Édition internationale

PASCAL TEIXEIRA DA SILVA - "Venez au Portugal et vous serez émerveillé"

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 25 septembre 2013

Arrivé en septembre 2010 pour occuper le poste d´ambassadeur de France au Portugal, Pascal Teixeira da Silva, qui vient de partir après trois ans au service de la France a, à cette occasion, accordé une interview au Lepetitjournal.com
 
(Photo : M.J. Sobral)

Il a été le premier diplomate français d´origine portugaise à être nommé au poste d´ambassadeur au Portugal ; son père était portugais, arrivé en France à l´âge de 5 ans. Cet énarque qui a été décoré, entre autres, des insignes de grand officier de l'Ordre national du Mérite portugais par le Président de la République Anibal Cavaco Silva, le 10 septembre dernier, a ouvert avec enthousiasme pendant trois ans l´ambassade aux Français résidant dans le pays. Il a su tisser des liens étroits avec les milieux qui comptent dans le pays, toujours au service de la France.
Un diplomate passionné par la  cartographie, l´architecture et un excellent musicien qui en compagnie de son épouse a eu le souci de représenter au mieux la France tout en sachant rendre hommage à ses ancêtres portugais.

Lepetitjournal.com/Lisbonne : M. l´ambassadeur, voulez-vous nous parler de votre arrivée au Portugal en 2010 ?
Pascal Teixeira da Silva : D´abord en arrivant ici, je peux dire que j´avais un double avantage, je connaissais déjà bien le pays pour y être venu souvent et y avoir passé des vacances. L´autre avantage c´est d´avoir un père, des grands parents et des ancêtres originaires de ce pays et puis un troisième avantage était aussi d´en parler la langue. Mais venir de temps en temps dans un pays et puis y travailler pendant trois ans comme ambassadeur ce n´est pas la même chose, il y avait beaucoup de choses que je ne connaissais pas ou que je connaissais superficiellement.

Tout ce que j ai découvert de façon plus approfondie n´a fait que renforcer le grand attachement pour ne pas dire le grand amour que j´éprouve pour ce pays  et je pense qu´au-delà de mon cas personnel les Français qui viennent ici pour des vacances ou pour s´y installer ont des sentiments comparables et ceci est dû à un ensemble de facteurs : d´abord hospitalité des Portugais, leur générosité et à cela s´ajoute les paysages, le climat, la culture, l´art de vivre. Tout cela est extrêmement touchant et j´invite tous les Français à venir en nombre au Portugal, ils y seront extrêmement bien reçus et seront émerveillés par ce pays.

La crise est, cependant, bien présente et  les Portugais souffrent de problèmes économiques et de leurs conséquences au niveau social?
Le pays  traverse, en effet, une crise extrêmement difficile qui se traduit par des difficultés concrètes pour beaucoup de gens : 18% de taux de chômage, une pression fiscale qui s´aggrave, il y a une perte du pouvoir d´achat, une augmentation de la pauvreté et au-delà de ce que j´ai dit sur le charme du pays si on compare à ce qui se passe dans d´autres pays européens aussi en crise, au Portugal il y a une dignité, une capacité à faire face, à prendre sur soi qui force l´admiration. Ce n´ai pas du tout le signe que les choses seraient moins douloureuses ici, quand on connaît un peu la réalité des statistiques et la réalité humaine c´est très dur, mais il y a une forme de courage et de retenue propre sans doute au tempérament de ce peuple.
Il faut surmonter une crise qui est plus qu´une crise ; il ne s´agit pas de passer un mauvais moment pour retourner comme avant, c´est le passage d´un état à un autre.
 
C´est une transformation qui atteint en particulier l´Europe?
En Europe, oui, on est en train de vivre une mutation qui est à la fois due aux transformations du monde, à la globalisation, à la mondialisation et à une redistribution des cartes. Une société qui vieillit? au Portugal d´ailleurs, il y a de moins en moins d´enfants et cela a des conséquences très lourdes sur les équilibres économiques et financiers. Pour toutes ces raisons qui sont à la fois exogènes et endogènes le Portugal comme d´autres pays, mais le Portugal qui venait déjà d´une situation plus fragile, a dû se mobiliser et trouver des solutions durables et justes pour sortir dans un meilleur état de cette mutation que nous sommes en train de vivre. Et je pense, que cette prise de conscience existe dans le pays, c´est une démocratie et il y a un débat sur les droits et les moyens mis en place au sein de la nation. Je pense qu´il y a une conscience de tout cela dans la population. Il s´agit d´adapter beaucoup de choses à un monde qui change et à une réalité internationale, européenne qui elle-même est en profonde transformation.

