Français, ils vivent aux États-Unis, certains depuis quelques années, d’autres depuis plusieurs décénnies. Leur point commun : avoir gagné leur carte verte à la loterie, ce sésame pour une nouvelle vie dans un pays qui les a séduit, attiré. Parfois un coup de coeur, parfois une longue histoire avec ce pays, parfois une simple opportunité. Pour notre édition, ils ont accepté de nous raconter leur histoire basée sur un coup de chance : gagner cette fameuse green card.
Gagner la green card à la loterie
« Nous avons joué en 2015, c’était le première fois et nous avons gagné » explique Marie*. En 2015, elle et son mari sont bien installés à Paris. Elle est psychologue et monte son cabinet, lui travaille dans l’immobilier. Leur amour pour New York remonte à l’année précédente. Un véritable coup de foudre ! « Nous avons découvert New York en 2014 lors de vacances. Initialement, je n’étais pas fan du tout de cette ville, mais je voulais tout de même la découvrir. Et nous sommes complètement tombés sous le charme ». Et de rajouter « nous avons compris que notre place était ici ».
Ils repartent avec un projet de vie : s’installer avec leurs deux enfants à New York. Alors, s’en suit une analyse profonde des opportunités d’installation aux États-Unis pour des ressortissants français. La loterie de la carte verte apparaît comme une possibilité. « En 2014, nous avons oublié de jouer » raconte amusée, la mère de famille. Mais qu’importe, en 2015, ils tentent leur chance pour la première fois. À cette époque, ils ne sont pas mariés, ce qu’ils feront plus tard, durant le long processus d’attribution de carte verte. C’est chacun de leur coté qu’ils jouent à cette loterie dont l’ouverture est tant attendue chaque année. Son mari gagne !
S’en suit un très long cheminement administratif, et à chaque étape, son questionnement. « Je n’avais jamais envisagé de changer de vie, de vivre en dehors de la France, et à chaque étape de ce long process, nous nous sommes posés la question » explique Marie.
Un cheminement vers un changement de vie qu’ils gardent en secret au sein de leur couple. Ni les enfants, ni les proches n’ont vent de ce projet, qui peut avorter au fil des étapes. Un moyen aussi de se protéger des avis et craintes de tout un chacun. Les Français et leur avis toujours trop tranché...
En effet, le processus est long, rigoureux et fastidieux. Une vie au pays de l’oncle Sam se mérite. Tirage au sort, questionnaire détaillé et minutieux, visite médicale et entretien à l’Ambassade des États-Unis à Paris ponctuent ce parcours du combattant à l’expatriation. « Quand à l’entretien, l’agent m’a dit « welcome », je n’arrivais pas à le croire » explique son mari. Et de rajouter « Là, ça a été la grosse fête ! » Il fallait bien ça pour célébrer une nouvelle vie.
Il a fallu deux ans entre leur participation à la loterie en 2015 et cet entretien ultime en 2017 qui change leur vie. Processus normal. « Nous sommes arrivés six mois plus tard. Pendant toute l’année, nous nous sommes concentrés sur notre installation et nous avons rêvé New York » relate Marie avec une passion encore palpable.
Officiellement installée depuis trois ans, la famille a rapidement trouvé ses marques. Marie s’est reconvertie dans l’enseignement tandis que son mari a poursuivi son métier d’agent immobilier après avoir passé les licences nécessaires. « Nos filles se sont très bien adaptées, elles sont très épanouies, très ouvertes d’esprit. Elles osent plus de choses » raconte la maman. De son côté, son époux raconte « je suis entrepreneur, ici, c’est le pays idéal. Les difficultés existent partout, où que l’on vive, mais ici, il y a vraiment beaucoup d’opportunités ».
Une famille heureuse et épanouie par cette nouvelle vie, « il faut être prêt à changer radicalement de vie, nous, on a tout vendu » conclu Marie.
« J’ai envoyé mon dossier à la dernière minute »
L’histoire d’amour de Kay* avec la ville de New York dure maintenant depuis deux décennies. « En 2001, je suis venue ici pour une mission de deux mois et je voulais vraiment m’y installer » raconte cette maman qui était alors une jeune femme célibataire. « J’ai commencé à faire plein de démarches auprès d’entreprises, à contacter des gens dans la production quand on m’a dit, qu’en l’état, personne ne m’embaucherait. Une Américaine m’a conseillé de jouer à la loterie » se souvient Kay. Un sésame pour avoir le droit de vivre et surtout travailler, sans être sponsorisée par une entreprise. Elle découvre alors ce système qui, pour certains, peut-être l’unique moyen de vivre aux États-Unis.
De retour en France, elle ne participe pourtant pas à la loterie. Puis, elle rencontre le père de son futur enfant, lui aussi séduit par les États-Unis. C’est en 2006 qu’ils participent à la loterie « Lui a joué le premier jour de l’ouverture. Moi, j’ai attendu le dernier jour, j’avais en plus un problème de photo dont les dimensions n’étaient pas bonnes. Tout me paraissant assez improbable. » Elle envoie son dossier quelques minutes avant la clôture de la loterie. Sans vraiment y croire. Courant de l’année 2007, surprise, elle gagne !
