Dans ce camp de Munich qui abrite 200 jeunes réfugiés depuis décembre 2015, deux bénévoles françaises, Sonia Hachmann et Sophie Monnard, animent un atelier de peinture. Nous avons rencontré quelques participants qui préparent activement leur exposition le 2 juillet. Bluffants !
Sonia a d'abord soutenu les réfugiés massés à la frontière entre la Hongrie et la Serbie en octobre 2015, s'y rendant seule, la voiture remplie de produits de première nécessité. C'était juste avant la fermeture de la frontière par un mur de barbelés. Souhaitant continuer à aider de retour à Munich, elle s'est rapprochée du centre socio-culturel Feierwerk et a proposé ses services pour animer un atelier de peinture en janvier 2016. Sophie, déjà intervenante en danse et en peinture, l'a rejointe.
« L'expression artistique apporte du réconfort aux réfugiés, nous confie Sonia, car ils ont besoin de lâcher leurs expériences souvent douloureuses sur le papier. Un motif revient très régulièrement: la maison ». L'atelier a lieu le mardi après-midi et le vendredi matin. Il a été fréquenté dès le début. Sophie remarque que c' est un lieu où règne une belle harmonie entre tous ces jeunes garçons afghans, syriens, iraniens ou maliens, de cultures pourtant si différentes. Tous débutants, ils expriment à leur manière la nostalgie d'un monde perdu. Nous avons rencontré quelques-uns de ces artistes en herbe.
Daouda: l'artiste archiviste
Parti du Mali via la Libye où il a été maltraité, Daouda, jeune garçon francophone de 18 ans, dégageant une grande douceur, souhaite de tout son coeur s'intégrer en Allemagne. Il refuse d'imaginer un retour au Mali- une décision dépendant des autorités-, apprend consciencieusement l'allemand et profite de l'atelier de peinture pour évoquer des souvenirs d'Afrique, comme ces deux oiseaux, appelés Tonkono dans son pays d'origine et tout simplement magnifiques!
Faiz: l'artiste-documentaliste
Faiz Mohammed Noori, Syrien de 25 ans, s'applique et explique, dans un allemand encore laborieux. « Il faut lire ce tableau de droite à gauche puis de bas en haut. On traverse la Méditerranée entre la Turquie et la Grèce, par bateau ou à la nage- il a lui-même nagé 3 heures durant - sous la surveillance de la police, représentée par deux voitures rouges, et sous les encouragements d'une femme qui agite les bras: Angela Merkel, qui crie « welcome ». Arrivés en Grèce on « remonte » vers l'Allemagne et on arrive dans une maison pointue entourée de barrières avec des montagnes à l'arrière-plan ».
Paco: l'artiste-rêveur
Son prénom est sans doute tout autre mais « Paco » avoue dans un anglais parfait qu'il est passionné de musique et voue un culte à son idole, Paco de Lucia. L'immense guitare qu'il a dessinée se prolonge par une main- « le lieu de toute l'énergie, les gens n'y prêtent pas attention au quotidien mais c'est très important ce qui passe par une main »-, des fleurs et des notes de musique. Afghan, il est vidéaste, poète, aime la culture française et lire En attendant Godot de Samuel Beckett. Son sourire et son enthousiasme abattraient des montagnes.
Ces deux amis, devenus inséparables, ont grandi en Iran- Omid a fui l'Afghanistan à l'âge de 5 ans pour arriver en Iran, dont il s'est exilé à 17 ans. Leurs tableaux délivrent des messages. Le double portrait de Mohammed semble représenter la déchirure entre là-bas et ici; il est en larmes.
Quant à Omid, il parvient, à tout juste 18 ans, à symboliser les souffrances des réfugiés actuels. Son personnage au chapeau, qui évoque Magritte ou Saint-Exupéry, est piétiné par une botte noire, symbole de l'oppression. Et son foetus jaune sur fond noir pourrait être touchant s'il n'était entouré d'une ceinture d'explosifs. A méditer!
Vernissage samedi 2 juillet de 14h à 18h
En collaboration avec l'ASB, Arbeiter Samariter Bund, le Feierwerk expose les oeuvres des réfugiés. Notez que le public pourra également faire preuve de créativité car du matériel de peinture sera mis gracieusement à disposition.
Feierwerk, Dschungelpalast,
Hansastr.41,
81373 München.
http://www.dschungelpalast.de
Agnès Tondre (www.lepetitjournal.com/Munich) jeudi 29 juin 2016
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