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PARIS 13 NOVEMBRE - Laurence, une française expat évoque son « maudit syndrome de culpabilité »

Écrit par Lepetitjournal Montreal
Publié le 23 novembre 2015, mis à jour le 30 novembre 2015

 

J'avais prévu d'écrire un billet léger, marrant et « frais » sur mes aventures au Canada en hiver? mais les tristes événements de ce vendredi 13 novembre 2015 m'en ont empêchée : trop de colère, trop de tristesse et un énorme sentiment de culpabilité.

Je ne suis pas terroriste, je ne veux que la Paix, j'aime la vie, j'aime les gens (sauf les méchants), et pourtant JE ME SENS COUPABLE? Et c'est en me demandant « POURQUOI ? », et si j'étais la seule à ressentir cela, que j'ai réalisé qu'il existe un syndrome de culpabilité chez toute personne vivant à l'étranger.

J'ai essayé de récapituler ci-dessous les situations où on est confronté à cette sensation de culpabilité, ainsi que les « parades » pour y remédier, à savoir :

Te sentir coupable de ne pas pouvoir RENDRE HOMMAGE en personne

C'est l'une de mes principales frustrations : depuis que j'ai quitté la France, j'ai perdu une grand-mère, une tante, un ancien voisin, ? et il y a aussi la famille de mes proches et des « inconnus » auxquels j'aurais voulu rendre hommage, tels que ces 120 personnes qui ont perdu la vie au nom de cet horrible, monstrueux, inhumain fanatisme.

Quel sentiment d'impuissance, de ne pas pouvoir honorer « physiquement » un proche (ou à sa famille), lorsqu'il décède : se recueillir sur sa tombe, y déposer des fleurs, un message, une bougie, ?

Le pire de cette situation est que la cause de cette absence est souvent matérielle : ne pas pouvoir rentrer « chez soi » faute de pouvoir poser de jours de congé, payer un billet d'avion, rater la réunion nationale dont on est l'animateur, laisser vos enfants (ou les amener)?


Suite à ce 13 novembre qui restera à jamais gravé dans ma mémoire, j'ai néanmoins découvert de magnifiques preuves d'hommage « à distance » : rassemblement de Français devant leur Ambassade, bougies aux fenêtres, envoi de fleurs, messages d'amour, de paix et de solidarité sur les réseaux sociaux. L'un m'a particulièrement émue et je voulais le partager avec vous tous, en espérant que je contribuerai ainsi à l'hommage de Cédric Mauduit (que je ne connais absolument pas) :

« Bonjour les amis !

Comme vous le savez, mon frère, Cedric Mauduit est mort au Bataclan vendredi soir, laissant une femme et 2 enfants (Antoine 7 ans, et Appoline 3,5 ans).

À cause de ma tristesse et de ma colère infinies, je n'ai pas pu dormir la nuit dernière (dans la nuit de samedi à dimanche, ndlr) et j'ai beaucoup réfléchi. Je voulais trouver quelque chose qu'il apprécierait par dessus tout? Et j'ai trouvé !

Voilà le plan : il est le plus grand fan des Rolling Stones et de David Bowie que j'aie jamais connu. Le projet est de trouver un moyen de les inviter pour son enterrement. Alors s'il vous plaît, partagez ce message autant que vous le pouvez pour que ce projet fonctionne ! Ça a l'air un peu fou, mais c'est le moins que je puisse faire pour mon frère bien-aimé. Et puis, c'est une façon de dire merde à la terreur et ?rock'n'roll' !

Je sais que ce projet a peu de chances de se réaliser, mais je me dois d'essayer en sa mémoire ! »
Matthieu Mauduit

Quelle merveilleuse façon de rendre hommage à son frère, n'est-ce pas ? Alors partagez vous aussi...

 

Te sentir coupable de NE PAS ÊTRE PRÉSENT

Nous avons tous des personnes âgées, malades, handicapées, immobilisées, dépendantes physiquement ? parmi nos proches. Ces personnes ont besoin d'une présence et d'une aide physique pour manger, marcher, sortir, communiquer, ? VIVRE.

Et résider loin de ces personnes exacerbe notre sentiment d'impuissance : incapables de les aider dans leur quotidien, de les soulager, de les accompagner, de les aider, ? on se sent égoïste (et on l'est).

Personnellement, je suis de près la recherche sur la télé-portation depuis mon expatriation. À quand le claquement de pouce et le déplacement instantané à des milliers de kilomètres ?!? #MonRêve

Pour « compenser » cette absence physique, quelles sont vos « parades » ? Étant consciente que je ne serai plus de ce monde à l'ère de la télé-portation, la mienne consiste à manifester ma présence DÈS que je pense à la personne qui a besoin de moi.