Après le long processus auquel sont confrontés tous les participants à la loterie, elle reçoit sa carte verte. Elle est enceinte. S’en suivent des allers-retours entre les États-Unis et la France, où elle accouche. Ce n’est finalement qu’en 2014 qu’elle s’installe définitivement avec son fils à New York après de nombreux déplacements entre New York et l’Hexagone. Dans son cas particulier de future maman durant l’obtention de la carte verte, elle reconnaît « tout a été très simple pour que mon fils obtienne aussi sa carte verte, j’ai même été surprise par la rapidité ».
Quid de la demande de nationalité américaine ? Face à cette question, Kay est partagée. Renoncer à sa nationalité française, pays qui lui a donné ses valeurs, une éducation et une véritable liberté semble compliqué pour elle. « Et puis, en devenant Américaine, je ne veux pas que mon fils soit soldat s’il y avait une guerre ». Tout en reconnaissant y réfléchir. Ce qui la séduit dans l’obtention de la nationalité américaine, que son fils puisse travailler à vie dans les deux pays. « Nécessité fera loi » conclu-t-elle.
Se marier pour obtenir une green card ?
Parfois, c’est une histoire d’amour avec le pays qui pousse à jouer à la loterie de la carte verte, mais parfois, c’est une histoire d’amour avec un Américain. C’est le cas de Paula*. Parisienne, elle rencontre au milieu des années 2000 un New-Yorkais alors en mission à Paris. Coup de foudre. Elle ne connaît pas les États-Unis, n’a absolument jamais pensé à une expatriation. Un voyage à New York avec les copines, tout au plus. Il lui suggère de participer à la loterie. « On ne sait jamais »... Par amour, elle participe en 2006. L’année suivante, alors qu’elle poursuit son idylle avec son Américain, elle apprend qu’elle a gagné à la loterie, du moins qu’elle a passé la première étape. « Après, j’ai du passer toutes les autres étapes, mais Andrew* m’a été d’une grande aide. Seule, je n’y serais peut-être pas arrivée. En même temps, je n’aurais pas eu la même motivation » dit-elle amusée. Les mois passent, les étapes avec. Puis arrive l’entretien à l’Ambassade. Étape aussi ultime qu’effrayante, pour la jeune femme. « C’était affreux, j’étais dans un état de stress peu commun, je ne savais ni ce qu’on allait me demander, ni combien de temps allait durer cet entretien. C’était le flou total ». Elle a aussi droit à un « welcome », à la fin de l’entretien, lancé par l’agent, qu’elle juge peu sympathique au demeurant. Un soulagement !
« Pour fêter ça, quelques jours plus tard, Andrew m’a amenée dans un très beau restaurant, très romantique, dans le 6e arrondissement, notre quartier préféré. À la fin du dîner, il m’a demandée en mariage » raconte-t-elle. Et de rajouter, non sans humour « tout ça pour ça, il aurait pu me demander en mariage avant, ça m’aurait évité tout ce stress ! »
« J’ai envoyé environ 100 lettres »
Il a souhaité que nous l’appelions Y. Il a tenté sa chance à la loterie de la carte verte en 1991. À l’époque, le système est différent. Il se fait par courrier, loin du dossier en ligne d’aujourd’hui. Chaque participant peut tenter sa chance autant de fois qu’il le désire. « J’avais lu un article dans le Washington Post. Il était expliqué que la plupart des gagnants à la loterie avaient envoyé plus de 500 lettres chacun » explique Y. Lui, en a envoyé environ 100. À l’époque, pas de dossier sur Internet à remplir, mais un simple courrier à envoyer à l’Immigration & Naturalization Service. « Il fallait écrire nos prénoms, nom, adresse, téléphone, nationalité, des informations très simples » détaille Y.
La loterie durait alors une semaine. Y participe pour la première fois. « Le jour où la loterie a commencé, j’étais en week-end dans le Maine avec des copains. J’avais laissé un tas de lettres à une copine et un copain qui sont allaient les déposer directement dans des grandes bennes qui étaient posées devant le bureau de l’INS, à Washington ». Et de rajouter « À l’époque, nous avions une réponse très vite. J’ai reçu une réponse positive courant novembre, le même jour où j’ai reçu mes résultats du GMAT. » Les semaines et mois suivants, Y se concentre sur les business schools où il postule. Ce n’est qu’en avril qu’il recontacte l’Ambassade des États-Unis. Il lui faut faire preuve de persuasion pour obtenir un rendez-vous, le délai est presque achevé. Chose qu’il sait très bien faire.
Au début des années 90, pour obtenir la carte verte, les prétendants au sésame devaient prouver qu’une place sur le marché du travail américain les attendait, contrairement à aujourd’hui. Ça tombe bien, Y a une promesse d’embauche en plus des documents demandés alors. Être en règle avec l’armée pour les hommes, un test négatif du sida, un certificat de naissance. Si peu de documents qui permettent à Y d’obtenir sa carte verte au printemps 1992. « Je suis reparti avec un dossier qui m’a permis de passer l’immigration, une fois sur le sol américain. Quelques jours plus tard, j’ai reçu ma carte verte. »
Chaque automne, ce sont quelque 50,000 cartes vertes qui sont mises en jeu, autant de sésames pour vivre aux États-Unis. 100 % des gagnants ont tenté leur chance...
* À la demande des Français qui ont témoigné, nous avons changé leur prénom.