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Rencontre avec l’équipe des "Crevettes pailletées"

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© Lucie Etchebers-Sola
Écrit par Lucie Etchebers-Sola
Publié le 11 octobre 2019, mis à jour le 11 octobre 2019

Les réalisateurs Maxime Govare et Cédric Le Gallo accompagnés du comédien Nicolas Gob présentent « Les Crevettes Pailletées » à la Festa do Cinema Francês. Une comédie haute en couleurs qui nous entraîne sur les pas d’une équipe de water-polo plus gaie que gay.
 
Tout a commencé dans un bassin, dans la vraie vie, il y a huit ans. Cédric Le Gallo intègre sans grande conviction une équipe de water-polo gay – les véritables et désormais célèbres « crevettes pailletées » – qui deviendront dans la piscine comme dans la vie, son meilleur cocktail detox. Après quelques années inspirantes à leurs côtés, une ébauche de scénario voit le jour et Cédric trouve très rapidement des producteurs emballés par l’idée d’une adaptation au cinéma. Il trouve aussi sur sa route Maxime Govare -qui a déjà quelques films au compteur, notamment « Toute première fois » (2014) et « Daddy Cool » (2017)- et avec qui le courant passe tout de suite. Le film a remporté en janvier dernier le Prix Spécial du Jury au Festival International du Film de Comédie de l´Alpe d’Huez, mais surtout l’attention du grand public qui s’est pressé dans les salles françaises (presque 500 000 entrées au box office) curieux de voir cette bande de copains barboter en slip entre deux buts. Difficile de ne pas penser au « Grand Bain » de Gilles Lellouche qui nous plongeait il y a tout juste un an dans le délire d’une troupe amateur de natation synchronisée masculine. On reste au fond de la piscine avec « Les Crevettes Pailletées » l’histoire du parcours initiatique de Mathias Le Goff, vice-champion du monde de natation, incarné à l’écran par le sympathique et taciturne comédien belge Nicolas Gob. Après des propos homophobes, Mathias est condamné à entraîner cette équipe de branquignols davantage portée sur la fête que la compétition. L’aventure les mènera jusqu’aux Gay Games, le plus grand rassemblement sportif homosexuel du monde. Après l´engouement qu’elles ont suscité en France, les crevettes partent enfin à la conquête du public portugais. Le film sera projeté à Almada le 12 Octobre et à Portimão le 6 Novembre. En attendant, Lepetitjournal a rencontré les deux réalisateurs et leur comédien, aussi charmants et drôles que leur film.
 

Lepetitjournal : Comment l’idée de faire ce film ensemble est-elle venue ?
Maxime Govare :
Moi ce sont des producteurs qui m’ont présenté Cédric
Cédric Le Gallo : Et c’est moi qui suis allé voir les producteurs ! Je fais vraiment parti de cette équipe de waterpolo depuis 8 ans et j’avais commencé à écrire un script d’une dizaine de pages en m’inspirant de cette équipe. Les premiers producteurs à qui j’ai fait lire mon scénario ont tout de suite voulu faire le film et ils m’ont présenté Maxime. On s’est tout de suite bien entendu et surtout je crois qu’on avait envie de faire le même film. Moi j’avais envie de faire une comédie à l’anglaise, avec un mélange, de rire et de drames. Un film drôle et outrancier pour traiter de sujets graves avec des personnages très haut en couleur comme le sont mes coéquipiers dans la vraie vie. Et le sujet s’y prêtait bien, parce que cette équipe s’y prête tout simplement.
 

Comment s´est déroulé le tournage ?
MG : C’était bien et dur, à la fois,  sur plein d’aspects. Nous avions très peu de budget. Les comédiens devaient faire du waterpolo sans doublure et c’est vraiment épuisant. Il y avait quasiment 10 comédiens à gérer en permanence sur le set. Le road trip a été difficile à filmer parce qu’on a vraiment rouler dans ce bus qui traverse l’Europe. Bref, chaque journée était un challenge.
 

