Édition internationale

LE CIMETIÈRE ANGLAIS - The English Cemetery / Cemitério das Nações estrangeiras

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 20 novembre 2012

 

Juste derrière le jardin très fréquenté d'Estrela, du côté de la rue de São Jorge, il faut quand-même un minimum d'attention pour remarquer le portail de l'entrée du cimetière surmonté du blason de la communauté anglaise de Lisbonne. Cette dernière est essentiellement composée de personnes de religion anglicane, avec un faible pourcentage de catholiques ou d'autres églises réformées

(Photos : M.J. Sobral)

Un lieu chargé d'histoire et de mystères
Il n'est pas nécessaire d'être un amateur de nécro-tourisme pour avoir le désir de découvrir ce lieu chargé d'histoire et de mystères, autant en ce qui concerne tous ceux qui y ont trouvé leur dernière demeure (on y recense environ 3000 tombes), comme d'y apprécier toutes les plantes, arbres et arbustes, qui ont pu s'y développer à loisir et en complète harmonie avec ce lieu de paix, sur une superficie d'environ deux hectares.

Dans un pays comme le Portugal, à presque 100% catholique, l'acception de son existence ne fut pas très facile. Au XVIº siècle, plus exactement en 1654, un traité fut signé entre le Portugal et l'Angleterre, reconnaissant la liberté de conscience aux sujets britanniques sous la condition de pratiquer leur religion loin des regards des Portugais. Ainsi, les Anglais pouvaient dès lors jouir d'une liberté religieuse égale (en théorie) à celle des autres étrangers de confession catholique résidents en territoire portugais. Il faut rappeler que certains officiers de marine portugais, qui se convertirent au protestantisme, en servant pour le Royaume-Uni ou la Hollande, se retrouvèrent proscrits de leur pays, sans aucun espoir d'y revenir un jour. La toute puissante Inquisition veillera pendant plusieurs siècles à la non contamination de ses brebis par d'éventuels "hérétiques". Cette institution répressive ne disparaîtra qu'à la fin du XIXº siècle, son siège se trouvant alors où nous avons maintenant le théâtre Dona Maria, au Rossio.



Une série de cyprès cache le cimetière au regard des bons chrétiens
Le Cimetière anglais de Lisbonne date de 1724, lorsque le comptoir commercial anglais pu enfin acheter le terrain de son emplacement. La condition sine qua.non  était que celui-ci soit cerné d'arbres de grande taille de manière à ce que son intérieur soit complètement caché au regard des bons chrétiens (catholiques) qui vivaient autour. Ainsi, on planta une série de cyprès (Cupressus sempervirens) de grande taille. Quelques années plus tard, le comptoir hollandais de Lisbonne acquis, lui aussi, un terrain mitoyen à celui des Anglais et les deux parcelles furent réunies en un seul ensemble, avec un mur assez haut qui délimita l'espace concédé aux deux communautés étrangères. Comme les limites des deux propriétés ne furent jamais bien définies, les tombes des deux communautés finirent par se mélanger au cours du temps. Ainsi, nous retrouvons non seulement les restes mortels de citoyens anglais, mais aussi des protestants d'autres nationalités; allemande, hollandaise, suédoise ou norvégienne et même quelques huguenots français comme le prouve la plus vieille tombe, datant de 1724, d'un certain Francis Laroche.

Paradoxalement, ce fut le premier cimetière institué dans la capitale portugaise, puisque généralement, on enterrait les morts autour et à l'intérieur des églises sans leur consacrer un terrain qui leur soit uniquement réservé. Ceci fut valable jusqu'au début du XIX ºsiècle avec la création des grands cimetières, tels celui des "Prazeres " ou celui de "Alto de São João".

Espace épargné par le tremblement de terre de 1755

De nos jours, la tombe du cimetière anglais la plus visité est celle d'Henry Fielding, le «Père de la nouvelle anglaise», dont l'?uvre la plus fameuse s'intitule «Tom Jones», écrite en 1749, qui vint jusqu'à Lisbonne suivre une cure pour se soigner des différents maux dont il souffrait, mais sans grand résultat, puisqu'il mourut deux mois après son arrivée, en 1754.

D'après Christopher Hervey, qui laissa le témoignage de son passage dans la capitale portugaise, en 1759, une rumeur courait que le tremblement de terre de 1755 aurait été un châtiment du fait de Lisbonne accueillir autant d'hérétiques en son sein. Cependant, la communauté anglaise fut très éprouvée et nombreux furent ceux qui abandonnèrent la capitale juste après la catastrophe. Le plus curieux est que la chapelle de la résidence britannique, où s'effectuaient alors les cérémonies religieuses anglicanes, fut totalement épargnée par le désastre tout comme l'espace du cimetière.

Pendant la période des invasions françaises
Wellington (Sir Arthur Wellesley), commandant en chef des armées britanniques, dès son arrivée sur les côtes de Figueira da Foz, établit le décret du 18 juillet 1808, châtiant sévèrement et de manière exemplaire tout manquement de respect à la religion catholique, ordonnant à ses hommes de se découvrir le chef en entrant dans une église ou de montrer de la tenue au passage d'une procession, ceci étant jugé essentiel pour une bonne entente entre alliés.
En effet, les relations entre «hérétiques» anglais et catholiques portugais ne s'arrangèrent vraiment qu'au début du XIXº siècle dans ce contexte de croissante détérioration des relations anglo-française, le Portugal ayant pris position contre Napoléon Bonaparte. Les Britanniques devront cependant attendre le traité de 1810 pour qu'ils puissent enfin construire leurs temples aussi bien à Lisbonne qu'à Porto, face à une intolérance religieuse toujours latente.

Une richesse botanique exceptionnelle

D'un point de vue botanique, le cimetière anglais est d'une richesse exceptionnelle par la densité d'espèces différentes, car sans parler des cyprès très classiques dans un tel lieu, on y trouve de nombreux arbres de Judée (Cercis siliquastrum) à l'allure imposante par leur grand âge, des palmiers des Canaries (Phoenix canariensis) qui, malheureusement, commencent à souffrir du virus qui les attaque depuis peu, des oliviers sauvages (Olea europaea) de grande taille et surtout un magnifique dragonnier (Dracaena draco) plus que tricentenaire, qui se trouve collé au temple dédié à Saint-Georges.

Il faut rappeler enfin que le cimetière est ouvert au public en semaine de 10h30 à 13h00 et qu'une messe s'y déroule le dimanche matin, à 11h30.

André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) vendredi 6 juillet 2012
Technicien agronome (maria.friesen@sapo.pt)

logofblisbonne
Publié le 6 juillet 2012, mis à jour le 20 novembre 2012
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