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Droits des femmes - "Ambassadeur d'un jour" à l'ambassade de France

 "Ambassadeur d'un jour" à l'ambassade de France "Ambassadeur d'un jour" à l'ambassade de France
Matilde Rodrigues, Joana Sales, Hermann Aschentrupp Toledo –ambassadeur du Mexique- Florence Mangin –ambassadrice de France- Vasco Medeiros
Écrit par Maria Sobral avec la collaboration de Sylvie Ferreira
Publié le 13 mars 2020, mis à jour le 13 mars 2020

 
A l’occasion de la journée des droits des femmes, le 8 mars, un concours a été lancé au Portugal par l’Association des femmes ambassadrices (AWA) pour inviter, des jeunes à passer une journée, le 10 mars,  avec une ambassadrice. L'ambassadrice de France au Portugal, Florence Mangin à l'origine de cette iniciative, a reçu Lepetitjournal à la fin de cette journée pour partager avec nos lecteurs cette expérience d'un jour.


 
L'ambassadrice de France avait invité l'ambassadeur du Mexique, Hermann Aschentrupp Toledo ainsi que Joana Sales de l´association União de Mulheres Alternativa e Resposta (UMAR) à être présents lors d une partie de cette  journée afin de partager également avec les deux jeunes selectionnés leur expérience. Matilde Rodrigues, 22 ans, étudiante en Master de Finances et Fiscalité à la Faculté d’ Economie de Porto et Vasco Medeiros, 18 ans étudiant en 1ère année en Faculté de Sciences à Lisbonne ont été sélectionné parmi plusieurs autres candidats pour participer à cette journée unique. L´interview s’est ainsi faite, en conjugaison, avec les divers interlocuteurs présents.
 

Madame l´ambassadrice qu’est ce qui vous a motivé à mener à bien cette initiative avec plusieurs ambassades ?


Florence Mangin : J’ai proposé cette initiative aux autres ambassadrices parce qu’il y a deux ans, une de mes collègues françaises, ambassadrice au Canada, a de manière individuelle eu cette initiative -d’inviter pendant une journée une ambassadrice ou un ambassadeur d’un jour- avec deux objectifs. Le premier est de donner l´oportunité à des jeunes de découvrir de l’intérieur, la vie diplomatique qui est mal connue de l’extérieur. Le deuxième est de permettre de voir comment la vie diplomatique est conduite par une femme.
 
Quand je suis arrivée ici, j’ai voulu reprendre cette initiative et j’ai proposé aux autres ambassadrices de l’association AWA(1), sur une base volontaire, d´y participer. Il y a eu ainsi une dizaine d’ambassadrices qui ont, ces jours-ci, reçu pour le temps d’une journée, un jeune ou une jeune afin qu´il l´accompagne dans son activité.
 
Aujourd’hui, lors de cette journée ensemble, nous avons profité de cette évocation des sujets liés aux droits des femmes pour avoir un contact avec mon collègue du Mexique car cette année, le Mexique et la France vont porter une grande initiative visant à rendre le plus effectif possible des orientations qui avaient été prises il y a 25 ans, lors de la conférence internationale sur les droits des femmes à Pékin.
 

Monsieur l´ambassadeur pouvez-vous nous parler de ce Forum Génération Égalité co-présidé par le Mexique et la France qui va avoir lieu les 7 et 8 juin au Mexique et du 7 au 10 juillet à Paris ?

Hermann Toledo : L’idée de la France et du Mexique est de donner un nouvel élan à tout un projet sur les droits des femmes qui date d´il y a 40 ans avec la conférence de Pékin des années 70. La déclaration de Pékin a été adoptée il y a 25 ans mais les gouvernements constatent aujourd´hui, au XXIème siècle, qu’il y a des freins dans l´évolution des droits des femmes. Nous avons déjà fait beaucoup mais il faut faire plus car nous avons encore aujourd’hui dans le monde entier, pas seulement dans quelques pays, un problème très sérieux, comme le féminicide. Mon pays, par exemple, a un problème social très important en ce qui concerne le féminicide, les violences contre les femmes et le trafic des femmes.
 
Il est temps d’essayer qu’une nouvelle génération de femmes, avec la participation de la société civile, puisse se rassembler au Mexique d’abord, puis deux mois après, à Paris pour examiner ce que nous pouvons faire pour progresser dans ce domaine des droits des femmes, de la lutte contre la discrimination et les violences faites aux femmes.
 
Au Mexique, la première semaine de mai, nous discuterons sur les coalitions d´actions, nous avons décidé qu’il y aura six actions thématiques à travailler pour obtenir des résultats. Dans ces six domaines, nous nous retrouverons au Mexique, avec les représentants des Assemblées, de la société civile, des autorités locales pour adopter des mesures concrètes. Deux mois après, à Paris, nous nous rencontrerons pour discuter ces mesures (2).
 

