L’une des plus anciennes villes du Pérou, Cerro de Pasco est menacé par la mine à ciel ouvert sur laquelle a été construite.
En s’étendant progressivement, l’entreprise minière rogne le centre historique de la ville tout en générant une pollution désastreuse pour la santé de ses habitants.
Cerro de Pasco est une ville de 70 000 habitants situé sur le plateau andin à 4330m d’altitude, ce qui en fait la ville de plus de 50 000 habitants la plus haute de la planète. Au début du XVIe siècle, les colons espagnols découvrent sur se site l’un des plus grands gisements d’argents au monde. Depuis cette découverte, la ville s’est progressivement développée avec le secteur minier comme épine dorsale de son économie. La ville a une grande place dans l’histoire du Pérou puisqu’en 1820 elle est l’arène de l’une des plus grandes victoires de la guerre d’Indépendance. Son importance en tant que capitale minière fait aussi d’elle la seconde ville la plus peuplé du pays jusque dans les années 1930.
Mais si le secteur minier a profité à la ville en étant au cœur de son développement économique, il menace aujourd’hui la pérennité de ses habitants.
L’accroissement de l’exploitation minière
L’énorme cratère minier au centre de la ville gagne du terrain d’années en années et s’étend aujourd’hui sur plus de 2km avec plus de 400 mètres de profondeur. Cette extension s’est aggravée depuis la privatisation de la mine dans les années 1990 au profit de la compagnie minière Volcan. En 2009, la municipalité se résout a accordé à la compagnie minière 11,3 hectares de terres supplémentaires en plein centre-ville face à leur menace de fermer la mine si ces terrains ne lui étaient pas accordés, ce qui aurait laissés des milliers de personnes sans emploi. Face à cette accroissement les habitants de Cerro de Pasco ne cache pas leurs inquiétudes.
« Ils ont déjà racheté tout le quartier d’Ayapoto pour agrandir la mine, ils sont en train de détruire toute la ville » déplore un commerçant du centre-ville.
Ayapoto est un des premiers quartiers de Cerro de Pasco où s’étaient installés les familles des travailleurs de la mine. A l’époque, le travail des miniers était d’une dangerosité extrême et les morts au travail de l’ordre du quotidien. Aujourd’hui, bien que les conditions de travails se soient largement améliorées avec l’utilisation de matériels de protection tels que des masques FFP2, elles restent encore très difficiles. Pour faire face aux températures glaciales et à la dureté physique de leur labeur, « certains ouvriers boivent de l’aguardiente » (un alcool fort) déclare un des ouvriers de la mine. En 2022, trois travailleurs de la compagnie Nexa (associé à Volcan) sont morts en inhalant des gaz toxiques. Ces nombreux décès au sein de l’exploitation ont poussé les miniers à croire en l’existence de « Muqui », une créature démoniaque miniscule présente au fond de la mine. Ce démon prenant la forme d’un minier surveillerait les travailleurs en échange de leur bonne conduite, mais pourrait aussi les tuer en cas de comportement contraire.
La pollution de la mine
Les ouvriers de la mine ne sont pas les seuls à subir les conséquences de l’exploitation minière sur leur santé. Cerro de Pasco présente des taux de concentration de métaux lourds dans l’air inégalés dans tout le pays. La poussière dégagée par le traitement des métaux se propagent dans l’air, la terre et l’eau engendrant de dangereuses pathologies, en particulier chez les enfants.
« On ne peut pas le sentir comme ça mais oui ça nous affecte tous, surtout les enfants qui n’ont pas leur défense immunitaire développée » déclare un ouvrier travaillant dans le transport des minéraux.
Il y a trois ans, une étude coordonnée par des scientifiques italiens, espagnoles et portugais avait réussi à démontrer l’empoisonnement constant des enfants vivant à Cerro de Pasco, en raison de l’exposition de leur corps aux métaux lourds et à la respiration de particules dans tout leur environnement. Leurs recherchent conclut qu’en ce qui concerne le plomb, les enfants de Cerro de Pasco dépassent de 43 fois la quantité limite de la norme internationale, sept fois pour le zinc et quatre fois pour le manganèse. Parmi les maladies chroniques provoquées : amnésie, problèmes mentaux, trouble du comportements, dysfonction rénal, douleurs musculaires, perte de conscience, trouble de la parole, problèmes de croissance, …
L’accès à l’eau potable est également un problème majeur pour les habitants de la ville. Tous les cours d’eau débouchant de l’exploitation minière sont complètement pollués et inutilisables.
Mica, un habitant de la ville de Huayllay, situé à 70km de Cerro de Pasco s’exprime : « Même pour nous qui vivons à plus de 45 min de la mine, on est aussi affecté, notre lagune est dégoûtante et dégage une forte odeur ».
En réponse, la municipalité à conseiller aux habitants d’acheter de l’eaux en bouteille et de consommer des aliments d’autres vallées. Des achats irréalisables pour les habitants les plus précaires de la ville.
En réaction à ces scandales, les habitants de la région ont plusieurs fois manifestés pour obtenir des réparations de la part de la compagnie et de l’Etat. L’affaire qui a fait le plus de bruit dans le pays et celle nommée « Plomo en el sangre » (plomb dans le sang). Suite à la découverte que plusieurs enfants du quartier Simon Bolivar avait des taux de plomb et d’arsenic dans leurs corps atteignant parfois les 25%, les habitants de la ville se sont déplacés jusqu’à Lima pour réclamer justice. Le 10 mars 2022, ils bloquèrent l’avenue Salaverry en exigeant des réponses de l’Etat face à ces atteintes au droit des enfants touchés par des problèmes environnementaux.
« L’Affaire est allée jusqu’au Congrès mais jamais aucune sanction ou réparations a été prise, c’est sûrement lié à la corruption » s’exprime un habitant de Cerro de Pasco ayant participé aux manifestations.
L’exploitation minière exerce un poids si important dans l’économie péruvienne que souvent les pouvoirs publics ont dû mal à prendre des décisions à l’encontre des intérêts des grandes compagnies minières.
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