Port Moresby a bénéficié d'un impressionnant lifting pour pouvoir accueillir à partir de samedi les dirigeants de l'Apec. Mais nombre de ses habitants restent à convaincre du bienfondé d'un tel sommet et de ses retombées concrètes. Par Ayee Macaraig
A Holola, une banlieue de la capitale, certains ne cachent pas leur ignorance quant aux enjeux de ce rendez-vous annuel de la Coopération économique Asie-Pacifique. Pas plus que leur scepticisme quant à ce qui restera, pour eux, de ce grand raout, une fois partis les dirigeants des 21 Nations membres.
"On va devenir riches avec l'Apec? Aussi riches que les autres pays?", s'interroge Hariette Jack, 68 ans. "Il y a de la route à faire."
Aidée dans les grandes largeurs par la Chine, la Papouasie s'est dotée de nouveaux centres de convention, de quatre voies toutes neuves et d'une nouvelle promenade sur le front de mer. Elle a aussi fait scandale en achetant 40 Maserati en vue du sommet organisé ce weekend.
Des dépenses qui posent la question des priorités, au moment où le pays de huit millions d'habitants fait face à une résurgence de la polio et peine à payer ses enseignants.
"Un gros risque"
"Accueillir ce sommet, c'est prendre un gros risque", explique à l'AFP Jonathan Pryke, de l'Institut Lowy, un think tank australien. "Il a poussé le pays jusqu'à la limite, tant au niveau des capacités de ses fonctionnaires qu'en termes de coûts."
Cette année, l'Apec se penche sur les technologies numériques, un comble dans un pays où le taux de pénétration de l'internet est largement inférieur à la moyenne mondiale.
Le gouvernement a décrété une journée de vacances scolaires en amont du sommet, vendredi. Mais à Holola, nombre d'habitants n'ont de toutes façons pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école.
"Nous savons que des personnes importantes vont arriver, comme des présidents et des Premiers ministres. Alors on espère quand même que cela entraînera pour nous une amélioration", confie à l'AFP Freddie Mupa, un enseignant.
"C'est fou parce que ça fait quand même beaucoup d'argent dépensé."
Minibus cabossés
Pour faciliter les trajets entre les différents lieux du sommet, les participants et les journalistes peuvent compter sur les rotations régulières de bus tellement neufs que leurs sièges sont encore protégés par du papier bulle. Les habitants de Port Moresby doivent, eux, s'en remettre à des minibus cabossés.
Pourtant, certains sont enthousiastes quant à l'impact d'un coup de projecteur que n'avait jamais connu le pays.
"Cela arrive une fois dans la vie, alors nous sommes très reconnaissants que cet événement se tienne chez nous", assure à l'AFP Jesset Gilimusi, un enseignant.
"Nous avons beaucoup de problèmes, mais il faut les mettre de côté quand on a la chance de vivre."
Une attitude dans la veine de celle du Premier ministre Peter O'Neill, qui a exhorté les habitants comme les visiteurs à "oublier les Maserati et à profiter du pays."
Le chef du gouvernement ne cesse d'affirmer qu'un tel événement ne peut que bénéficier au pays tout entier.
Vendredi, M. O'Neill accueille son plus éminent visiteur, le président chinois Xi Jinping. Si l'aide financière de Pékin a été capitale, elle ne manque cependant pas d'inquiéter certains habitants de la capitale.
"Je crois qu'elle va être un poids pour nous. Si c'est un cadeau désintéressé, ça va. Mais si nous devons rembourser, ça va faire beaucoup", redoute Otto James, un ingénieur.
Il sera probablement question lors du sommet de la guerre douanière entre Washington et Pékin et des échanges commerciaux entre les Nations du Pacifique. Autant de sujets que les habitants estiment bien loin de leur quotidien.