C’est un film qui parle de sexualité sur un ton, en apparence, léger aussi de sujets assez sérieux comme l’intolérance, la maladie et évidemment l’homophobie. Est-ce possible d’aborder ce sujet sans être politique ?
MG : Non ce n’est pas possible de faire un film sur l’homophobie sans être politique. L’envie était d’être politique, parce que ce sont des sujets qui posent des débats de société. Le vrai choix qu’on a fait c’est de traiter ce sujet en évitant le registre dramatique comme c’est beaucoup le cas au cinéma. On avait envie de tester le périmètre sur lequel on pouvait s’exprimer, en utilisant l’humour gay très exubérant que les hétéro adorent, par ailleurs.
 
CLG :
Les journalistes nous demandent souvent si le film est « militant ». Il ne l’est peut-être pas comme certains drames peuvent l’être, mais il est teinté de ce « militantisme soft » qu’on amène en utilisant l’humour gay très exubérant que les hétéros adorent par ailleurs, et qui nous a permis de nous adresser au plus grand nombre. Nous avons dû trouver un équilibre pour que la communauté gay ne se sente pas trahie, sans s’enfermer dans de l’humour gay que peu de gens aurait compris. On ne voulait pas être donneur de leçon, mais tout de même transmettre un message fort de tolérance et d’amour qui va au-delà des problématiques gay. Assumer qui on est, est une problématique universelle dans laquelle tout le monde se retrouve.
 
MG : Nous ne voulions surtout pas nous adresser aux plus convaincus, ceux qui pensent qu’être gay c’est formidable. Moi je suis hétéro, Cédric est gay,  nous avons écrit le film de façon à ce que lui ou moi ne nous sentions jamais exclu ou trahis. C’est ça qui a rendu possible le fait de s’adresser au plus grand nombre, et c’est là que le personnage de Nicolas est très important. Ce n’est pas un personnage foncièrement homophobe mais plutôt extrêmement maladroit. Il a été notre ticket d’entrée pour les spectateurs qui ne sont pas issus de la communauté LGBT, il est leurs yeux et leurs réactions en permanence. Sans lui, cela aurait été un film sur l’entre soi, un peu ghettoïsant à mon goût. Il façonne  le regard des spectateurs par rapport à cette équipe gay, c’est aussi pour cela que c’est le seul qui soit de face sur l’affiche du film…
 
CLG : Parce que les autres sont moins beaux aussi…
 

Vous êtes vous inspiré de vos équipiers pour imaginer les personnages ?
CLG : Nous sommes 40 dans mon équipe, pas 9 comme dans le film. Aucun personnage n’est un copié-collé d’une vraie crevette. Moi,  je m’identifie au personnage candide de Vincent à l´époque où  je suis arrivé dans l’équipe il y a presque dix ans, et que je ne connaissais rien à la communauté gay. Je m’identifie aussi à Fred, même si je ne suis pas dans une problématique de transition sexuelle, mais comme elle je fais partie de ceux qui sont à fond dans les costumes, les chorégraphies. D’ailleurs le waterpolo est le seul sport au Gay Games à faire un concours de chorégraphie qui s’appelle le « Pink Flamingo », présenté par une drag-queen en haut d’un plongeoir, comme dans le film.
 

Les Gay Games sont aussi déjantés que dans le film ?
MG : Je ne sais pas si vous savez mais il y a presque dix fois plus d’athlètes qu’aux Jeux Olympiques et ils sont gays ! C’est encore plus fou que dans le film !
 

Vous vous amusez avec des clichés sur l’homosexualité, savez-vous comment le film a été reçu par la communauté LGBT ?
CLG : A 90% très bien. Seule les médias qui prônait « l’entre soi » n’ont pas aimé le film, comme le magazine Têtu. Nous on voulait faire un film grand public et eux veulent être le journal de référence pour et dans la communauté gay. Donc, évidemment ils n’ont pas aimé…
Juste après le festival de l’Alpe d’Huez on a été invité dans un festival queer(1) qui s’appelle Ecrans Mixtes en se demandant à quelle sauce on allait être mangé puisqu’on est toujours plus durement jugé par les siens. En réalité,  la projection s’est terminée par une standing ovation d’un quart d’heure, c’était très émouvant. Beaucoup de gens nous on remercié d´avoir fait ce film, des jeunes gens m’ont dit « Merci je peux enfin montrer à mes parents à quoi ressemble ma vie ». C’est le plus beau compliment qu’on nous ait fait. Ce film a ouvert plein de portes, par exemple nous avons fait la Une du journal l’Équipe qui est l’un des journaux les plus lu en France et c’était une façon, enfin, de parler de sport et d’homophobie, qui est un énorme tabou dans ce milieu.
 
