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Qui se cache derrière la photo du billet de 50 soles péruviens?

Une des plus grandes passionnées était nul autre que María Rostworowski Tovar de Díez Canseco, l'effigie du billet de 50 soles mais surtout la plus grande historienne du Pérou.

Billete Maria RotoBillete Maria Roto
@Billet de 50 soles péruviens
Écrit par Sébastien Eloi Gil Robalino
Publié le 21 mars 2024, mis à jour le 25 mars 2024

 

Le Pérou compte une histoire particulièrement riche et diverse qui s’écoule sur plusieurs millénaires et sur les trois grandes régions géographiques du pays. Des civilisation pré-inca comme les Mochica, les Nazca ou les Wari, la mythique période quechua (ou inca), l’époque du “Virreinato” jusqu'au Pérou que l’on connaît actuellement. Ce pays est un véritable éden pour ceux qui aiment l’histoire. 

 

“Une personne qui n’a pas d’histoire est comme une plante sans racines” María Rostworowski. 

Maria Rostworoski
@Maria Rostworowski 

 

L’histoire de María Rostworowski trouve ses racines d’une part en Pologne, le pays de sa famille paternelle, une famille d’aristocrates influents venant de la région de Poznan et d’autre part des Andes, plus précisément de Puno. Du côté de sa mère, elle provient également d’une famille très influente sur la scène politique du début du XX siècle, les Tovar

C’est dans ce contexte privilégié que née María en 1915 à Barranco, même si rapidement la famille déménagea en Europe où elle s’installa successivement en Pologne tout d’abord, puis en France, en Belgique et finalement en Angleterre avant de revenir dans son pays de naissance. Au cours de ses voyages sur le vieux continent, elle fut scolarisée dans plusieurs institutions catholiques privées, les meilleures de chaque pays. 

Elle poursuivit ses études à Lima, sous l’impulsion du célèbre historien Raúl Porras Barrenechea qui l'encouragea à rejoindre l’Université Mayor de San Marcos où elle étudia l’histoire et l’anthropologie avec des professeurs de grande renommée nationale et internationale comme Luis Valcarcel (grand spécialiste du Pérou préhispanique et précurseur du mouvement littéraire et artistique indigéniste) ou Julio Tello (le “père” de l'archéologie péruvienne).

Dorénavant spécialisée autour de la question de l’histoire préhispanique des sociétés andines, elle décida de consacrer sa vie à apporter une meilleure compréhension de la culture et de la société andine contemporaine via l’étude de son histoire.

Elle avait parfaitement compris que le Pérou (et donc son histoire) est avant tout “serrano” ou andin et que si l’on voulait appréhender les problématiques actuelles, il fallait se pencher sur l’histoire.

Sa vision de l’histoire est donc profondément rattachée au présent, elle soutenait que l’on ne pouvait pas aller de l’avant sans connaître son passé.

C’est pour cela qu’elle fut une des fondatrices de IEP (Instituto de Estudios Peruanos) le principal centre de recherche en sciences sociales du pays où elle fut la principale chercheuse. Son travail acharné ainsi que son engagement politique auprès du parti Acción Popular (AP: parti démocrate-chrétien et humaniste centriste toujours en activité) l’amena à être nommée par le gouvernement de Fernando Belaunde Terry comme attachée culturelle à l’Ambassade du Pérou en France. A son retour au Pérou, elle intégra l’Académie Nationale d’Histoire du Pérou, dont elle devint même la vice présidente ainsi que d’autres institutions de recherches en sciences sociales comme la Royale Académie d’Histoire d’Espagne ou encore l’Institut Raúl Porras Barrenechea de la UNMSM mais également elle fut choisit pour diriger le Musée National d’Histoire entre 1975 et 1985. 

Elle s’éteignit paisiblement le 6 mars 2016 à l'âge de 100 ans. 

 

Ses grandes oeuvres: L’Histoire du Tawantinsuyu (1988)

 

“Il nous faut être conscients de notre propre identité” María Rostworowski, 2011.

 

Si il y a bien un ouvrage qui marqua profondément le champ de l’étude de l’histoire péruvienne, c’est bien le livre “Historia del Tawantinsuyu” publié pour la première fois en 1988. Cet ouvrage a une importance fondamentale: il changea notre paradigme et notre vision sur le Tawantinsuyu (connu en France malencontreusement comme “l’Empire Inca”).

En effet, à la suite de ses investigations réalisées sur plusieurs décennies, elle arriva à la conclusion que ce que l’on connaissait avant comme l’Empire Inca ….. n’était tout simplement pas un empire mais plutôt une Confédérations de petits “curacasgos” andains maintenus “unis” via un système d’échanges basés sur le concept très andin de la réciprocité.

Son ouvrage marque un précédent puisqu’il nous permet de mieux comprendre le Pérou depuis une perspective autochtone éloignée de la vision purement européenne. Elle participe à développer ce qu’est le concept de l’identité péruvienne,

...comme elle le disait “Nos falta ser conscientes de nuestra propia identidad” (il nous faut être conscient de notre propre identité. 

L'œuvre de María Rostworowski est fondamentale pour comprendre cette étape fascinante de l’histoire du Pérou, c’est bien pour cela qu’il s’agit du livre d’histoire le plus vendu au Pérou. 

 

Meme s’il est évident que sa position sociale et économique ait été d’une grande aide dans sa formation académique, puisqu’il était tout simplement inimaginable pour une femme des classes populaires de poursuivre ses études jusqu’à l’Université dans les années 30 et 40.

Il est très intéressant de noter comment María Rostworowski a réussi, non seulement à se faire une place et un nom dans le milieu académique et intellectuel de son époque (presque exclusivement composé d’hommes) mais elle en est même devenue la principale représentante. A bien des égards, elle a marqué un avant et un après dans la communauté des historiens de ce pays. 

 

 

Sébastien Gil
Publié le 21 mars 2024, mis à jour le 25 mars 2024

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