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KEN YEANG – L’architecte malaisien qui a inventé l’immeuble bioclimatique

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 30 juin 2013, mis à jour le 1 juillet 2013

Dans son petit bureau étouffé par les livres, difficile de deviner que se cache derrière ce Malaisien qui raconte des blagues l'architecte le plus connu de la Malaisie. Professeur invité dans près de 45 pays et inventeur de l'immeuble bioclimatique, Ken Yeang a été décrit par "The Guardian" comme l'une des 50 personnalités qui pourraient sauver la planète. Rencontre sur les possibilités d'une architecture conciliant verticalité et écologie

Le père de l'immeuble bioclimatique

Au cabinet Hamzah & Yeang, tout le monde défile dans le bureau de l'architecte pour lui faire valider tel email ou tel plan. On devine aisément qui est le cerveau au sein de ce lieu de l'innovation. "Comment un petit Malaisien est-il devenu mondialement connu ? De la confiance en soi et du talent pour comprendre comment le monde fonctionne" explique-t-il.

Quelle est l'invention qui a fait la renommée de Ken Yeang à l'échelle internationale ? "L'immeuble bioclimatique". A Cambridge, le jeune architecte propose une thèse innovante dès 1974. Le "green design" est alors une discipline très jeune. A l'époque où les immeubles se multiplient, le Malaisien réfléchit à un moyen de concilier verticalité et bioclimatique.Théoricien autant qu'architecte, il imagine des immeubles verts différents de ceux de ses collègues. Adieu les gadgets en tous genres, Ken Yeang souhaite permettre l'équilibre entre organique et non organique."L'éco-design, c'est bien plus que le photovoltaïque ou l'ingénierie".

L'idée de l'architecte est d'être à l'écoute de la nature et d'en connaître les propriétés et les désirs. "Je suis un écologiste en premier, un architecte en second". Alors, il se met à rêver des gratte-ciels faits de béton, d'acier et de verre, mais aussi d'humus, de buissons et d'eau, un écosystème où se développeraient une faune et une flore autonomes.  

Des constructions en accord avec les éléments


Dans ces véritables tours vivantes qui sembleraient toutes droites sorties d'un film de science-fiction, Ken et son équipe ne laissent rien au hasard. Chaque espèce végétale est scrupuleusement sélectionnée pour servir de nourriture,de lieu de reproduction ou de refuge à un certain type d'animaux. L'eau, le vent et la pluie ne sont plus, comme pour beaucoup de ses confrères architectes, des ennemis. Ken Yeang utilise véritablement les conditions de l'environnement pour donner vie à ses tours.  "Je mets beaucoup d'arbres dans mes immeubles. Souvent, on me dit que c'est un peu facile de faire un immeuble bioclimatique en ajoutant simplement des arbres.C'est plus compliqué que cela. Je créé en réalité tout un écosystème".

Très saluée à l'international, sa tour Mesiniaga à Subang Jaya pourrait constituer une sorte de catalogue de toute les techniques bioclimatiques inventées par Ken Teang. On y retrouve des "architectures végétales verticales" inédites mais aussi un système d'"immeuble actif intelligent" pour économiser l'énergie. Sa façade unique permet par exemple une aération naturelle de la tour. Ce projet innovant, datant de 1992, est considéré comme le premier grand immeuble bioclimatique du monde !

A Singapour, la tour EDITT de Ken Yeang , haute de 26 étages, est autosuffisante en eau à 55%, grâce à un collecteur d'eau de pluie.  Pour la bibliothèque nationale singapourienne, également pensée par l'architecte, des parasols de 6 mètres de haut gardent la fraîcheur dans le bâtiment pendant l'été, tandis que les façades est et ouest s'ouvrent au lever et au coucher du soleil pour laisser pénétrer la lumière naturelle et économiser de ce fait de l'électricité.

En 30 ans d'exercice, Ken Yeang a dessiné près de 200 projets à caractère écologique de Tokyo à Dubaï en passant par Londres. Dans ses grandes villes impersonnelles, il ne perd jamais de vue le facteur humain. "Dans chacun des mes immeubles, je dessine beaucoup d'espaces de vie. C'est important de garder à l'esprit qu'on dessine des bâtiments pour des gens et non pour l'écologie".

Des tours vivantes difficiles à vendre?

Conférences, expositions, interviews, publications d'ouvrages? La vie de Ken Yeang est bien remplie. Malgré les nombreux prix qui saluent son apport au "green design " dans plusieurs pays, le Malaisien raconte qu'il n'ait pas aisé de trouver des clients prêts à investir dans des immeubles bioclimatiques, surtout dans des pays en construction comme la Malaisie.  "Se lancer dans un building bioclimatique coûte 8% du budget nécessaire à la construction d'une tour. Faire accepter l'écologie dans un projet, c'est un enfer. Le monde est contre vous. Les coûts effraient et le fait que je sois célèbre aussi. A chaque fois, je dois convaincre. Tout le talent de l'architecte est de réussir à proposer aux clients ce dont ils ont besoin, pas ce qu'ils demandent"

Passionné par son travail, Ken Yeang regrette le manque de considération dont souffre la profession d'architecte à mesure que ses tâches lui sont retirées une à une pour être confiées à des services spécialisés  "Les clients n'ont pas vraiment de respect. Ils vous regardent comme une industrie de services".

Malgré la difficulté à mettre l'écologie au coeur d'une industrie du bâtiment qui y verrait plutôt l'économie, le Malaisien ne désespère pas et continue de rêver aux villes de demain. Il a d'ailleurs répondu à un appel d'offres pour imaginer une "éco-city" à la Réunion. Peut-être son premier projet en France? 

Marion Le Texier  (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) Lundi 1er Juillet 2013

 

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Publié le 30 juin 2013, mis à jour le 1 juillet 2013

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