La discrimination continue de diviser le Pérou, malgré son identité multiculturelle riche et reconnue dans la Constitution.


Des millions de citoyens issus de communautés indigènes, afrodescendantes ou de milieux défavorisés témoignent d’inégalités persistantes dans l’accès aux opportunités, à la justice et au respect le plus élémentaire.
Au XXIe siècle, la discrimination demeure l’un des principaux problèmes sociaux du Pérou. Malgré les avancées juridiques et la reconnaissance officielle de la diversité culturelle, de nombreux citoyens affirment être encore traités injustement en raison de leur couleur de peau, de leur origine, de leur langue ou de leur condition économique.
Voix du peuple : des témoignages qui interpellent
« Je suis allée à un entretien d’embauche à Lima. Dès qu’ils ont entendu mon accent de Cusco, ils m’ont demandé si je savais utiliser un ordinateur. J’ai senti qu’ils me regardaient comme si je n’étais pas capable, » raconte María Huamán, jeune professionnelle de 28 ans.
« Quand je monte dans un taxi et que le conducteur découvre que je viens de Puno, son attitude change et il commence à se moquer. Comme si venir de province était une honte, » déclare Luis Mamani, commerçant.
Ces témoignages, recueillis dans différentes régions, montrent une réalité que beaucoup préfèrent ignorer, mais qui blesse profondément la dignité de milliers de Péruviens.
Une discrimination historique et structurelle
Pays multiculturel, le Pérou traîne encore des préjugés hérités de l’époque coloniale. Selon le Ministère de la Culture, 6 Péruviens indigènes sur 10 affirment avoir subi de la discrimination dans des espaces publics ou face à des institutions de l’État.
« Je parle quechua et, souvent, à l’hôpital, ils ne veulent pas me comprendre ni m’assister. On me dit d’apprendre l’espagnol si je veux être soignée, » témoigne Severina Quispe, agricultrice d’Ayacucho.
La discrimination n’est pas seulement ethnique ou linguistique ; elle se manifeste également face à la condition sociale.

Exclusion dans les zones urbaines
Dans des villes comme Lima, l’accès aux restaurants, logements ou emplois peut être influencé par l’apparence physique ou le statut économique.
« Je suis allé dans un restaurant à Miraflores et on m’a dit qu’il était complet, mais j’ai vu d’autres personnes entrer sans problème. J’ai compris que c’était à cause de mon apparence et de mes vêtements, » explique Eduardo Sánchez, étudiant.
D’après une enquête Ipsos, plus de 52 % des habitants de Lima reconnaissent avoir été témoins d’actes discriminatoires liés à la couleur de peau ou à la classe sociale.
Discrimination fondée sur le genre et l’orientation sexuelle
Le rejet touche aussi la communauté LGBTIQ+.
« On m’a dit au travail de ne pas avoir de “gestes efféminés” parce que cela pourrait déranger les clients, » raconte Jorge Vela, jeune homme homosexuel.
Les femmes indigènes, quant à elles, subissent une double discrimination : en tant que femmes et en tant que membres de peuples originaires.
« On me dit que, parce que je suis femme et paysanne, je ne peux pas donner mon avis en politique. Comme si je n’avais pas le droit de penser, » déclare Rosa Pacaya, dirigeante awajún.
Conséquences sociales
La discrimination provoque l’exclusion, maintient les cycles de pauvreté et génère de la violence. Elle limite l’accès aux opportunités et approfondit la fracture sociale.
Selon le sociologue Carlos Contreras : « Tant qu’il existera des citoyens de première et de seconde classe, le pays ne pourra atteindre un véritable développement. La discrimination n’affecte pas seulement les victimes : elle affaiblit la nation tout entière. »
Mesures prises et défis restants
Bien que des lois sanctionnent la discrimination, leur application reste insuffisante. La majorité des victimes ne portent pas plainte par peur ou par manque de confiance dans le système judiciaire.
« J’ai dénoncé le fait qu’on m’avait refusé l’entrée dans une discothèque à cause de ma peau sombre. Deux ans ont passé et il n’y a eu aucune sanction, » déplore Mariela Castillo, jeune femme afro-péruvienne.
Les experts recommandent de renforcer l’éducation interculturelle, de sensibiliser la population et de garantir une justice efficace.
La discrimination n’est pas seulement une offense individuelle : c’est un obstacle au progrès et à l’unité nationale. Reconnaître et combattre ce fléau est une responsabilité collective. Le Pérou doit voir sa diversité comme une richesse, non comme une division.
« Nous ne demandons pas des privilèges. Nous voulons seulement être traités comme des êtres humains, » conclut avec force María Huamán, résumant la voix de millions de Péruviens qui réclament égalité et respect.
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