Édition internationale

LITTERATURE – "Un fauteuil sur la Seine" d´Amin Maalouf

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 28 octobre 2016

Le dernier livre d´Amin Maalouf est un petit joyau : un essai où le grand romancier et essayiste franco-libanais rend hommage à ceux qui l´ont précédé au vingt-neuvième fauteuil de l´Académie Française où il siège depuis 2011.

 


Un fauteuil à l´Académie
Quand, échappant à la sanglante guerre civile au Liban, Amin Maalouf est arrivé en France en 1976,  à l´âge de vingt-sept ans, il n´était pas près de penser -jeune journaliste, d´abord dans un mensuel d´économie, puis à l´hebdomadaire Jeune Afrique-qu´un jour il siégerait à la prestigieuse Académie Française. C´est qu´en optant, après ses deux premiers succès littéraires- l´essai Les croisades vues par les Arabes et le roman Léon l´Africain-, pour une carrière d´écrivain, il est tôt devenu un des auteurs de langue française les plus traduits, connus et respectés de par le monde. Les livres se sont succédés : Samarcande, Les jardins de lumière, Le rocher de Tanios (Prix Goncourt 1993), Origines ou Les Désorientés parmi d´autres qui ont tous contribué à asseoir sa réputation de grand écrivain. Ses essais comme Les identités meurtrières ou Le dérèglement du monde ont démontré qu´il n´était pas qu´un romancier mais aussi un brillant essayiste qui réfléchit sur l´état du monde, les civilisations, la culture, les religions. Aussi son ?uvre fut-elle déjà couronnée par de nombreux prix littéraires internationaux comme le prix européen de l´essai Charles Veillon en 1999 et le prix Prince des Asturies des lettres en 2010.

En 2011, Amin Maalouf fut élu à l´Académie Française au fauteuil numéro 29, succédant à Claude Lévi-Strauss. Attentif à l´égard de l´histoire et de la culture de son pays d´adoption, la France, il s´est interrogé sur ceux qui l´ont précédé au prestigieux fauteuil qu´il occupe. De son esprit humaniste et de sa chaleureuse volonté de donner à connaître un petit bout inconnu de l´histoire de la pensée et de la culture françaises est né un admirable essai, paru en mars, intitulé Un fauteuil sur la Seine où il raconte la vie et les aventures des dix-huit personnages qui ont occupé avant lui le vingt-neuvième fauteuil de l´Académie Française.

À travers cette foule de personnalités, on voit évoqués le pouvoir des rois et des cardinaux, l´importance des philosophes et des savants, l´influence des poètes et des romanciers.

Quatres siècles d´histoire de France


L´ académicien qui le premier a occupé le fauteuil numéro vingt-neuf est aujourd´hui oublié. Il s´agit de Pierre Bardin. Il n´y est pas resté longtemps puisqu´il s´est noyé dans la Seine en mai 1635 quatorze mois après avoir été reçu à l´Académie, ce qui lui a valu le triste privilège d´avoir été le premier "immortel" à mourir. Mais si Pierre Bardin est aujourd´hui oublié, il en va pratiquement de même avec tous les écrivains français de sa génération et de biens d´autres ayant siégé sous la Coupole.

Au fil des pages, Amin Maalouf nous égrène une foule d´histoires où l´on apprend par exemple que quand Nicolas Bourbon est mort en 1644, son successeur fut François-Henri Salomon de Virelade, un avocat volubile de vingt-trois ans que l´on a préféré à Pierre Corneille !  D´Alembert écrira cent ans plus tard qu´avec cette décision, on avait prostitué le titre d´académicien. Le prétexte pour que Corneille ne soit pas élu fut des plus futiles : il n´était pas domicilié à Paris. Or, on sait que la véritable raison en fut le récent décès du cardinal Richelieu qui détestait Corneille "qui avait le tort d´être meilleur poète que le cardinal" dixit D´Alembert. Une opinion étayée aussi par le grand polémiste Antoine de Rivarol : "Richelieu qui affectait toutes les grandeurs, abaissait d´une main la maison d´Autriche et, de l´autre, attirait à lui le jeune Corneille, en l´honorant de sa jalousie".   L´élection du grand dramaturge et poète pourrait donc être perçue comme une atteinte à la mémoire du cardinal. Corneille a fini par être élu à l´Académie en 1647.

Parmi les prédécesseurs d´Amin Maalouf au vingt-neuvième fauteuil il y a eu aussi Paul Albert, cardinal de Luynes, celui qui est passé devant Voltaire ; Joseph Michaud qui fut deux fois condamné à mort ; Pierre Fleurens élu contre Victor Hugo ; Henry de Montherland et, le dernier en date, l´anthropologue Claude Lévi-Strauss, décédé à l´âge de 100 ans.

Ainsi, sous la plume d´Amin Maalouf voit-on défiler des pans entiers de l´histoire de France. Comme on nous l´annonce d´ailleurs dans la quatrième de couverture, on revisite la querelle du Cid et la révocation de l´Édit de Nantes, la Fronde et le jansénisme, l´expulsion des jésuites et l´émergence de la franc-maçonnerie, la Révolution de 1789,l´insurrection du 13 Vendémiaire et le Coup d´État du 18 Brumaire, le Second Empire, la guerre de 1870 et la Commune de Paris, l´invention de l´anesthésie, l´affaire Dreyfus et les grandes guerres du vingtième siècle.

Avec cet  essai, Amin Maalouf rend hommage à tous ceux qui l´ont précédé sous la Coupole dans la meilleure tradition française de l´esprit des lumières.

Amin Maalouf, Un fauteuil sur la Seine, éditions Grasset, 2016.

Fernando Couto e Santos (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) vendredi 28 octobre 2016
http://laplumedissidente.blogspot.pt/

logofblisbonne
Publié le 27 octobre 2016, mis à jour le 28 octobre 2016
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