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RENAUD LACROIX - Profession : Chasseur de moustiques

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 10 décembre 2012

La Dengue touche 50 à 100 millions de personnes dans le monde chaque année. Renaud Lacroix travaille pour Oxitec, une start-up qui a émergé de l'université d'Oxford et qui depuis 10 ans tente d'éradiquer la dengue en s'attaquant aux moustiques. Le jeune entomologiste est aujourd'hui basé en Malaisie. Prenez votre citronnelle et vos moustiquaires, LePetitJournal.com vous emmène dans le monde impitoyable du moustique.

Touché par le virus du moustique
En deuxième année d'école d'ingénieur, Renaud Lacroix se retrouve par hasard à réaliser un stage sur les moustiques aux Pays-Bas. Ses trois mois, il les passera  à regarder des insectes qui pondent des ?ufs. Comme Peter Parker piqué par une araignée et qui deviendra Spiderman, c'est là bas que l'intérêt de Renaud est piqué au vif. Du Kenya au Séngal, le jeune homme multiplie les stages notamment à l'institut pasteur avant d'entamer une thèse.

Le sujet ? Etudier le comportement et la survie des moustiques mâles à l'état sauvage. Renaud apporte un peu de parité dans la recherche sur le moustique en s'intéressant aux mâles. Il explique: "la majorité de la recherche se concentrait sur les femelles car ce sont elles qui piquent ! ". Aujourd'hui, l'intérêt du scientifique pour ces grands oubliés ne s'est pas estompé. Il les fait même participer activement à la lutte contre la dengue !

Différentes approches pour éradiquer les moustiques
Vous aussi, vous êtes chasseurs de moustiques lorsque vous branchez votre prise dans votre chambre pour éloigner les visiteurs nocturnes indésirables. Les insecticides participent à la lutte contre ces insectes. La technique utilisée par Renaud est un peu plus élaborée et fait appel à la génétique. Grâce à un gène modifié, les mâles sont stériles et empêchent les femelles d'avoir une descendance viable. Réduire la descendance des moustiques, c'est réduire la transmission de maladie. Il s'agit donc de créer en laboratoire des moustiques génétiquement modifiés qui auront les capacités d'être les étalons de ces demoiselles moustiques. Autrement dit, il faut rendre ces insectes compétitifs face à leurs confrères sauvages afin qu'ils puissent se reproduire le plus possible. Ces moustiques de laboratoire passent donc leur adolescence (deux jours) à être bien nourris, à l'abri des prédateurs et sous le regard bienveillant de Renaud. A la fin du processus, ce dernier relâche dans la nature des adolescents en pleine maturité sexuelle qui n'ont pas encore goûté au plaisir de la chair?

Dans les études déjà réalisées aux Îles Caïmans en 2009-2010, ou encore au Brésil en 2011, la population de moustique a pu être éradiquée à 85% sur des villages de 2000 habitants. Il s'agit donc d'une solution génétique efficace!  Un projet est même en préparation au Brésil pour une ville de 50 000 habitants. Notre chercheur se veut optimiste: "En Malaisie, à terme, l'objectif est d'éradiquer la dengue de Malacca ou Penang, voire même de Kuala Lumpur " . Un test sur un village de 2000 habitants devrait voir le jour en 2013.

Kuala Lumpur est en effet un grand foyer de dengue. La pluie, l'eau stagnante, l'insalubrité  ou encore le manque de structures (comme les égouts ou l'eau courante ) facilitent le développement des larves qui donneront un jour des moustiques. La prévention est donc un des éléments importants dans la lutte contre ces insectes.

L'importance de la prévention


En Malaisie, vous pouvez avoir une amende de 500 RM si des larves de moustiques venaient à être trouvées chez vous. Si cette amende est peu ou pas appliquée, la lutte contre la prolifération des moustiques est prise très au sérieuse. Dès qu'un cas de dengue est répertorié, l'immeuble est lavé aux fumigènes. Renaud estime qu'entre 2011 et 2012,  l'Etat a pu répondre à près de 100% des sollicitations. Malheureusement, comme le souligne le chercheur, le cycle du moustique est un cycle "moustique/homme/moustique". Autrement dit, il suffit d'une personne touchée par la dengue et qui ne soit pas forcément de l'immeuble pour que l'infection se propage. Cette technique de l'enfumage permet seulement de limiter les dégâts. Aussi, il vaut mieux toujours agir par prévention que par réaction.

La prévention, Renaud en fait aussi. Son travail de chercheur ne se limite pas à la relation aux moustiques, il partage également de l'information. Ainsi au Brésil en deux jours, le scientifique a frappé à près de 500 portes pour expliquer les tenants et les aboutissants de l'opération. En outre, à travers ses travaux de recherche, Oxitec travaille avec des locaux sur place afin de les former.

Polémiques avec certaines ONG
Certaines ONG invoquent le principe de précaution face aux moustiques génétiquement modifiés, ou encore l'impact sur l'éco-système. Renaud explique qu'il existe énormément de paliers de contrôle avec des comités éthiques, des comités de contrôle auxquels l'Etat est étroitement associé. Par ailleurs, l'argument de l'éco-système n'est pas valable puisque les prédateurs naturels des moustiques qui transmettent la dengue ont d'autres sources d'alimentation. De plus, historiquement, cette espèce a été introduite en Asie et aux Amériques au début du XXème en arrivant par les bateaux notamment.

Enfin, le gène transmis est un gène de mort, il ne pourra donc pas se développer dans d'autres organismes. Comme disait un ancien professeur de Renaud, "Un gène ne se transmet pas comme ça : si tu manges du b?uf, des cornes ne te poussent pas sur la tête!".

Plus sérieusement, Oxitec existe depuis maintenant dix ans et dispose d'un réel recul sur son travail. La bataille contre le moustique porteur de la dengue est symptomatique d'une recherche bien menée, ancrée dans la réalité de la vie des gens, portant une visée sanitaire non négligeable et avec des progrès fulgurants sur les premiers tests grandeurs natures et tout cela en quelques années.

Docteur Renaud, Mister Moustique
En dernier lieu, LePetitJournal.com en a profité pour demander au chercheur des petits conseils face aux moustiques. Outre éviter l'eau stagnante, ne grattez pas vos boutons de moustique! Moins vous vous grattez, plus votre corps développera une immunité et les piqûres suivantes devraient être suivies de démangeaisons moins douloureuses ! Renaud touche du bois en affirmant qu'il n'a jamais attrapé ni la dengue, ni le paludisme ou encore la fièvre jaune. Malheureusement, il sait que cela arrivera un jour ou l'autre dans son métier?de dengue !
Renaud Voisin  (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) Jeudi 29 novembre 2012

Pour plus d'informations sur Oxitec et sur la lutte contre la dengue (en anglais)

logofbkl
Publié le 28 novembre 2012, mis à jour le 10 décembre 2012
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