Juliette de CHAISEMARTIN est psychologue clinicienne installée à Johannesburg depuis trois ans. Elle consulte en libéral à Riverclub et accompagne les expatriés et leur entourage dans leur parcours. Elle détaille les bouleversements que peut créer l’expatriation, les moyens de les accueillir et d’y faire face.


Propos recueillis par Philippe PETIT
Quand l’ailleurs bouscule l’intérieur, par Juliette de CHAISEMARTIN
L’expatrié au cœur d’un mouvement complexe
S’expatrier, c’est souvent un rêve : celui d’un nouveau départ, d’une belle aventure professionnelle ou familiale, des conditions différentes, un nouveau style de vie.
On imagine, on rêve, on se projette.
Mais derrière les valises, les visas et les projets, se cache une réalité plus intime : l’expatriation n’est pas seulement un changement de pays, c’est une véritable transition intérieure.
C’est une remise en question de soi.
L’installation, parfois perturbée par des problèmes logistiques ou des tracas administratifs imprévus, ne se passe pas toujours comme on l’espérait. Un changement d’univers professionnel, un nouvel environnement à apprivoiser, une culture locale différente, et un cadre de vie inconnu… Tout cela peut très vite être perturbant.
La pression professionnelle, quand il faut être opérationnel dès la prise de poste, la nécessité impérieuse de trouver rapidement ses repères, sont des aspects importants à considérer lors d’une expatriation.
Changement visible, transition invisible
Alors que le changement se donne à voir aux yeux de tous, la transition, elle, est plus silencieuse : c’est le mouvement intérieur qui permet d’intégrer ce changement, de se redéfinir, de retrouver un nouvel équilibre. L’expatriation bouleverse les repères externes, mais aussi les repères identitaires.
Ce n’est pas seulement une aventure géographique, c’est une recomposition de soi.
Le départ en expatriation repose souvent sur des raisons apparentes (opportunité, aventure, cadre de vie), mais aussi sur des motivations plus inconscientes : désir de fuite ou de transformation personnelle par exemple.
L’expatriation peut être vécue comme une quête identitaire
Elle peut être également un moyen de réparer une souffrance psychique.
Elle se déroule en plusieurs phases - euphorie, choc culturel, adaptation et intégration - chacune des phases comportant ses défis émotionnels. Ces bouleversements peuvent fragiliser psychiquement, favorisant parfois dépression ou addictions, surtout chez les personnes déjà vulnérables ou chez les personnes qui ne sont pas préparées à ce chamboulement.
Le rôle central du conjoint et de la famille
Dans ce voyage, le conjoint accompagnateur occupe une place essentielle et souvent méconnue.
Quitter son travail, perdre une partie de son statut, se reconstruire un réseau social, trouver un sens nouveau à sa présence : autant de défis que traverse celui ou celle qu’on appelle parfois, à tort, le “conjoint suiveur”. Il endosse ce nouveau rôle, parfois difficile, de « conjoint expatrié ».
Le bien-être et la satisfaction du conjoint joue un grand rôle dans la réussite d’une expatriation
Cette redéfinition des rôles au sein du couple et de la famille peut fragiliser, mais aussi renforcer les liens, à condition que chacun trouve sa place. L’équilibre repose alors sur la communication, la flexibilité et la cohésion.

Les enfants de la “ third culture ”
Et les enfants ? Ils sont souvent les plus adaptables… mais pas toujours les moins touchés. Grandir entre plusieurs pays, plusieurs langues, plusieurs cultures forge une identité riche, ouverte, mais parfois diffuse.
Ces enfants dits de la “third culture” - ni tout à fait d’ici, ni tout à fait de là-bas - développent une grande agilité émotionnelle et sociale, mais peuvent aussi ressentir une forme de déracinement ou de solitude face à la question : “ D’où viens-tu vraiment ? ”
La perception du changement est différente en fonction de l’âge des enfants nomades. Pour les plus jeunes, l’important est de retrouver le cocon familial, même si l’environnement a changé. Les changements externes, cumulés aux changements internes, sont généralement plus perturbants pour les adolescents.
Un voyage qui transforme, des stratégies pour faire face
Entre enthousiasme et fragilités, l’expatriation oblige chacun à se redéfinir, à travers la perte de repères, les ajustements émotionnels, les découvertes intérieures.
L’expatriation n’est pas une simple aventure extérieure, mais bien un défi intérieur, une chance de croissance, de souplesse et de rencontre avec soi.
La mise en œuvre de stratégies d’ajustement interne et d’adaptation externe est souvent nécessaire
La régulation émotionnelle permet de gérer ses émotions pour préserver son équilibre psychologique, notamment face au stress de l’expatriation. Les stratégies de coping, le partage social des émotions et l’appui sur la communauté expatriée sont essentiels pour maintenir le bien-être émotionnel.
Le sport joue aussi un rôle important en aidant à canaliser les tensions, renforcer l’estime de soi et favoriser l’ancrage dans le présent.
Enfin, la consultation psychologique, peut être une ressource utile pour traverser les bouleversements identitaires et culturels liés à l’expatriation.

Pour aller plus loin : propositions pour prendre soin de soi
Juliette de CHAISEMARTIN, psychologue clinicienne, anime régulièrement des conférences pour aider à comprendre les bouleversements liés à l’expatriation et présenter, de façon détaillée, les stratégies pour y faire face.
La prochaine rencontre, organisée avec Jo’Bourg Accueil aura lieu le 4 novembre, à 18h30 : L'expatriation, un voyage extérieur, un défi intérieur
Installée en cabinet de Riverclub, elle accompagne les enfants, les adolescents et les adultes dans leur parcours de vie.
Pour prendre rendez-vous :
Juliette de CHAISEMARTIN : 079 044 8296 (Whatsapp)
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