L’objectif sera d’arriver à mettre en place des mesures concrètes ?

H.T : Oui, l’objectif est aussi que la société civile joue un rôle plus important car nous avons vu que parfois les gouvernants ne sont pas toujours prêts à aller de l´avant. Nous avons vraiment besoin que la société civile joue un rôle primordial. Nous pouvons constater qu’il y a une nouvelle génération de jeunes femmes qui luttent pour leurs droits, qui peuvent aider également à faire évoluer la situation.
 
F.M : Je crois également qu’en France, nous avons été inspiré par la façon dont le pacte -l’accord de Paris sur le climat-, a été élaboré avec un « input » absolument déterminant des sociétés civiles internationales des différents pays. Cette idée de coalition d’actions reprend cette genèse avec l’idée vraiment de donner la parole à des associations, comme par exemple UMAR qui est aujourd´hui parmi nous, des représentants de la société civile qui forcent les Etats à aller de l’avant et promouvoir des actions concrètes. Il y a donc deux dimensions : des actions concrètes mais aussi une impulsion donnée par les sociétés civiles des différents Etats, en s’inspirant de ce qui a été fait pour l’accord de Paris en matière climatique.
 

Quel regard portez-vous sur l’initiative menée par l’ambassadrice de France – sur cette journée de sensibilisation auprès des jeunes ?

H.T : En tant qu’ambassadeur et père de trois filles, je suis entièrement d’accord avec cette initiative. Je suis père de trois filles et je souhaiterais qu’elles aient les mêmes opportunités que les hommes. (rires)

 

« Ambassadeur d´un jour » à l´ambassade de France au Portugal

Matilde  et Vasco ont été les heureux élus, vainqueurs de ce concours et ils ont passé la journée avec l´ambassadrice de France, Florence Mangin. Nous avons aussi recueilli à l´issue de cette journée leur ressenti:

Vasco, en tant qu’homme, pourquoi avez-vous souhaité prendre part à cette initiative ?

En raison de l’égalité des genres qui est pour moi, un véritablement  un enjeu fondamental, particulièrement dans la société portugaise parce que les mouvements féministes sont vus comme des mouvements extrémistes, et parfois vus comme une volonté des femmes de prendre le pouvoir. Ce à quoi je ne crois pas, je crois d´une part à la méritocratie et d´autre part au fait que les hommes et les femmes doivent travailler ensemble pour permettre l´égalité des droits des femmes, au niveau professionnel, travail et toutes catégories de droit confondues. Pour toutes ces raisons, et parce que j’y crois, je me suis porté candidat.
 

Grâce à cette expérience, votre vision a-t-elle changé ?

Elle s’est renforcée surtout sur les enjeux de la femme. Il y a une perception erronée dans la société portugaise de la part de la communauté masculine sur le féminisme et sur la lutte pour les droits des femmes. Il y a une telle détermination de la part des femmes, que cette lutte est pour moi, mal interprétée.
 
J’ai pu également prendre conscience du travail réalisé dans les ambassades. J’en avais déjà conscience mais parfois, les personnes pensent que dans une ambassade, rien ne s’y fait et qu’il s’agit juste de représenter un pays et de participer à des cocktails. C’est une erreur car le travail d’ambassadeur est un travail intense. Nous devrions tous avoir une vision complète du travail effectué car c’est un travail complexe qui implique plusieurs personnes, et un grand dynamisme dans la construction des projets comme celui de l'ambassadeur du Mexique et de la France.

 

Cette expérience a-t-elle nourri, en vous, le souhait de devenir ambassadeur ?

Mon parcours académique a été fait dans le domaine des sciences. J’ai constaté que c’est un domaine qui touche plusieurs domaines : l’économie, les points de vue sociaux… J´ai toujours eu un intérêt pour le social et je pense avoir atteint un point d’équilibre sur ce que je veux réellement faire. Je souhaite travailler dans le domaine politique et diplomatique afin de venir en aide aux personnes, d´améliorer leur condition de vie car il s’agit, d’après moi, du principal objectif d’un politicien ou diplomate, et en même temps l’application des sciences dans la vie sociale et économique me fascine. Il me semble que je pourrais être l’un des rares sinon le seul à me prédestiner à une carrière politique, tout en faisant des études dans le domaine scientifique, en tous les cas parmi mes collègues!

 

Matilde quant à vous pourquoi vous êtes vous portée candidate ?

Jusqu’à présent j´ai fait des études en économie et on peut penser que ce n´est pas une matière en lien avec la diplomatie mais je crois que tant au niveau entrepreneurial comme au niveau des politiques macroéconomiques que  la relation entre l´activité économique, la politique et les relations entre pays est très importante. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis inscrite à ce concours.

