Dans le cadre de notre dossier sur les Kindergarten, nous sommes allés à la rencontre de Pascale Moyse, présidente de la kita franco-allemande Loupiots et maman de deux jeunes enfants, afin de comprendre comment s'organise un jardin d'enfant géré par les parents, que l'on appelle "Elterninitiativ".
Comment fonctionne un Kindergarten en Elterninitiativ ?
Nous sommes une association à laquelle tous les parents doivent adhérer et participer. Pour cela, nous avons chacun un rôle que nous accomplissons sur notre temps libre.
En tant que présidente, par exemple, j'ai à la fois le rôle de coordination entre les parents, l'équipe pédagogique et le conseil d'administration et à la fois des tâches en tant que membre de l'association. La clé d'un bon fonctionnement est la communication. Nous organisons tous les premiers lundis de chaque mois une réunion entre les membres du conseil d'administration et l'équipe pédagogique. Nous nous réunissons également toutes les dix semaines avec tous les parents pour discuter des projets en cours et à venir ainsi que pour régler les problèmes qui peuvent se présenter. Les tâches à couvrir, nécessaires pour le bon fonctionnement du jardin d'enfant,sont réparties tous les ans.
En quoi consistent ces tâches ?
Cela peut aller de la participation au conseil d'administration jusqu'au plus simple rôle de laver les torchons, faire les courses, acheter des livres... Pour Loupiot, nous avons fait le choix de faire appel à un traiteur mais dans certains jardins d'enfants, ce sont les parents qui à tour de rôle font la cuisine.
Est-ce la grande différence avec une Kita classique ?
Oui mais il y aussi d'autres côtés plus gratifiants lorsque l'on fait partie d'un jardin d'enfant en Elterninitiativ. Même si cela représente un travail énorme , nous avons, en tant que parents, la possibilité de nous impliquer dans l'éducation de nos enfants et je trouve cela génial. J'ai, par exemple, pu organiser le premier voyage scolaire, ce que je n'aurais pas pu faire dans un jardin d'enfant classique. Avec l'équipe pédagogique, nous discutons souvent de la mise en place de nouvelles activités, nous pouvons faire des suggestions et avoir un droit de regard également sur la nourriture.
Quel est le coût d'une inscription dans un jardin d'enfant privé ?
Pour Loupiot, nous recevons, comme tous les autres Kindergarten, un financement du Sénat mais au même titre qu'une école privée, chaque parent doit verser 65 euros par mois et par enfant à l'association. Cet argent sert aux sorties, l'achat de livres, l'organisation d'activités etc...
Comment s'organise un système éducatif en double langue ?
Nous recrutons nous même les éducateurs, qui sont payés en partie par le Sénat et en partie par l'association. Nous avons quatre éducateurs, deux francophones et deux germanophones. Chacun parle aux enfants dans sa langue maternelle et entre éducateurs, c'est l'allemand qui est privilégié. Nous avons également des familles uniquement germanophones, qui souhaitent que leurs enfants apprennent le français. Certains sont complètement perdus alors que d'autres s'adaptent et apprennent très facilement le français, parfois même mieux que des enfants nés dans une famille bilingue mais en règle générale, nous privilégions les familles multilingues
Justement, comme se passe le recrutement des familles ?
Nous avons plusieurs critères. Nous sélectionnons les familles en partie par cooptation et en partie sur liste d'attente. Les familles qui sont inscrites depuis le plus longtemps ont la priorité et ensuite cela dépend du nombre de places disponibles. Comme nous ne souhaitons pas séparer les frères et s?urs, nous privilégions les familles qui ont déjà un enfant à Loupiot. Pour le recrutement, nous prêtons très attention à la motivation des parents puisqu'être dans un jardin d'enfant comme le nôtre demande une grande implication. L'âge de l'enfant et son niveau d'autonomie sont aussi des points importants. Ensuite ce sont des questions d'environnement familial, si l'enfant est né au sein d'une famille multilingue, d'équilibre des âges et des sexes qui entrent en jeu.
Pascale Moyse et son deuxième flis de 2 ans, Noam
Que pensez-vous du problème de places dans les Kindergarten en Allemagne ?
Pour nos deux enfants, nous n'avons jamais eu de problème à trouver une place en crèche. Après je pense, en effet, que cela peut être très compliqué si on cherche uniquement dans une kita franco-allemande. Par exemple, à Loupiot,il faut compter un temps d'attente de un à deux ans. A la rentrée prochaine, nous disposerons de quatre places disponibles pour une liste d'attente de quatre-vingt familles. Il y a donc une forte disproportion entre l'offre et la demande. Mais selon moi, le réel problème se situe plus au niveau du nombre de places dans les écoles primaires européennes, qui permettent à nos enfants de poursuivre une formation scolaire bilingue. Par exemple, la Regenbogenschule de Neukölln n'offre que 26 places de disponibles pour 43 enfants qui ont réussi le test. Et ce problème est général à l'ensemble des écoles européennes de Berlin. Du coup, nous avons monté une pétition pour demander l'ouverture d'une nouvelle classe et permettre à nos enfants de continuer à évoluer dans un environnement multilingue. Je trouverais cela dommage que mes enfants parlent une langue sans savoir l'écrire ou encore connaître sa culture.
Si vous deviez comparer les écoles maternelles aux Kindergarten, quel système vous semble être le mieux ?
Mes enfants ne sont jamais allés à l'école maternelle, du coup je n'ai que le point de vue de mes amis en France. Et je dois avouer que je préfère de loin le système allemand, qui laisse beaucoup plus de libertés aux enfants. En Allemagne, l'apprentissage avant l'école primaire est basé sur le jeu et la découverte de ses propres limites, alors qu'en France, les enfants restent la plupart du temps assis et ont un encadrement beaucoup plus strict. Cela peut expliquer que les enfants éduqués en Allemagne ont un plus grand sens de l'autonomie. J'ai eu l'occasion de vivre dans six pays différents et en général, je trouve que le système allemand est le meilleur dans beaucoup de domaines.
Propos recueillis par Anaïs Gontier (www.lepetitjournal.com/Berlin) mercredi 6 mars 2013
Savoir plus :
Pétition pour l'ouverture d'une deuxième première classe européenne à la Regenbogenschule
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