Les dirigeants d'Asie-Pacifique se retrouvaient dimanche à Port Moresby pour le dernier jour d'un sommet annuel marqué par une passe d'armes incisive entre la Chine et les Etats-Unis, sur fond de lutte d'influence dans la région. Par Richard CARTER, Jacques CLEMENT
Pékin et Washington sont enferrés dans un conflit commercial potentiellement dévastateur pour l'économie mondiale. Et ils ont fait étalage samedi de leurs divergences notamment sur le protectionnisme, au travers de discours du président chinois Xi Jinping et du vice-président américain Mike Pence avant l'ouverture du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique
(Apec).
Il s'agit dimanche pour les 21 nations membres, qui pèsent ensemble 60% du PIB mondial, de se mettre d'accord sur un communiqué commun qui sera probablement très éloigné du ton des allocutions de la veille.
A la tribune d'un forum de chefs d'entreprise, M. Pence avait notamment appelé les pays de la zone à ne pas céder aux sirènes d'une diplomatie du chéquier chinoise "au mieux opaque".
"Nous ne noyons pas nos partenaires dans une mer de dettes", s'est-il emporté. "Nous ne contraignons pas, nous ne corrompons pas, nous ne compromettons pas votre indépendance."
Quelques minutes plus tôt, le président chinois, vedette incontestée du sommet en l'absence de Donald Trump et de Vladimir Poutine, avait défendu le titanesque programme d'investissements eurasiatiques dit des "Routes de la soie" promu par son pays, en expliquant qu'il ne s'agissait "pas d'un piège comme l'ont présenté certains".
Washington, et Pékin dans la foulée, ont imposé ces derniers mois des droits de douane punitifs à leurs importations mutuelles, mais l'excédent commercial chinois n'a fait que continuer à battre des records.
"Contrainte"
Le leader chinois s'est fait le héraut du multilatéralisme en appelant à dire "+non+ au protectionnisme et à l'unilatéralisme", dans une attaque frontale de la politique américaine.
Combatif, M. Pence a riposté que Washington ne céderait rien sur sa stratégie douanière "tant que la Chine n'aura pas changé son attitude".
En dépit de ces discours musclés, le sommet en lui-même s'est ouvert samedi sans accroc, et les dirigeants ont posé en fin de journée pour la traditionnelle photo de famille, vêtus cette année de chemises jaunes ou rouges à motifs. MM. Xi et Pence ont même eu un bref tête-à-tête lors du dîner de gala qui a suivi.
En coulisses, certaines voix s'inquiètent cependant des répercussions que pourrait avoir sur les économies de l'Apec la rivalité sino-américaine grandissante.
"Les dirigeants d'entreprises ne veulent pas le dire publiquement, mais ils en parlent dans les dîners et se demandent bien comment on en est arrivé là", a déclaré à l'AFP le milliardaire irlandais Denis O'Brien, président de Digicel.
"C'est une situation contrainte, un pays qui essaie d'obliger tous les autres pays à changer des droits de douane décidés il y a des années."
Le programme officiel du sommet porte sur les questions d'intégration économique dans la région et d'amélioration des infrastructures numériques.
Mais il a aussi été éclipsé par le simple fait que le sommet se tienne pour la première fois dans une ville à la réputation de coupe-gorge, ce qui a impliqué le déploiement d'un important dispositif de sécurité, en partie délégué à des armées étrangères.