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PARALELO 45 – Un bar à vin au cœur de Lisbonne

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 18 mai 2017, mis à jour le 19 mai 2017

Camille et Emmanuel tiennent  depuis novembre dernier le restaurant Paralelo 45 situé Rua Castilho à Lisbonne. Après avoir vécu et travaillé en France, puis en Angleterre, le couple français décide de tout quitter pour ouvrir un bar à vin au c?ur de la capitale portugaise. Lepetitjournal.com/Lisbonne est allé à la rencontre de ces jeunes entrepreneurs français pour mieux connaître leur projet professionnel.

Camille, 28 ans, et Emmanuel, 31 ans, sont tous deux originaires de Paris. Avant de se lancer dans le projet de l'ouverture d'un bar à vin à Lisbonne, leur activité professionnelle était très éloignée du monde de la restauration. Camille a travaillé dans le cinéma et était chargée de développer des gammes de produits pour Fox, Dreamworks et d'autres grands distributeurs de films. Elle a ensuite été manageuse de comptes pour Yves Rocher. Emmanuel, lui, a tout d´abord travaillé en France dans le domaine de la distribution de films également, chez Luc Besson et Europacorp, où il était chargé du marketing, des relations presse et de l'encadrement des talents. Puis, il a ensuite occupé un poste de responsable des relations médias pour Madame Tussauds, le célèbre musée de cire de la capitale anglaise.
 
Lepetitjournal.com/Lisbonne : Pourquoi avez-vous décidé de venir au Portugal ?
Emmanuel : Il se trouve que mes parents sont arrivés au Portugal il y a un peu plus de deux ans. A l'époque ils prospectaient Lisbonne pour y acheter une maison. Nous sommes venus de Londres leur rendre visite et nous sommes à notre tour tombés amoureux de la ville. C'était une punition pour nous de rentrer en Angleterre, d'autant plus que nous n'étions pas totalement satisfaits des postes que nous occupions là-bas, à tel point que nous avons décidé d'étudier le marché lisboète pour y monter un éventuel projet. Nous avons d'abord pensé à créer un bar à vins, et nous avons décidé d'étoffer le concept en proposant également des produits étrangers, à la fois des vins, mais aussi de la charcuterie et du fromage.

Camille : Il nous a fallu environ un an pour étudier le marché à Lisbonne qui n'est pas forcément évident, surtout au niveau des bars à vin puisqu'il en existe déjà un bon nombre. Lorsque nous avons constaté que ce projet était réalisable, nous nous sommes lancés. Nous avons quitté Londres pour Lisbonne où nous avons cherché et trouvé un local Rua Castilho, qui est l'endroit idéal puisqu'il nous permet de toucher exactement la cible que nous avions en tête à savoir la catégorie socioprofessionnelle supérieure. Nous touchons ainsi à la fois les portugais désireux de trouver des produits locaux et de goûter de nouvelles  saveurs, mais aussi tous les français nostalgiques des goûts de la France.
 
En quoi consiste votre bar à vin ?


Camille : A la base nous étions partis sur le concept de bar à vin et de tapas, et puisque nous sommes installés dans un quartier d'affaires, nous nous sommes dirigés vers un concept de restauration au déjeuner avec un menu exécutif qui comporte entrée, plat, boisson et café pour 14 euros. Le soir, on retrouve le concept de bar à vins avec des planches de fromage, de charcuterie et  les vins.
 
Emmanuel : L'idée était aussi de s'adapter au quartier et aux attentes de cette clientèle travaillant en entreprise, tout en conservant le concept initial et en proposant chaque jour un vin nouveau, inclus dans le menu, parfois étranger, ce qui permet aux clients de découvrir ces produits, et de revenir parfois le soir avec plus de temps.
Pour le moment nous ouvrons à partir de 18h et fermons le lundi soir et le week-end. Peut être ouvrirons nous les samedis soirs dans l'avenir.

Que proposez vous comme vins et mets à déguster ?
Emmanuel : Nous proposons une variété de vins de toutes les régions portugaises. Avant de lancer le projet nous avons visité plusieurs grandes régions viticoles du Portugal : Douro, Bairrada, Dão, Alentejo, Lisbonne et Setúbal. En faisant le tour de ces régions, nous avons pu rencontrer énormément de producteurs. On essaie donc de présenter les vins portugais de la manière dont ils nous ont été introduits lors de nos visites dans ces différentes régions. A la base notre carte des vins est totalement portugaise, ce qui est très important pour nous car le vin portugais ne s'est jamais aussi bien porté. Ensuite l'idée a été d'introduire des vins étrangers, nous en avons quelques-uns français, italiens, californiens, hongrois et nous sommes en train d'en ajouter de nouveau provenant d'Argentine, du Chili, d'Australie entre autres... Ayant moi-même des origines italiennes, nous avons voulu apporter cette touche à notre carte des vins. L'objectif est aussi de représenter notre ouverture sur l'international.

