Depuis plus de de vingt-cinq ans, Antoine Saint Michel anime l'émission Top France à la radio mexicaine. Désormais sous forme de podcasts, l'émission francophone connaît un gros succès au Mexique.
Quel est votre rapport avec le Mexique ? Pourquoi avoir choisi de vous y installer ?
Je travaillais au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et j'ai entendu parler d'un poste d'attaché audiovisuel à l'ambassade de France au Mexique. J'avais besoin de prendre l'air, d'aller vers d'autres horizons. Le Ministère des Affaires Étrangères a accepté ma candidature et je suis donc arrivé à Mexico en octobre 1990. Je ne parlais pas vraiment espagnol, j'avais pris quelques cours rapidement avant de partir mais je me suis tout de suite immergé dans la culture mexicaine. Je suis resté en poste à l'ambassade jusqu'en 1995.
Au terme de ma mission, j’hésitais : une semaine je voulais rester ici et tenter l’aventure, une semaine je voulais rentrer en France pour conserver mes avantages sociaux... Et puis je me suis décidé, un jour où il faisait beau, les jacarandas étaient en fleurs, tout le monde était aimable et j'ai décidé de rester.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours et la naissance de votre émission de musique française à la radio mexicaine ?
La radio faisait déjà partie du panorama de mes fonctions à l'ambassade, en plus du cinéma et de la télévision.
Quand j’ai proposé le projet d’émission Top France aux différentes stations de radio, il n’était pas prévu que j’en sois l’animateur. Tout le monde m'a dit non. J’avais un dernier rendez-vous avec le directeur de Rock 101(radio culte du paysage radiophonique de Mexico), qui m'a dit qu'il voulait que j'anime l'émission, avec mon accent français. J'ai accepté mais à la condition que l'émission soit enregistrée. Et puis un jour ils m'ont piégé en me disant qu'on ne pouvait pas enregistrer, et j'étais en direct. J'avais la trouille de ma vie (rires).
La première émission a eu lieu en septembre 1994, peu à peu elle a commencé à avoir du succès. Rock 101 a ensuite disparu et je suis allé chez Stereo Cien. Là le programme est devenu quotidien et a pris de plus en plus d'importance.
Ensuite il y a eu deux ou trois années de blanc, j'avais lancé le programme sur Internet mais il n'y avait pas du tout le développement qu'il y a aujourd'hui.
Puis on a redémarré le programme à l'IMER (Instituto Mexicano de la Radio) sur Horizonte, avec l'appui de l'Alliance Française, qui s'est arrêté l'an dernier.
Depuis la semaine dernière j'ai repris les podcasts à la maison avec l'aide d'un ami producteur (depuis Rock 101) qui a un studio pour réaliser l'émission. J'ai tardé un peu car je voulais que la qualité soit la meilleure.
Quel accueil vous a réservé le public mexicain ? Selon vous que pensent-ils de la musique et de la culture française ?
L'émission a été diffusée sur plusieurs radios avec des profils différents. La première (Rock 101) était orientée vers le rock, la deuxième (Stereo Cien) plutôt vers la pop et la dernière (Horizonte) était spécialisée en jazz. J'ai donc adapté le contenu de l'émission, mais j'avais une marge de manœuvre relativement grande. C'est sur Stereo Cien que j'ai dû me conformer le plus au format de la radio. C'est une radio commerciale avec des spots publicitaires très réguliers. Et la plus grande liberté que j'ai eu c'était sur la radio publique, sur Horizonte. Il y avait des annonces institutionnelles, mais rien à voir avec une radio commerciale.
L'accueil du public mexicain a été génial, des gens qui se sont approchés de la culture française grâce à l'émission, d'autres qui ont perfectionné leur français... Beaucoup me demandent encore des conseils pour aller en France, pour les études, etc. Un peu comme si j’étais une mini ambassade à leur portée.
Avec le lancement des podcasts la semaine dernière j'ai eu énormément de retours sur Facebook et Twitter avec des témoignages qui font chaud au cœur.
Quand j’ai débuté l’émission en 94, tout le monde voulait écouter Nana Mouskouri, Charles Aznavour, Mireille Mathieu, mais ça a nettement évolué ! Depuis internet, l'accès aux artistes est beaucoup plus facile et l'écoute se fait de plus en plus par mobile. Désormais, si je ne passe pas la nouveauté d'un artiste, ils m’engueulent (rires) !
En France il y a radio Latina mais ce n'est pas un programme mexicain à proprement parler. Peut-être qu'un équivalent serait possible aujourd'hui. Les mexicains voyagent plus, il y a de plus en plus d'événements mexicains en France... Alors peut-être pas sur la musique, mais sur la culture (exposition Mexicraneos à la Villette), la cuisine (festival Qué gusto à Paris), le cinéma (festival Viva Mexico) ...
Quel est votre sentiment dans cette période si spéciale sur le rôle de la musique et de la culture en général ?
Ah oui la culture est essentielle ! Les gens sont beaucoup plus addicts à leur écran. Au Mexique tout le monde n'a pas la possibilité d'être confiné chez soi, mais ils ont tous un portable. Cela a contribué au développement de la diffusion de la musique via internet.
On ne peut pas accéder aux musées, aux théâtres, aux cinémas, … Il n'y a plus de rencontres possibles... Heureusement il existe de nombreuses initiatives mondiales pour s'accorder à la période. Les chanteurs font des « lives », les festivals de films continuent en ligne (My French Film Festival), les musées des visites virtuelles, ... La communication en ligne a pris un essor considérable, ce qui m’a poussé aussi à lancer mon podcast hebdomadaire.
Selon vous, quels-sont les trois artistes français qu'un Mexicain devrait connaître ? Et à l'inverse quels-sont le trois artistes mexicains qu'un Français devrait connaître ?
C'est un choix particulièrement difficile parce que j'ai des dizaines de noms en tête, mais pour me prêter au jeu j'en ai choisi 3 que je considère représentatifs.
Artistes français :
Zaz : C'est l'ambassadrice actuelle de la chanson française selon moi. Elle est venue en concert au Mexique et les mexicains connaissaient les paroles par cœur, c'était très impressionnant. J'ai une affection particulière pour elle car j'ai été un des rares à pouvoir l'interviewer avant un concert à Montréal et elle a été très accessible, ce qui n'est pas le cas de tous les artistes.
Pierre Lapointe : Il est québécois et représente bien toute la richesse et le dynamisme de la chanson francophone "made in Québec". Je suis fier d'avoir été un des premiers à le diffuser bien avant les radios françaises. Je l'avais vu en concert au Canada et j'ai été épaté.
Niuver : C'est une chanteuse franco-cubaine qui a beaucoup de talent et deux albums à son actif. C'est elle qui m'a contacté et elle a donné un concert à l'Alliance française. Elle représente bien le dialogue entre cultures que je promeus depuis 25 ans dans mon émission.
Artistes mexicains :
Chavela Vargas : Bien qu'elle ne soit pas née au Mexique, elle est une des plus grandes interprètes de la « canción ranchera ». Et puis surtout j'adore ce qu'elle a répondu quand on l'a questionnée sur sa « Mexicanidad » : « Los Mexicanos nacemos donde nos da la rechingada gana ».
Moenia : C'est un groupe mexicain qui rappelle le son d'autres groupes comme OMD ou Depeche Mode.
Ximena Sariñana : Elle est chanteuse mais aussi actrice.
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