

Au Vème siècle, une chapelle va d’abord être édifiée en ce lieu situé au bord du Tage. Elle sera dédiée à trois martyres de l’époque romaine, deux sœurs et leur frère (os Santos), leurs bustes en pierre étant représentés au-dessus du portail ouest de l’actuelle église de Santos.
Cette chapelle sera détruite durant l’occupation maure (720-1147). A la Reconquête chrétienne, en 1147, une église va voir le jour, suivie d’un monastère où, à partir de 1194, des moines de l’Ordre militaire de Saint-Jacques de l’Epée (Santiago da Espada) s’y installent, du temps de D. Sancho I, fils du premier roi du Portugal, D. Afonso Henriques. L’édifice sera destiné plus tard à des dames de l’aristocratie, appelée "commandières", des filles célibataires et des veuves des Chevaliers de l’Ordre de Santiago, lesquels avaient le droit de se marier et d’avoir des enfants. Certainement, et dès le début, un jardin va côtoyer les édifices pour assurer un approvisionnement en fruits et légumes à la communauté religieuse, un "jardin de curé" composé d’arbres, d’un potager et de plantes ornementales.
En 1490, les sœurs déménagent vers un autre couvent (Santos o Novo), situé à l’Est de la ville et en amont du Tage. L’ancien monastère prend alors le nom gardé encore aujourd’hui de Santos o Velho. Il devient alors la résidence du principal financier des Découvertes, le riche banquier Fernão Lourenço, trésorier et gérant de la Casa da Mina et da Índia, qui aménage l’accès aux berges du Tage, avec un lieu de mouillage privé. Il faut rappeler qu’à cette époque, le fleuve battait contre les murailles de la ville, les terres riveraines d’aujourd’hui ayant été conquises au cours des siècles suivants.
"Un ancien monastère parrainé par la cour royale, restreint quant aux dimensions et à la forme, pourvu cependant de plus de chambres particulières que le Palais Royal officiel", une impression donnée par les ambassadeurs vénitiens Tron et Lippomano. Une autre observation, donnée par l’écrivain Damião de Gois (1502-1574); "Le début de la ville de Lisbonne, côté méridional, est marqué par le "Palacio Velho", une structure énorme, magnifique et très belle." Pendant la construction du Palacio da Ribeira et l’aménagement de la marge fluviale de Lisbonne, le Palais de Santos sera utilisé comme lieu de cérémonies officielles, fêtes royales et cérémonies de la Cour. C’est, par exemple, à Santos, que Gil Vicente présentera sa pièce de théâtre liée aux Découvertes "Auto da Fama", pièce allégorique qui rendait hommage au siège de Goa par Afonso d’Albuquerque et proclamait D. Manuel "roi des Océans". Désigné comme Paço Real de Santos, à partir de 1501, ce palais devient alors un typique "lieu global" d’où D. Manuel gérait son empire commercial mondial et recevait des citoyens étrangers, ambassadeurs et dignitaires. Des indiens Tupinambas lui firent connaître là le bétum (ou pétum), le divin tabac, fumé au cours de rituels religieux d’Amazonie. On y reçu aussi l’ambassadeur d’Ethiopie, en 1514, envoyé au nom de Dawit II, le gouverneur chrétien, considéré en Europe comme le légendaire Prêtre Jean.
Il n’y a aucun plan de ce palais qui soit arrivé jusqu’à nous. D.Manuel avait fait construire une tour carrée, avec un toit pointu en forme de pyramide, d’où il avait une magnifique vue sur le Tage et l’Atlantique, admirant aussi ses navires qui partaient et arrivaient de destinations lointaines, comme le témoignera Damião de Gois. De cette tour, il ne reste aucun vestige. Cependant, le palais fut endommagé par le terrible tremblement de terre de 1531. D João III, successeur de D Manuel, délaisse le palais qui revient alors à être récupéré par la famille Lancastre, rattachée à l’Ordre militaire d’Avis. Par contre, le jeune roi D. Sébastien, âgé de 14 ans, en 1568, le trouve fort à son gout et s’y installe. A son époque, l’édifice sera fortement endommagé par une explosion, qui se produisit dans les magasins de poudre situé aux abords du palais.
Le palais de Santos se trouvera en partie détruit et à l’abandon pendant l’occupation espagnole (1580-1640). En 1629, cependant, un membre de la famille Lancastre décide de l’acheter officiellement et il restera au sein de cette illustre famille jusqu’en 1909.
Pendant le tremblement de terre de 1755, le palais de Santos sera relativement épargné et il deviendra alors le refuge d’une partie de la famille Lancastre, qui avait perdu leurs foyers lors du désastre. Pedro de Lancastre (1762-1828) devient le 3º Marquis d’Abrantes et le palais va dès lors être connu sous le nom de Palais d’Abrantes.
Le comte Armand, ministre de France installé à Lisbonne, va louer le palais à partir de 1870 jusqu’à ce qu’en 1909 il ne soit acheté par le gouvernement français. L’Institut français du Portugal (IFP) s’y installera entre le palais et l’église, en 1937 et c’est finalement en 1948 que la légation de France devient l’ambassade de France à Lisbonne, bénéficiant ainsi d’un lieu exceptionnel chargé d’histoire de la ville.
Curieusement, on sait très peu de choses sur l’évolution du jardin ou des espaces verts du palais au cours des siècles. Est-il passé de jardin de curé à jardin de l’aristocratie où l’art de la topiaire aurait pu s’exprimer comme, par exemple, le cas au Palais de Queluz, de celui da Frontaira ou de Caxias? A-t-il été constitué essentiellement par des vergers de citrines, comme on le constate encore avec les orangers situés dans sa partie inférieure? Une grande pelouse occupe aujourd’hui la partie supérieure et elle est protégée des ardeurs du soleil estival par un magnifique figuier d’Asie (Ficus benjamina) dans lequel un philodendron (Monstera deliciosa) s’est développé à loisir et justifie son nom d’aimer les arbres. On trouve également des camélias (Camelia japonica), des néfliers et troènes du Japon (Ligustrum japonica), révélant l’acidité qui doit dominer ce terrain, ceci étant confirmé par les citrines rencontrées plus bas. Selon les gouts des différents ambassadeurs, et de leur épouse, on constate un choix relativement varié d’arbres d’ornement. Tout cet espace de verdure est orienté plein sud et bien abrité des vents dominants, ce qui permet d’y retrouver une diversité de plantes provenant de multiples horizons, ce qui n’est pas vraiment exception dans une ville telle Lisbonne.
Sources historiques:
- "Le Palais de Santos", Editions Chandeigne (2007)
- Notes de Mr.Pascal Teixeira da Silva, ancien Ambassadeur de France (2011)
- Catalogue de l’exposition au MNAA; “A cidade global, Lisboa no Renascimento” (2017)