N'étant pas très « téléphone », je m'applique à envoyer un message sur Facebook ou via Whatsapp dès que je pense à cette personne, à la Skyper. Et aux personnes qui n'ont pas d'ordinateur ou qui n'aiment pas ces technologies , j'envoie par la poste une carte postale,  une lettre, des photos, le top du top étant le calendrier avec les photos de famille : il fait fureur.

Ce type de « courrier » est devenu tellement rare qu'il trône généralement dans le salon, sur le frigo, dans le porte-feuille ou, reconnaissance ultime, dans les toilettes (#LieuSacré) de la personne en question qui l'arbore fièrement.

Ces témoignages du quotidien contribuent à rendre notre présence affective, à défaut d'être physique. Et cela permet de rappeler à nos proches que le proverbe « Loin des yeux, loin du coeur » est ARCHI-FAUX.

 

Te sentir coupable d'ÊTRE LOIN

Apprendre via Facebook ou lors de vacances « chez toi » que l'une de tes très bonnes amies était enceinte? et qu'elle vient d'accoucher, qu'une autre de tes amies est sous anti-dépresseurs, que ton cousin est devenu alcoolique, que tes meilleurs amis divorcent, que ton neveu va chez le psy? alors que tu pensais que tout allait bien pour eux : quelle claque !

Ta première réaction est de te sentir offusqué, trahi, oublié, négligé et d'en vouloir à ces personnes de ne pas t'en avoir parlé, ni d'avoir partagé leurs peines et leurs souffrances. Une fois ce sentiment d'injustice passé, tu te rends compte que tu ne peux t'en prendre qu' à toi-même, que c'est toi LE responsable de cet éloignement, physique et affectif.

Je ne sais pas pourquoi, mais les gens ont une fâcheuse tendance à se dire que lorsqu'on vit « loin », on n'a pas envie/besoin d'entendre de mauvaises nouvelles. C'est un état de fait : lorsqu'ils te parlent, tu as l'impression que tout va bien pour eux. Ils ne veulent pas te parler de ce qui ne va pas, ils pensent toujours que tu es pressé, et ils ne t'appellent QUE pour partager les bonnes nouvelles (bon, la grossesse de mon amie en était une, mais elle a oublié de me l'annoncer, et lorsqu'elle s'en est aperçue, vers le 7ème mois, elle n'a pas osé me le dire car elle avait honte de m'avoir « oubliée »?).

Pourtant, avec les moyens technologiques actuels (téléphone, ordinateur, etc), nous avons, nous, expatriés, moyen d'être proches « virtuellement ». Consoler, soutenir, épauler, rassurer, c'est possible à distance.

Voilà ce que j'ai trouvé comme moyen de faire parler mes amis ET de savoir si tout va VRAIMENT bien pour eux. À leur question traditionnelle « Ça va ? », je réponds en une phrase sur mon état d'esprit actuel, et j'enchaîne rapidement avec un : « Et toi, quoi de neuf ? ». La réponse étant très souvent : « Tout va bien », « Comme d'hab' », « Rien d'extraordinaire », etc, je poursuis mine de rien avec une question ciblée (sur un sujet sensible pour cette personne) et ouverte, telle que : « À part ça,  Johnny et toi, comment ça va ? », « La santé de ton père, ça va mieux ? », « Ça se passe comment avec les enfants (ou le travail ou le coloc ou la belle-mère ou la belle-soeur) ? ».

Et là, souvent le moulin à parole s'enclenche et te déballe tout. À croire que cette personne n'attendait que ton feu vert pour te faire part de ses angoisses, frustrations, problèmes, ?

Conclusion :  c'est àTOI de ne pas laisser le feu au rouge et d'éviter les échanges de banalités, à la Dany Boon (« je vais bien, tout va bien »), si tu veux que ton interlocuteur se confie et te parle sincèrement, sans détour ni façade.

 

J'ai écrit ce billet « à chaud » et j'ai sûrement omis d'autres situations? et je suis peut-être même complètement à côté de la plaque : serais-je la seule à avoir ce fichu syndrome de culpabilité ?

 

A lire, Te sentir coupable d'ÊTRE PARENT à l'étranger  jeudi 26 novembre

 

Laurence Comet pour (Lepetitjournal.com/Montréal) Mardi 24 novembre 2015

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Publié le 23 novembre 2015, mis à jour le 30 novembre 2015

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