromage puisque le personnage du sapeur Camember fut inspiré du sapeur Gruyer crée par l’illustrateur, écrivain et poète français Eugène Le Mouël (1859-1934). Il y a autant de différence entre Gruyer et Gruyère qu’entre Camember et Camembert…

 

La FDA américaine interdit les fromages non-pasteurisés

La redoutable et redoutée Food and Drug Administration (FDA) est connue pour la rigueur et la sévérité de ses contrôles. Voici presque 100 ans que la FDA a publié, en 1923, sa première Standard Milk Ordinance - connue aujourd’hui sous le nom de Pasteurized Milk Ordinance ou PMO - destinée à influencer les États de légiférer localement pour interdire la vente de lait et produits laitiers non-pasteurisés. La FDA ne peut interdire que la vente interétatique desdits produits, ce qu’elle a fait officiellement dans les années 1960 et continue de faire aujourd’hui. De nombreux États refusaient et refusent d’interdire, et à ce jour seule une minorité de 22 des 50 États prohibe cette vente. En théorie donc, un « camembert » local pourrait être vendu dans les états fédérés qui l’autorise. Toutefois, la FDA interdit l’importation du véritable Camembert français aux USA.

C’est bien le comble que ce soit le mondialement célèbre chimiste français Louis Pasteur, père de la pasteurisation, qui soit « à l’origine » de l’interdiction de la vente du véritable Camembert aux USA alors que bien sûr le Camembert au lait cru - et donc non pasteurisé - est vendu partout en France et dans l’Union Européenne sans risque ni atteinte à la santé des consommateurs. Ce n’est sans doute pas le Président Donald Trump, avec son penchant pour restreindre le commerce international, qui va favoriser l’assouplissement de la règlementation anti-Camembert américaine.

 

La France envisage de changer la fabrication traditionnelle du Camembert d’appellation 

Selon la formule du Sénateur américain James E. Watson (1864-1948) « if you can’t beat them, join them », il semblerait qu’en France un mouvement naissant soit favorable à modifier le cahier des charges du véritable Camembert pour en permettre une fabrication à deux étages, un « Camembert de Normandie AOC » au lait pasteurisé et un « véritable Camembert de Normandie » au lait cru et moulé à la louche. Ce qui permettrait de trouver sur les étals américains, un véritable Camembert d’appellation, mais qui ne serait en vérité qu’une pâle copie des camemberts au lait pasteurisé, déjà proposés au pays de l’oncle Sam.

Rappelons que pour qu’un Camembert reçoive l’appellation de « véritable Camembert », celui estampillé « de Normandie », il doit être fabriqué avec du lait cru non filtré possédant une teneur en matière grasse d’au moins 38 % et venant de vaches normandes qui bénéficient de conditions d’élevage précises. Ce Camembert représente 1% des 360 millions d’unités produites chaque année en France. 

Au-delà de savoir si le Camembert pasteurisé sera de moindre qualité que le vrai Camembert, ou de savoir si les Goliaths de la Grande Distribution, fournisseurs et distributeurs confondus, favorables à la pasteurisation, veulent éliminer les petits fabricants artisanaux des véritables et authentiques Camemberts, il y a peu de doute que ces mêmes Goliaths ont le regard tourné vers le marché américain où les ventes de Camembert dit « véritables Camemberts » seraient enfin possibles. Inutile désormais de vouloir changer la législation américaine pour protéger la tradition française du seul vrai Camembert de Normandie au lait cru, les Français changeraient eux-mêmes la formule secrète de la potion magique du petit village normand de Camembert.

 

egyb
Publié le 2 août 2019, mis à jour le 3 août 2019