Camille : Au niveau du menu nous proposons un plat du jour le midi. Pour le soir notre carte comporte différentes entrées, des salades, des clubs sandwichs, des planches de fromage et de charcuterie, et des desserts. Tout est fait maison, nous importons beaucoup de produits français et italiens. Je travaille avec des fournisseurs en France et en Italie, qui nous fournissent du jambon de Paris, du saucisson, du gorgonzola, de la mozzarella et de la burrata, mais également de la terrine de campagne et du tarama. Pour l'épicerie fine nous proposons également du thé, des infusions, de l'huile d'olive, de la truffe, de la confiture et des épices. Les vins sur la carte peuvent également être emportés. Nous avons aussi du fromage et de la charcuterie à la coupe que les clients peuvent rapporter chez eux. Il est également possible de privatiser la salle de dégustation ou le restaurant tout entier.
 

Que signifie le nom du restaurant Paralelo 45 ?
Emmanuel : Paralelo 45 correspond à une latitude passant par de nombreux points dans le monde, de nombreuses régions viticoles extrêmement connues comme les Côtes du Rhône, Napa Valley, le Nord de l'Italie. C'est une ligne qui symbolise aussi notre ouverture sur l'international. Il faut savoir qu'au Portugal, le meilleur parallèle est le 33. Nous proposons d'ailleurs des vins de ce parallèle qui font succès.

Camille : Nous avons choisi Parallèle 45 car c'est le nom donné par les ?nologues eux-même dans un livre écrit à ce sujet.

Quelles différences majeures faites-vous entre un vin portugais et un vin français ?
Emmanuel : Il y a beaucoup de Français assez chauvins et qui boivent aujourd'hui des vins portugais de grande qualité et n'arrivent plus à repasser au vin français, car ils estiment qu'un très bon Bordeaux aura moins de complexité par exemple qu'un vin portugais comme le Quinta do Crasto Vinhas velhas. Aujourd'hui je pense que  les Portugais n'ont rien à envier aux Français dans ce domaine, ils sont en plein développement et de belles choses se créent. Le seul avantage qu'aurait la France sur le Portugal serait selon moi au niveau de la variété des vins, des cépages et des climats.

Camille : Je pense que les vins portugais sont plus tanniques que les vins français car nous sommes dans un pays plus chaud. On peut trouver des similarités mais au Portugal il y a un exotisme supplémentaire. Sans compter qu´ici je crois que l'on ose plus facilement tenter de nouvelles choses. Les Français ne connaissent pas bien non plus certains vins, comme celui de Madère, que beaucoup me disent utiliser pour leurs sauces alors qu'ils sont aujourd'hui très en vogue. Ils sont donc souvent étonnés lorsque je leur fais goûter un vin de Porto ou de Madère car ils ne les connaissent pas et sont agréablement surpris de cette découverte.

Emmanuel : Il faut aussi savoir qu'on ne retrouve pas le même résultat en buvant un Sauvignon blanc en France, un Sancerre par exemple et un Sauvignon blanc portugais. Avec ce genre de produit, il est difficile de comparer car ils sont fondamentalement différents. Même s'il s'agit du même cépage, toutes les conditions dans lesquelles la vigne a été traitée créent une véritable nuance. Les goûts diffèrent également entre les Français et les Portugais. Nous avons des vins très prestigieux en France, notamment des vins rouges de Bourgogne, qui sont totalement invendables au Portugal. Le cépage pinot noir n'y est pas du tout apprécié car ce sont des vins avec une densité plutôt en dessous de la moyenne, et les Portugais aiment les vins avec du corps et aromatique.
 
Avez-vous suivi une formation en ?nologie avant de vous lancer dans ce projet ?
Emmanuel : Nous avons fait trois mois de formation à l'Ecole du Vin de France à Paris Bercy, dès notre retour de Londres, car nous ne voulions pas ouvrir un bar à vins sans être spécialisés dans ce domaine, d'autant que de nombreux restaurateurs sont déjà très connaisseurs. C'est important de citer cette école, car nous y avons chacun été diplômés deux fois ce qui a été un véritable tremplin pour nous. Nous étions déjà passionnés  par le vin mais cette école nous a permis d'apprendre énormément de choses sur la variété des climats et des cépages des vins français, et l'accord des mets et des vins que nous essayons d'exploiter également. Le diplôme nous permet aussi d'être jurés dans des one-testing donc il nous ouvre des portes.
 
Vous proposez également des dégustations de vins, comment cela se passe-t-il ?
Camille : Oui, il est possible de réserver pour des dégustations. Pour le moment nous n'avons fait déguster que des vins portugais puisque les personnes intéressées étaient plutôt étrangères. Nous proposons alors une variété de vins de différentes régions du Portugal, et nous aimons associer à chaque vin un fromage. Nous proposons aussi bien des dégustations pour introduire au monde viticole portugais, plus accessible, que des dégustations plus poussées avec des vins haut de gamme. Nous vendons aussi certains vins portugais, français et italiens au verre, dont le prix se situe entre 3 et 7 euros environ, selon l'origine du vin. Nous proposons une bonne vingtaine de références : vin rouge, vin blanc et rosé confondus. Ce large choix de vin au verre permet aussi aux clients de goûter sans se ruiner.
 
