C'est une figure emblématique de la vie politique portugaise qui s'est éteinte ce samedi 7 janvier à l´âge de 92 ans. Mario Soares s´est battu pendant plus de 30 ans contre le régime autoritaire de Salazar. De retour au Portugal au moment de la Révolution des ?illets le 25 avril 1974, après avoir été exilé en France depuis 1970, il devient ministre des Affaires étrangères, Premier ministre, puis Président de la République. Fondateur du PS portugais, il s´est toujours battu pour la liberté. 3 jours de deuil national ainsi que des funérailles d´Etat ont été décrétés. L´urne funéraire traverse dans la matinée la ville pour se rendre au monastère des Jerónimos à Belém où le corps reposera jusqu´à demain pour un dernier hommage, avant d´être enterré au cimetière dos Prazeres.
L'opposant à la dictature
Né à Lisbonne en 1924, Mario Alberto Lopes Soares adhère dans la clandestinité au parti communiste portugais en 1944. Diplômé de l'université de Lisbonne et professeur, il devient un opposant au régime autoritaire de l´Etat nouveau de António Salazar. Arrêté à de multiples reprises pour sa participation au Mouvement pour l'unité nationale contre le fascisme et au Mouvement pour l'unité démocratique, il est envoyé en 1968 à Sao Tomé, colonie portugaise. En 1970, il s'exile en France et enseigne à l´université de Paris 8, à Sorbonne Paris IV, puis à Rennes 2. Mario Soares s'implique politiquement et rejoint l'Action socialiste portugaise. En 1973, il fonde le parti socialiste portugais et devient son premier secrétaire général. Figure de l'opposition en exil, il effectue un retour triomphal au Portugal le 1er mai 1974 et est accueilli en héros à Lisbonne.
Personnage clef de la transition démocratique
De retour au Portugal, il est nommé Ministre de l´Outre-mer du gouvernement provisoire dirigé par le Mouvement des Forces armées (MFA) et est chargé d'organiser l'indépendance des colonies portugaises encore en place : Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Sao Tomé et le Cap-Vert ; ainsi que les comptoirs de Goa, Daman et Diu qui sont rattachés à l'Inde. Il démissionne en 1975, pour lutter contre la tentative de prise de pouvoir par le Mouvement des Forces Armées (MFA) et le parti communiste portugais. Soares est alors nommé ministre des Affaires étrangères en 1975, puis suite aux premières élections législatives démocratiques de 1976, il devient Premier ministre. Il doit démissionner en 1978 et un gouvernement conservateur est alors mis en place. Dans l'opposition de 1978 à 1983, il participe à la révision constitutionnelle qui consacre le caractère démocratique du régime portugais. (Photo : Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
(12 juin 1985, signature du traité d´adhésion à la CEE - @Afredo Cunha/Lusa)
L'homme d'Etat pro-européen
En tant que Premier ministre en 1977, Mario Soares engage le processus de négociation en vue d'une adhésion du Portugal à la Communauté Economique Européenne (CEE). Il redevient Premier ministre de 1983 à 1985 dans un gouvernement de coalition PS/PSD (centre droit). C'est lui qui signe le traité d'adhésion du Portugal à la CEE le 12 juin 1985 dans la salle des Azulejos, ironie du destin, là où demain même son cercueil reposera pour un ultime hommage. Après la défaite du parti socialiste aux élections législatives, il retourne dans l'opposition. Il est élu Président de la République en 1986, puis réélu au premier tour en 1991 avec 70% des voix. Au terme de son second mandat présidentiel, il devient président du Mouvement Européen (1997-1999), organisme militant pour une plus grande intégration politique européenne et à l'origine de la création du Conseil de l'Europe en 1950. De 1999 à 2004, Mario Soares est député européen et siège à la commission européenne des affaires étrangères. Il tente de redevenir Président de la République en 2006, mais c'est Anibal Cavaco Silva qui est élu au premier tour avec 50,6% des voix.
C´est une figure marquante de la démocratie occidentale qui vient de s´éteindre. Jean Monnet, Père fondateur de l´Europe pour laquelle Mario Soares s´est battue jusqu´à encore récemment(*) affirme dans ses Mémoires, "il y a deux sortes d´hommes : ceux qui veulent être quelqu´un, et ceux qui veulent faire quelque chose". Il aurait sans doute définitivement classé cette figure politique dans la deuxième catégorie. Alors même que Soares s´est battu pour faire quelque chose, il est devenu quelqu´un aux yeux de l´histoire.
(*) Mario Soares était membre d´honneur de la Fondation et de l´Association Jean Monnet.
Guillaume Bermond et Custódia Domingues (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) lundi 9 janvier