MG :
Cédric a guérit des lépreux aussi (Rire).
 

Nicolas, vous jouez Mathias Le Golff vice-champion du monde de natation condamné à coacher cette équipe de sport associatif qui ne partage pas vraiment son sens de la compétition. Quel regard portez-vous sur lui ?
NG :
Maintenant que tout ça est fait, je regrette. Nan je rigole… Je le trouve très touchant, ce parcours initiatique d’acceptation me plaît énormément. Maintenant, je peux vous dire que le texte n’a pas trahi le film et le film n’a pas trahi le texte. Il y a une vraie cohérence entre les deux, le film est presque mieux même. C’est un film très fédérateur. La fin parle d’elle-même…  Ce film à la vertu de questionner, de sortir les gens de leur confort de pensée, d’oublier les idées idiotes qu’ils ont entendues et intégrées.
 
MG : le personnage de Mathias n’apprend pas à ne plus être homophobe, c’est juste qu’il rencontre les crevettes qui préfèrent le plaisir à l’austérité, et il va réussir à s’inspirer de leur vision de la vie, et à mettre de la légèreté dans sa vie. L’idée c’était de faire le triangle de la légèreté sur la gravité.
 

Ce film pourrait-il guérir des spectateurs homophobes comme c’est le cas pour le personnage de Nicolas ?
CLG : Moi je pense que oui. Je pense qu’il y a des homophobes qui peuvent s’identifier à Mathias, le coach qui se moque des pédés. Sauf que le film ne se moque pas de cette équipe, mais plutôt rit avec elle. Je pense que ce film peut convaincre la masse du milieu, celle qui n’est pas vraiment homophobe mais qui est un peu intriguée et mal à l’aise en même temps. Cette masse pèse dans l’opinion de la société, c’est elle qui fait basculer l’opinion d’un coté ou de l’autre,  quand il y a des sondages par exemple.
 

Y-a-il des références cinématographiques qui vous ont inspiré pour ce film ? dans le cinéma français ?
CLG : « Pride » (2014) de Matthew Warchus un film anglais basé sur une histoire vraie, celle d’un groupe de gay londonien dans les années 1980 qui décide de récolter de l’argent pour soutenir une grève de mineur. Quand on a commencé à écrire le scénario des « Crevettes Pailletées », nos références étaient davantage anglo-saxonnes que françaises parce que le mélange des genres « humour, exubérance et gravité » existe surtout dans le cinéma anglais et très peu dans le cinéma français. En France on a très peur de l’exubérance, du ridicule, alors que les crevettes s’en amusent au contraire, cela les amuse d’être des archétypes d’elles même, de jouer avec les codes. Par exemple,  quand le film ait passé  en Angleterre personne ne nous a demandé si les crevettes étaient aussi exubérantes dans la réalité. Cela ne leur a pas traversé l’esprit, alors que c’est une question qu’on nous a beaucoup posée en France.
 
MG : La comédie française a souvent été « faisons du drôle avec du drôle ». On part d’un postulat drôle et on fait du drôle à l’intérieur. C’est comme les gens qui commencent leur blagues en disant : « J’ai une histoire hilarante, vous allez vous pisser dessus »… en général ça s’annonce mal ! Mais le cinéma français est en train de changer. Beaucoup de films qui ont été récompensés cette année avaient des problématiques sociales ou sociétales, comme « Les invisibles » (2019) de Louis-Julien Petit, qui partent au contraire d’un postulat grave mais qui en font quelque chose de drôle.
 
La Festa continue jusqu'au 13 octobre à Lisbonne au cinéma Ideal, à la Cinémathèque Portugaise et au cinéma São Jorge, et jusqu'au 8 novembre dans sept autres villes portugaises (Setubal, Almada, Coimbra, Porto, Leiria, Portimão et Beja). La Festa est organisée par l'Ambassade de France au Portugal, l'Institut Français du Portugal avec la collaboration du réseau des Alliances Françaises et en partenariat avec SERENA Productions, UniFrance Films et les salles de cinéma qui participent à l'événement.
 
Tous le programme et plus d’infos ici
 
(1) terme  utilisé pour désigner l'ensemble des minorités sexuelles et de genres

Publié le 11 octobre 2019, mis à jour le 11 octobre 2019

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