J’ai également vu cette initiative comme une préoccupation d’ouverture de l’ambassade à la société civile. J´ai été intéressée de voir que cette opportunité était proposée aux jeunes de 18 à 23 ans et qu’elle permet ainsi à des jeunes d’être en contact avec cet univers. De plus, pour moi du point de vu de l´Europe les ambassades n´avaient pas beaucoup de sens et j´ai voulu mieux comprendre leur rôle. De cette courte expérience j´ai pu vérifier que c’est un moyen de proximité et aussi  d’intégration européenne.

J’ai pu voir que la journée d’une ambassadrice n’est jamais identique, d’un jour à l’autre. Il existe une large étendue de tâches : politique, culturel, économique et social. De plus il existe une préoccupation de connaître ce qui se passe au Portugal et les actions menées par les associations portugaises, comme c´est le cas aujourd´hui avec UMAR, pour voir comment la France et l´ambassade peuvent apporter leur contribution aux divers projets.  Cette journée a donc été très enrichissante et m´a donnée une autre vision du métier d´ambassadeur, 


Cette expérience a-t-elle nourri, en vous, le souhait de devenir ambassadrice ?

Je ne sais pas. Cela peut être un défi mais cela me fait avoir une autre vision du monde sans aucun doute. J’aime toucher et essayer un maximum de domaines différents car cela me permet de voir le monde différemment. J´aurai sans nul doute maintenant une notion concrète de la diplomatie.
 

Comment avez-vous vécu le fait d’avoir passé la journée avec une femme ambassadrice ?

Effectivement, durant la journée nous avons beaucoup parlé de la thématique des droits de la femme. C’est bien d’avoir cet exemple de femme ayant un poste au plus haut niveau, cette initiative permet de sensibiliser les jeunes et également la communauté en leur montrant qu’il y a des opportunités.
 

Pour terminer Joana Sales de l´association UMAR fait un point sur le droit des femmes dans la société actuelle.
 

Quels sont les différents enjeux qui se posent concernant le rôle de la femme dans la société actuelle au Portugal ?

Joana Sales : Nous voyons que les femmes sont toujours confrontées à plusieurs enjeux, auxquels elles faisaient déjà face durant les décennies précédentes. Il y a l’enjeu des égalités salariales, un salaire égal, pour un travail égal, malgré le fait qu’il y ait eu quelques améliorations. L’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle pour laquelle les femmes continuent grandement désavantagées. La question de la violence de genre qui touche les femmes de manière incisive et mortelle. Au Portugal, il y a près de 30 à 40 féminicides par an donc, la violence sexiste tue. Tels sont les enjeux les plus importants qui touchent et concernent encore notre société et qui entravent l´égalité des femmes de façon plus évidente, même si la discrimination des femmes existe dans d´autres domaines.
 
Il y a également un enjeu autour de la justice et que nous devons amélioré car la justice, parfois, pénalise les victimes et plus particulièrement les femmes qui ont été victimes de violences domestiques ou sexuelles. Ces dernières années, nous avons constaté qu´il y avait des décisions surprenantes qui étaient prises de la part de certains magistrats, ce  qui confirment qu´il y a encore des choses à améliorer dans ce domaine.

 

Considérez-vous qu’il y a eu des améliorations ou des régressions sur la lutte pour les droits des femmes ?

Concernant la violence, il est difficile de porter un avis. Nous n’avons pas de données precises. Depuis 2004, nous avons un rapport publié tous les ans mais avant ce rapport, nous ne connaissions pas la réalité donc il est difficile de faire une comparaison avec les années précédentes. Il y a eu, malgré tout, des avancées en ce qui concerne l’accompagnement de ces femmes mais il y a encore beaucoup à faire.

 
Quels sont les défis auxquels doit faire face la femme portugaise ?

Les mêmes que dans le reste de l’Europe et du monde. Concernant l´inégalité salariale, par exemple, le Portugal se situe dans la moyenne. Tous les enjeux de violence de genre, de discrimination, les femmes qui sont licenciées lorsqu’elles sont enceintes. Au niveau des élites économiques et politiques l´égalité n´existe pas vraiment, les femmes ont plus de difficultés pour parvenir à obtenir  des postes de haut niveau. La parité au niveau politique a fait augmenter la proportion des femmes au Parlement autour des 40 % mais dans le domaine économique, la disproportion est plus importante.
 
Il faut changer les mentalités, au fond c’est ce sur quoi nous luttons pour qu´il existe une égalité de traitement entre hommes et femmes dans tous les domaines, par exemple dans le sport la discrimination est flagrante. Avec l’association nous tentons de combattre l´inégalité au travers d'actions préventives dans les écoles ou dans l’accompagnement des victimes. En ce qui concerne les victimes ce n’est pas seulement une aide et un soutien psychologique que l´on donne aux femmes mais on travaille aussi avec elles afin qu´elles parviennent à se reconstruire, avec courage.
 
 
(1) Association of Women Ambassadors
(2) Les résultats du Forum Génération Egalité seront présentés à l´Assemblée Générale des Nations Unies en septembre.

 

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