Connaissez-vous les “King Kong”, emblèmes gourmands du Pérou? En cette Semaine de la gastronomie péruvienne, nous vous présentons cette spécialité culinaire moins connue que le ceviche mais pas moins savoureuse et originale.


Si vous avez visité le Pérou, vous aurez peut-être remarqué ces gâteaux cubiques formés de plusieurs couches couleurs crème, qui se vendent à la caisse des supermarchés. Vous aurez peut-être même goûté cette friandise un peu dense, dont les arômes de manjar blanco, confiture d'ananas, d'orange et de cacahuètes sont difficiles à deviner pour des palets français.
Mais ce que vous ne connaissez pas encore, c’est l’histoire incroyable de ce met typique du nord péruvien, né il y a plus d’un siècle dans la petite ville de Lambayeque, au nord de Chiclayo.
Une tradition familiale et solidaire : la générosité comme ingrédient fondateur
En 1920, un groupe de femmes, emmenées par doña Victoria Mejía de García, décide de préparer des biscuits pour venir en aide aux plus démunis de la ville. Parmi ces gâteaux, un alfajor de taille inhabituelle (parfois plus de deux kilos) devient rapidement une curiosité locale.
Lorsque le film King Kong sort en 1933, les habitants comparent le dessert au célèbre gorille géant. Le nom reste, et la légende commence : le King Kong de la calle San Roque.
Comme l’explique Rodrigo Jesus Montoya, responsable marketing à King Kong San Roque, “A pesar de que la empresa tiene tantos años, todo empieza con un beneficio social. Siempre esa filosofía sigue : hasta ahora tenemos una fundación. Seguimos apoyando a los demás, precisamente en personas de bajo recursos.”
(“Même si l'entreprise a de nombreuses années d'existence, tout commence par un bénéfice social. Cette philosophie est toujours d'actualité : nous avons aujourd'hui une fondation. Nous continuons à aider les autres, en particulier les personnes défavorisées.”)

La Fondation San Roque, installée dans la maison historique de la fondatrice, accueille aujourd’hui une quarantaine d’enfants, qu’elle soutient dans leur éducation, leur alimentation et leur développement artistique et sportif.
Les confectionneuses de Lambayeque, gardiennes d’un savoir-faire unique
Mais la contribution sociale de l’entreprise ne s’arrête pas là : à une époque où le travail des femmes était encore rare, Victoria Mejía s’engagea à employer ses voisines lambayecanas pour leur permettre d’obtenir un revenu stable et déclaré.
Rodrigo Jesus Montoya rappelle que ce choix est un acte fort pour une société encore très machiste au siècle dernier.
“À cette époque, le machisme régnait en Amérique latine, mais Doña Victoria a toujours voulu que le montage soit confié à des femmes, afin qu'elles puissent subvenir aux besoins de leur famille. Et nous perpétuons cette tradition jusqu'à aujourd'hui.”
En effet, si vous avez la chance de visiter la fabrique San Roque à Lambayeque, vous pourrez voir une armée de confectionneuses affairées à l’assemblage manuel des pièces du gâteau traditionnel.

Et si c’est un jour d’anniversaire pour l’une d’entre elles, vous assisterez peut-être à un “cumpleaños feliz” chanté par tout l’atelier. Rodrigo Jesus Montoya connaît toutes ses collègues par leurs prénoms :
“Je pense que la dame à qui ils ont chanté « Joyeux anniversaire » est Mme Teresa, qui travaille avec nous depuis 35 ans. Elle connaît donc la deuxième génération de la famille.”
Aujourd’hui, San Roque emploie environ 250 personnes dans tout le Pérou, dont la majorité à Lambayeque, et soutient aussi ses fournisseurs locaux, les aidant à se formaliser. Dans un pays ou 7 travailleurs sur 10 occupent un emploi informel selon l’institut Péruvien de l’Economie (https://ipe.org.pe/el-70-de-trabajadores-en-peru-es-informal/ chiffres du 1er mai 2025), cette activité et les emplois qu’elle crée sont précieux pour développer l’économie locale et nationale.
La recette du succès? Une tradition bien dorée au fil des générations
Ainsi, au fil des décennies, la petite entreprise familiale s’est transformée en emblème régional. La fille de la fondatrice, Perpetua García de Barreto, structure l’activité sous le nom « San Roque ». Aujourd’hui, la quatrième et la cinquième génération perpétuent l’héritage, tout en intégrant des procédés modernes venus d’Argentine :
“Nous produisons près de deux tonnes et demie de manjar blanc par jour”
Mais au-delà de la quantité, ce qui compte à San Roque, c’est avant tout la qualité gustative et la reconnaissance d’un savoir-faire traditionnel à l’international. L’entreprise a reçu plusieurs distinctions, dont une médaille I à Bruxelles en 2020, et elle représente aujourd’hui la marque pays “Perú” dans la région de Lambayeque.
Pour les visiteurs, la fabrique est devenue un lieu touristique à visiter gratuitement : on y découvre les pailas argentines qui confectionnent le manjar et les ateliers d’assemblage.
Pour Rodrigo Jesus Montoya, le King Kong est la fierté des Lambayecanos :
“Cuando alguien visita Lambayeque, siempre se lleva un King Kong.” « (Quand quelqu’un vient à Lambayeque, il repart toujours avec un King Kong. »)
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