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Le combat des autochtones face à l'industrie pétrolière

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Écrit par Guillaume FLOR
Publié le 18 juin 2020

Dans la forêt amazonienne du Nord du Pérou, plusieurs communautés autochtones luttent depuis plusieurs années pour dénoncer les pollutions causées par des exploitations d’hydrocarbures.

L’histoire commence en 2012 quand des autochtones péruviens qui vivent dans la forêt amazonienne de Loreto, à la frontière avec l’Équateur, constatent que leurs terres ont été contaminées par des hydrocarbures et leur eau par des métaux lourds (plomb, arsenic…). Ils découvrent de véritables décharges d’hydrocarbures : de très grandes zones contaminées qui affectent la végétation, de nombreux animaux, mais aussi la vie des habitants de la région.

Depuis lors, ils se battent pour que la justice soit faite et que la compagnie pétrolière responsable de la pollution répare les dommages environnementaux qu’elle a causé. La compagnie en question, Pluspetrol, a exploité cette zone de 4.900 km², le Lot 1AB (désormais appelé Lot 192), entre 2000 et 2015, grâce à une concession octroyée par l’État péruvien. (Le Lot 192 est la concession qui génère la plus grande production de pétrole du pays).

 

Foto OEFA
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En novembre 2013, l’Organisme d’Évaluation et d’Inspection de l’Environnement, organisme gouvernemental rattaché au Ministère de l’Environnement du Pérou (OEFA) inflige une amende d’environ 5 millions d’euros à Pluspetrol pour avoir contaminé une zone de 2.856 m² situé dans le Lot 1AB (Loreto) et pour avoir fait disparaître complètement la lagune de Shanshococha. L’OEFA a également exigé des mesures d’assainissement et de compensation environnementale qui consiste notamment à recréer une nouvelle lagune.

En août 2015, l’OEFA a lancé un processus de sanction contre Pluspetrol pour ne pas avoir réalisé la récupération environnementale des zones affectées par la pollution d’hydrocarbures dans le lot 1AB. Une mise en garde pour signaler à la compagnie pétrolière qu’elle devra accomplir cet assainissement même après la fin de sa concession sur cette zone, qui date du 29 août 2015.

 

De son côté, la compagnie Pluspetrol déclare avoir mis en place des mesures pour limiter les risques de pollution : « Pluspetrol met en place des mécanismes pour surveiller la qualité de l’eau… Pour diminuer les risques de contamination, Pluspetrol exécute des projets de gestion des déchets et d’assainissement des sites affectés en accord avec les normes environnementales en vigueur dans le but de rendre durable les opérations d’exploitation et de minimiser les conséquences environnementales ».

 

Un assainissement jugé insuffisant par l’OEFA et les autochtones

À plusieurs reprises, les réparations de Pluspetrol ont été jugées insuffisantes par l’OEFA. C’est aussi ce que dénoncent certaines communautés autochtones : des sites souillés par des hydrocarbures seulement recouverts de terre ou des patchs sur des tuyaux au lieu de les remplacer. Depuis plusieurs années, des manifestations et des blocages sont menés par les habitants de la région pour dénoncer cette situation.

Un rapport toxicologique de 2016 réalisé par le Ministère de la Santé du Pérou sur ces communautés autochtones, publié l’année dernière, montre que 57% de cette population présente des taux de plomb dans le sang supérieur aux standards internationaux.

Selon l’OEFA, la zone contiendrait au moins 1963 sites potentiellement contaminés. Or, depuis la fin de la concession d’exploitation en 2015, Pluspetrol est accusée de ne pas respecter les exigences nécessaires à l’approbation de son Plan d’Abandon du site.

 

Le combat continue avec une plainte déposée auprès de l’OCDE

En mars 2020, les représentants de quatre fédérations autochtones (FEDIQUEP, FECONACOR, OPIKAFPE et ACODECOSPAT : représentant plus d’une centaine de communautés indigènes de Loreto) se sont rendus aux Pays-Bas, accompagnés de plusieurs ONG (Perú Equidad, Oxfam…) pour déposer une plainte devant l’antenne de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE).

Ils accusent Pluspetrol dont le siège se trouve à Amsterdam, de ne pas respecter les directives de l’OCDE en ce qui concernent les normes environnementales et les droits humains, mais aussi d’utiliser des montages fiscaux permettant d’éviter de payer certains impôts au Pérou.

Ils exigent que Pluspetrol assume sa responsabilité quant aux contaminations générées par l’exploitation pétrolière sur les territoires autochtones autour des rivières Corrientes, Pastaza, Tigre et Marañon, correspondant au Lot 192 dans la région de Loreto, pour ensuite y remédier.

 

Aurelio Chino
Aurelio Chino

 

« Nous sommes venus aux Pays-Bas en quête de justice parce qu’il y a nulle part ailleurs où aller » explique Aurelio Chino, président de la Fédération Indigène Quechua du Pastaza (FEDIQUEP). « Dans notre pays, nous avons été qualifiés de terroristes alors que notre seule option était de protester contre la contamination de nos rivières, de notre terre, de nos poissons et de nos animaux. Nous espérons qu’ici nous serons traités comme des êtres humains et que le gouvernement hollandais pourra convaincre Pluspetrol d’assumer ses responsabilités pour tous les torts qu’ils ont causés à nos communautés ».

« Ces communautés autochtones ont dû chercher justice aux Pays-Bas parce que l’État péruvien n’a pas pu leur garantir que Pluspetrol respecte ses obligations » précise Yaizha Campanario, de l’ONG « Perú Equidad ».

 

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