Quelles difficultés avez-vous rencontré en tant qu'entrepreneur ?


Emmanuel : Les difficultés que nous avons rencontrées concernaient surtout les travaux puisque nous avons récupéré un local, anciennement un restaurant transformé en magasin de vêtements. Nous avons réussi à retrouver des licences de restauration pour en faire de nouveau un restaurant, ce qui semble souvent poser problème au Portugal mais nous n'en avons pas eu de ce côté-là. Globalement j'estime que nous nous en sortons plutôt bien, même si nous avons ouvert trois mois après la date prévue. Il est important aussi de bien choisir ses fournisseurs. Aujourd'hui nous sommes bien installés et nous avons des fournisseurs très présents depuis le début avec qui nous pouvons collaborer en toute confiance.

Quel bilan pouvez-vous faire de l'avancée de votre projet ?
Emmanuel : Plutôt positif, comme tous les restaurateurs nous n'avons pas été épargnés par les irrégularités de cette activité. On travaille aujourd'hui sur notre menu et notre carte des vins, car on sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous sommes ravis de voir une clientèle d'habitués le midi, et de Français de passage le soir.
 
Avez-vous des conseils pour des jeunes entrepreneurs qui viendraient investir au Portugal ?
Camille : Aujourd'hui on a l'impression que le Portugal est devenu le rêve européen et que beaucoup ont envie de venir s'y installer et monter un projet en claquant des doigts. Je pense qu'il faut bien étudier le marché portugais avant de se lancer, notamment au niveau de la restauration car il y a déjà énormément de concepts qui sont mis en place. Il faut prendre le temps de contacter des fournisseurs par exemple. Nous sommes sur plusieurs groupes facebook, et il existe des blogs où les entrepreneurs partagent leurs astuces, leurs expériences.

Emmanuel : Je pense que Lisbonne est une vraie terre d'opportunités et que des concepts vont continuer à se créer, comme les projets autour de la bière, un produit très apprécié. Un conseil, ce serait de vérifier par l'intermédiaire d'un avocat les différentes licences car je vois beaucoup de gens qui ont déjà loué ou acheté des locaux sans pouvoir les exploiter. Il faut surtout ne pas hésiter à contacter des gens déjà sur place pour avoir des informations concrètes.
 
Est-ce-que vous avez trouvé des avantages particuliers à investir à Lisbonne ?
Camille : Je trouve que l'approche avec les professionnels est plus facile au Portugal qu'en France. La culture du sud est différente et les fournisseurs sont plus aptes à recevoir de nouveaux clients par rapport aux Français qui sont plus arrogants. Mais si on compare les différents fournisseurs, les grosses sociétés ont été moins flexibles que les plus petites.
 
Emmanuel : Un avantage non négligeable est que nous avons été accueillis à bras ouvert par les Portugais dans les domaines viticoles qui nous ont emmenés visiter les vignes en 4x4. Lisbonne est une ville où règne une véritable joie de vivre ce qui facilite les contacts, les relations professionnelles. Nous avons pu monter des synergies très rapidement.
Au niveau du personnel, les salaires sont plus bas ici qu'en France et les 39 heures sont une constante dans la restauration. La restauration est un domaine compliqué où que l´on soit et je crois que l'on retrouve les mêmes difficultés un peu partout.
 
Est ce que la réalité du pays, correspond à vos attentes, ou avez-vous eu des surprises ?
Emmanuel : Nous avons été séduits dès le départ par Lisbonne. Encore aujourd'hui nous sommes des éternels vacanciers ravis de découvrir les alentours. Certains pays demandent davantage d'adaptation comme l'Espagne où j'ai aussi vécu. A Lisbonne c'est différent, on s'y adapte plus facilement, nous n'avons douté à aucun moment.
 
Camille : La France ne nous manque pas, pour rien au monde nous ne voulons rentrer. Nous ne parlions pas du tout portugais en arrivant, nous avons travaillé avec des CD puis nous avons pris des cours intensifs pendant environ quatre mois. Nous nous sentons à l'aise avec la langue aujourd'hui, et avons des clients portugais, français et des touristes venus du monde entier.

Maria Sobral avec la collaboration d´Adèle Blery (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) vendredi 19 mai 2017

Paralelo 45 : Rua Castilho nº278  - Lisbonne
Ouvert du lundi au vendredi le midi de 12h à 15h et le soir du mardi au mercredi de 18h à 23h, le jeudi jusqu´à 24h et le vendredi 1h du matin.

Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site Paralelo45.

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Publié le 18 mai 2017, mis à jour le 19 mai 2017

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