Le couturier français Yves Saint Laurent sera à l'honneur dans la capitale indonésienne à partir du 29 mars à travers une exposition photographique de sa première collection présentée au Plaza Indonesia. L'occasion pour nous de nous questionner sur la creation de la mode en Indonésie. Nous avons rencontré un ambassadeur du savoir-faire français, Patrice Desilles, directeur de l'école Esmod qui forme depuis 15 ans les stylistes indonésiens de demain.
Pourquoi une école de mode française à Jakarta ?
Esmod existe à jakarta depuis 1996. Elle fait partie d'une Association consacrée au design et à la communication, Yayasan Pendidikan Desain dan Ilmu Pengetahuan fondée par Ibu Hartini Hartarto qui est une amoureuse de la France. Cette association regroupe cinq établissements , tous dédiés à l'expression de la création chacun dans un domaine différent : l'architecture, le chant, l'ameublement, les nouvelles technologies et la mode bien sûr.
Chez Esmod nous proposons une formation complète en 3 ans en Design et Business car les deux sont intimement liés et nos élèves doivent savoir gérer leurs affaires lorsqu'ils sortent de l'école. En plus de cette formation diplomante qui compte actuellement 240 étudiants nous offrons la possibilité d'apprendre à la carte avec des formules de 3 à 240h de cours en fonction des besoins de chacun. Aujourd'hui 400 élèves participent à ces cours selon leur désir ils apprennent les bases de la couture, le patronage, le dessin de mode? Nous proposons aussi des formations pour les entreprises. Nous créons des programmes sur mesure pour former leur personnel. Par exemple nous pouvons initier des acheteurs au style et aux couleurs ce qui les rendra plus performant dans la pratique de leur métier.
Nous avons ouvert récemment un quatrième département consacré au Business, au design et au graphic design qui nous permet de vendre notre savoir-faire. Nous venons de signer un contrat pour la confection de 29.000 looks pour l'entreprise en charge de la construction du métro à Jakarta. Nous sommes en charges de créer les uniformes pour la totalité de son personnel. C'est un projet global de la création à la réalisation. Nous avons pu répondre à cette offre grâce au talent de nos professeurs. Pour des contrats plus simples nous pourrions aussi utiliser des étudiants pour les faire travailler sur des cas pratiques.
Enfin nous venons de créer un e-store pour que nos élèves s'initient à la commercialisation de leurs collections en ligne. C' est essentiel car 60% d'entre eux créeront leur entreprise à la sortie de l'école.
Qui sont les étudiants de Esmod ?
Sur 240 étudiants inscrits dans la filière longue de 3 ans nous n'avons que 5 garçons ! Ca ne décolle pas et je ne comprend toujours pas pourquoi. Dans l'ensemble les jeunes, filles ou garçons, qui arrivent après le lycée manquent trop souvent de confiance en eux. Ils ont un comportement passif vis à vis de leur apprentissage. Ils ne questionnent pas et ont peur de faire par eux-mêmes. Ils évoluent au cours de leurs années d'étude et sont très impliqués quand il s'agit de faire des travaux de recherche pour nourrir leurs propres collections. Ça part souvent dans tous les sens et ça c'est très très bien !
Quelle est la place du batik dans la création ?
Le batik est très ancré dans la culture et la tradition. Pour beaucoup il n'est envisageable que sur des étoffes de coton et lde soie. Imaginez que la forme de la chemise pour homme en batik n'a pas évolué depuis 15 ans. Ça ne bouge pas. Ça sent la poussière !
Justement en 2012 à l'occasion de la réunion annuelle des 23 écoles Esmod présentes à travers le monde qui s'est déroulée à Jakarta nous avons choisi de mettre à l'honneur le batik. Chaque élève des 23 établissements devait penser et fabriquer un vêtement avec une pièce de batik traditionnel et un autre avec un batik créé par ses soins. Des workshops avaient été mis en place en amont de la rencontre pour enseigner la technique du dessin à la cire. A l'issue du défilé les esprits conservateurs ont très mal reçu ces nouveaux motifs de batik. Il y avait une complète incompréhension de leur part face à la modernisation et à la transformation des motifs.
Pourtant aujourd'hui encore à Esmod des élèves tentent d'utiliser la technique du batik sur des nouvelles matières plus actuelles telles que le cuir. C'est encourageant ça permet des ouvertures.
Lucie pech (www.lepetitjournal.com/jakarta) mercredi 26 juillet 2017
(Première diffusion le lundi 20 mars 2017)
Crédit Photos : M. Dassonville, C. Feder, P. Grenouilleau, V. Ouvrard
L'an dernier Esmod Jakarta a été pour la 1ère fois mis à l'honneur avec 35 autres écoles de mode du monde dans le magazine l'Officiel , première édition "1000 modèles"