Les échanges économiques entre la France et le Portugal continuent à avoir une certaine importance ?
La France continue, en effet, à être un partenaire important pour le Portugal. C´est le 3ème partenaire commercial et c´est un gros investisseur. Le Portugal de son côté exporte mais comme la demande intérieure se contracte, cela affecte les exportations françaises, cependant il faut noter qu´au 1er semestre de cette année les exportations françaises se sont mises à croître, c´est donc peut être le signe qu´il y a un début d´inflexion de la conjoncture et l´esquisse d´une reprise. En revanche sur le plan de l´investissement, la France est un investisseur qui continue à investir. Le rachat des aéroports du Portugal par le groupe Vinci a été une très grosse opération et, je me réjouis d´ailleurs que ce soit un grand groupe français de référence qui ait remporté la plus grosse privatisation qui ai eu lieu  jusqu´à maintenant. Je crois que c´est à la fois un signe de confiance dans l´avenir de ce pays, et aussi la reconnaissance de la compétence d´une entreprise comme ANA qui gère les aéroports. Sur le plan bilatéral c´est important parce que c´est aussi le signe que les Européens ont confiance les uns dans les autres. Qu´un investisseur français vienne au Portugal, c´est un symbole très fort.
 
Et il y a beaucoup d´autres exemples?
Oui, la France est présente dans presque tous les secteurs. Alsthom, Thalès, PSA, groupe Schneider, Hutchinson, on pourrait en citer beaucoup d´autres. Dans les services, BNP Paribas, Altran, Téléperformance, ? nous sommes même présents dans la viticulture, dans la région du Douro. Il y a véritablement un intérêt et je pense que c´est à chaque entreprise de voir quelles sont les opportunités. Il y a aussi le cas des PME françaises qui sont intéressées à nouer des partenariats avec leurs similaires portugaises, y compris d´ailleurs des rachats. Les entreprises portugaises sont actuellement confrontées à des difficultés financières, ce sont de bonnes entreprises mais elles ont des difficultés financières, donc tout cela ouvre des perspectives.  Ce que je vois depuis trois ans c´est qu´il y a une assez grande diversité, qui reflète d´ailleurs la grande diversité de la présence économique française qui est déjà ancienne et qui couvre presque tous les secteurs. Je crois que les autres privatisations ou concessions de services publics comme par exemple les transports urbains pourront aussi être des opportunités pour des entreprises françaises déjà présentes et extrêmement performantes, comme Transdev par exemple.
 
Est-ce-que que la France continue à maintenir une présence culturelle suffisante au Portugal face à l´influence de la culture anglo-saxonne ?
Le rayonnement économique d´un pays se traduit souvent par son rayonnement culturel et réciproquement, on ne peut pas dissocier les deux et dans le cas de la France et du Portugal, on vient d´un niveau tellement haut qu´il est difficile de penser que l´on allait continuer dans cette grande tradition.

Ce qu´il faut c´est tout faire pour préserver la diversité et surtout la diversité de l´offre culturelle et linguistique. Ce n´est pas chose facile parce que les pouvoirs publics et les institutions publiques portugaises ont des contraintes budgétaires très fortes, les sponsors privés eux aussi sont confrontés à des difficultés donc les moyens sont comptés. Il faut être inventif, il faut se concentrer là où on peut faire la différence. Parler anglais est indispensable, personne ne le conteste, parler sa propre langue et l´anglais est un peu appauvrissant mais parler une deuxième ou troisième langue, c´est une vraie valeur-ajoutée au niveau professionnel. Je pense que c´est ce message qu´il faut faire passer. Au Portugal on est passé d´une francophonie dominante à une anglophonie presque exclusive, et c´est dommage parce que les Portugais ont une grande capacité à parler bien les langues étrangères. Donc, c´est ce travail que l´on fait à la fois en direction du système d´enseignement scolaire et universitaire et aussi à travers le réseau des Alliances Françaises à un moment d´ailleurs où les jeunes Portugais, pour de bonnes ou mauvaises raisons, regardent les opportunités professionnelles partout où elles se présentent, y compris dans les pays francophones. Il y a un regain d´intérêt dans une optique plus instrumentale que culturelle, mais à partir du moment où l´on commence à s´intéresser à une langue on peut aller au-delà de la simple approche instrumentale.
 
Au moment de votre départ quels souvenirs souhaitez-vous partager avec nos lecteurs ?
Comme je le disais, je connaissais bien le Portugal mais je l´ai encore plus découvert au long de ces trois ans, c´est un pays qui de par son tempérament peut être, est un peu pudique et secret. Il y a beaucoup de choses magnifiques qui ne sont pas forcément exposées et accessibles. Le Portugal pourrait d´ailleurs davantage valoriser tout son patrimoine, sa culture et il y a des choses qui  restent à découvrir, ça c´est un  message aux Français : venez au Portugal et vous serez émerveillé ! Les Français sont d´ailleurs, actuellement la première nationalité de touristes en volume et aussi en recettes touristique. Ce que l´on voit du Portugal à la fin du film la Cage dorée, qui a été un grand succès en France et qui est un énorme succès au Portugal et que je recommande d´aller voir est assez pertinent. Ce film dit des choses sur le Portugal et les Portugais de France, à la fois sur un ton de comédie humoristique mais, avec des moments émouvants et beaucoup de tendresse. On y entrevoie par exemple, la beauté de la vallée du Douro, un des endroits du pays où les Français seront très bien reçus.

Custódia Domingues avec la collaboration de Maria Sobral (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) mercredi 25 septembre 2013

logofblisbonne
Publié le 24 septembre 2013, mis à jour le 25 septembre 2013
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