À 3 000 mètres d’altitude, près d’Ayacucho, la créatrice Vicky Almeida et ses artisanes se retrouvent pour lancer la nouvelle collection de Haki Sostenible.


La marque, lancée en 2017, propose des pièces originales, ornées de broderies inspirées des motifs des paysages andins.
Le luxe réinventé : patrimoine précieux et rémunération juste
Sur la page instagram de Haki, on parle de « luxe » mais pas de celui qui exclut et ne brille que par son prix :
« Avoir un vêtement fait main est un luxe. Mes vêtements sont chers parce que tout le processus est fait à la main, parce que les brodeuses sont bien payées, parce que le tissu que j'utilise est du coton pima, qui est plus cher que le synthétique. » explique Vicky Almeida, créatrice de Haki.
Coiffée d’un grand chapeau qui la protège d’un soleil éclatant, la créatrice Équatorienne reprend le fil de son parcours jusqu’ici :
« Avant, je travaillais dans la production cinématographique, et j'organisais des événements culturels en Equateur. »
Entourée d’artistes, la jeune femme se passione pour la mode et décide alors de créer sa propre marque. Après avoir rencontré son mari, elle s’installe à Lima. C’est au fil de ses rencontres, lors d’ateliers associatifs qui proposaient des activités manuelles pendant la pandémie, qu’elle forme son équipe, les onze confectionneuses qui travaillent aujourd’hui pour Haki Sostenible.
Tisser les liens entre passion et rémunération, la clé pour des broderies réussies
Assises autour d’une vieille table en bois devant une marmite de soupe au maïs et aux abats, les brodeuses évoquent ensemble des souvenirs et des projets, comme une grande famille enfin réunie. Presque toutes originaires du même village, les artisanes sont unies par des racines communes et une passion : la broderie.
« La philosophie de Haki, c’est de travailler avec des femmes qui aiment vraiment broder, qui y trouvent du plaisir et s’épanouissent en le faisant. Broder par nécessité, je le comprends, mais ce n’est pas suffisant », explique Vicky Almeida.
Pour elle, quand on aime broder, on brode mieux. Et selon ce principe, les brodeuses de Haki comptent parmi les meilleures :
« Me encanta. Esa es mi pasión », souffle Eladia Antonio Soto, la plus âgée du groupe. « Quand je brode, je pense à mes enfants. Je relâche toute la pression. », confie Prudencia de la Crux.
Pour Berta de la Cruz, jeune mère de trois enfants, broder est à la fois un plaisir et un moyen de subsistance qui lui permet de rester près de ses enfants, à la maison. C’est dans son humble demeure de briques et de tôle qu’elle donne du relief aux motifs imaginés par Vicky. C’est là aussi qu’elle reçoit ses amies et collègues aujourd’hui.

Les onze femmes qui confectionnent les pièces à la main pour Haki chantent et se souviennent de leurs enfances loin de la capitale péruvienne, lorsqu’elles ont commencé à broder, par nécéssité plus que par passion.
Des épines d’arbres à la place des aiguilles, des poils de vaches en guise de fils : Eladia Antonio Soto cousait avec les moyens du bords, et vendait ses oeuvres à ses camarades de classe pour quelques soles. Aujourd’hui, c’est elle qui réalise les avant premières de la nouvelle collection de Haki, à paraître cet hiver. Sur les étiquettes de chaque pièce, on pourra voir son nom et le temps qu’elle a passé pour broder sur ce vêtement, accompagné d’un petit texte personnel et de sa photo.
Un échange de bons sentiments et pas seulement de bons procédés
Pour Vicky, valoriser le travail de ses artisanes ne passe pas uniquement par une rémunération juste. Donner de la visibilité à leur savoir faire et leurs personnalités est primordial :
« Ma marque n’existerait pas sans elles. Je ressens beaucoup de gratitude pour elles et je crois qu’elles en ressentent pour moi aussi. Ici, en quechua, ils appellent cela « ayn », c’est-à-dire « donner et recevoir ». Pas dans le sens d’un échange commercial, mais plutôt de gratitude. » explique la designeuse.
Elle ajoute : « Le mot « haki » signifie fraternité en navajo. Comme je suis équatorienne, je ne voulais pas perdre le lien avec mes racines. Je voulais unir dans ma marque les deux pays, des pays frères en quelques sortes. Mais « haki » symbolise aussi l’union et la justice, notamment la justice sociale, qui est très importante pour moi. »
Tisser des liens avec l’essentiel : de la haute couture aux contours de nature et de paysages andins
Au-delà de son engagement social, les créations de Haki, confectionnées par de petits artisans péruviens à partir de fibres 100 % naturelles, portent un message plus large.
« Retourner à l’origine, à l’organique, à la Terre. Revenir à la perfection imparfaite qui nous habite. Parce que sans racines solides, il n’y a pas de croissance réelle. C’est seulement en se connectant à la terre que l’on peut s’élever vers le ciel. »
Ces lignes, écrites par Vicky, aiguillent la création de sa nouvelle collection. Inspirés par la faune et la flore andine, ses motifs invitent à retrouver le lien avec la nature, se donner le luxe de prendre le temps dans une société qui accélère tout.
Ces créations sont vendues en lignes et à Lima, dans une boutique partagée à Barranco avec d’autres créateurs dont la philosophie rejoint celle de Haki. Bientôt, les visiteurs pourront y trouver un petit atelier où Maria et Eladia créeront et broderont sur place.

Né dans un contexte de prise de conscience écologique, Haki réussit à unir mode, durabilité et héritage artisanal.
Comme le résume Vicky :
« Je voulais créer une marque qui rende hommage à la terre, mais aussi aux mains qui la font vivre. Parce que sans elles, rien ne pousse, rien ne perdure. »
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