La meilleure façon d'aller à la rencontre du Cap-Vert à Lisbonne est très certainement de suivre le chemin de la musique?
(Photo Hervé Hette)
L´En´clave
L'EN'CLAVE et " son chanteur " : KALU MOREIRA?Entre le quartier du Rato et celui de Campo de Ourique, pas très loin de la Casa Fernando Pessoa (le grand poète portugais) se trouve l'En'clave, un restaurant / club capverdien incontournable à Lisbonne pour qui veut découvrir la musique et la cuisine capverdienne et apprendre à danser afro-brésilien!
On y déguste une cuisine traditionnelle à la fois africaine, brésilienne ou du Cap-Vert, à des prix modérés dans une ambiance colorée, chaleureuse sans oublier pendant le dîner un 1er tour de chant de Mario avec sa voix de miel.
Puis soudain, vers 22h/22h 30, le silence s'installe : Kalu Moreira vient de commencer à chanter. 3 guitaristes et lui, assis devant, laisse sa voix vous saisir?car il est une voix qui emporte (il suffit de regarder les yeux des femmes qui l'écoutent !), une voix qui va chercher chez chacune, chacun, des émotions enfouies.
Kalu Moreira
A Lisbonne Kalu Moreira est connu, reconnu par sa seule voix et chante régulièrement dans de nombreuses salles (dont le célèbre Cabaret Maxime), dans les festivals de " musique du monde " ( comme celui de Sines , au sud de Lisbonne) mais son port d'attache est bien l'En'clave, surtout les fins de semaine (vendredi/samedi) car en 2ème partie de soirée ( tard dans la nuit à vrai dire !), avec son groupe de musiciens, Kalu embarque tout son monde au sous-sol direction la cave pour une nuit afro-brésilienne et là ça pulse, ça danse, c'est chaud (sans agressivité), c'est " bon enfant ", c'est épicé, les filles sont belles , les gars aussi, c'est le Cap-Vert.
Mais qui est-il donc ce diable de Kalu pour nous envoûter ainsi ?
Kalu (43 ans) vient de l'île de Sâo Vincente ; il travaillait comme secrétaire dans une école de Mindelo, la capitale de l'île, tout en étant chanteur "amateur" ; il y a 12 ans, à 31ans, Kalu décide d'aller à Lisbonne pour devenir chanteur "professionnel"?Car Kalu a un don naturel : sa voix ; une voix travaillée avec ses amis dès l'âge de 13 ans et les premiers concerts dans les cafés de Mindelo, à 18 ans. Ensuite, à Lisbonne, ce furent les rencontres avec les "grandes et les grands" de la musique capverdienne (Tito Paris, Céline Pereira puis Lura, Tcheka,?) ; un premier CD en 2003 ( "Vida Material" ) et des tournées en Belgique, au Luxembourg et en Espagne. Aujourd'hui, Kalu Moreira est devenu le chanteur "maison" de l'En'clave ; tout en cultivant le rêve secret d'avoir un jour un "agent" pour le promouvoir en France, ce pays qui aime tant et plus que d'autres la musique capverdienne en ayant permis, par exemple, à Césaria Evora de débuter une carrière internationale. Kalu aime aussi chanter le Brésil, les musiques pures et tribales du centre de l'Afrique, le reggae? ce qu'il ne manque pas de faire dans ces tours de chant à l'En'clave?Tout un voyage musical que cet homme-là !
Les Rappeurs de Cova da Moura
Plus loin, direction le nord-ouest, à Cova da Moura, dans une de ces banlieues du grand Lisbonne où vivent 6000 capverdiens dans un quartier qui comptent environ 10000 habitants. Ce quartier avec ses ruelles et ses collines a certes des allures de village mais a toujours eu une triste réputation marquée par la drogue et l'insécurité ; aujourd'hui encore de nombreux lisboètes n'envisagent même pas d'y mettre les pieds ! Et pourtant !
Depuis plus de 25 ans a été crée l'association culturelle Moinho da Juventude (Moulin de la Jeunesse) avec pour objectif de redonner une autre vie à ce quartier et partant de là une autre image, tout cela avec l'aide financière de l'Europe, des organismes sociaux portugais, de certaines mairies et d'un réseau d'entraide internationale, le Link.
Les actions engagées (surtout pour l'éducation des enfants, la formation des adultes, la santé, l'alimentation,?) s'organisent autour d'un projet nommé SABURA ; ce mot créole ne signifie pas seulement "saveur" mais englobe d'une façon générale tout ce qui est positif dans la vie ; grand et beau projet qui fait travailler plus de 100 personnes avec entre autres ces dernières années des initiatives touristiques et culturelles dignes d'intérêt.
Là où tout commence
Tout d'abord il faut visiter le quartier par l'intermédiaire de circuits guidés pour individuels et groupes ; il s'agit de visites insolites, inattendues, rencontres qu'Heidir ( un ancien " mauvais garçon " ) se fait un plaisir d'organiser pour l'association et pour la modique somme de 5 euros par personne avec en option un déjeuner capverdien plus que copieux et arrosé dans un des restaurants labellisés "Sabura" ( 7,5 euros tout compris, un vrai voyage gustatif et sensitif !).
Mais le programme Sabura a aussi offert la possibilité à de jeunes musiciens capverdiens du quartier de se lancer dans le rap avec la création depuis un an d'un studio d'enregistrement.
Un Voyage musical
Ces musiciens se nomment : Di Dinha Ida (le nom de scène d'Heidir) / Dom Và / Kàs / Kromo di Ghetto / Bambino SDD / Lord Strike ( voir son blog : www.myspace.com/lordstrike qui renvoit à CovaMStudio pour découvrir par le lien Os Amigos la musique de l'ensemble de ces musiciens)?car ce sont de merveilleux musiciens qui produisent un rap puissant, certes très urbain de part leurs passés mais avec aussi plein d'espoir, d'humanité , des mélodies novatrices et des voix de chanteuses quasi-magiques. On peut le soir aller les écouter à Cova da Moura, à la demande, visite du studio comprise pour celles et ceux qui le souhaitent, sur les scènes des petits restaurants capverdiens du quartier (réserver au préalable, comme pour la visite du quartier, auprès d'Heidir?) A coup sûr un vrai, grand et rafraîchissant voyage musical dans ce monde aux sons standardisés. Tôt ou tard, eux aussi, auront leur place comme Kalu Moreira, sur les scènes du Lisbonne intra-muros.
Philippe Despeysses (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) mardi 23 février 2010
Adresses :
L´EN'CLAVE : Rua do Sol ao Rato 71-A / 1250-262 / Lisboa / tel: 00351 213 88 87 38
SABURA : Travessa do Outeiro 1, Alto da Cova da Moura / Buraca , 2610-202 / Amadora - (arriver par la gare de Santa Cruz Damaia), tel 00351 214 97 10 70
Heidir : tel. 00351 / 961 82 77 00
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